Ce n’est pas en ce moment que la météo est la plus clémente… Pourtant, le vent est synonyme, pour certains d’entre nous, de sessions de sport bien musclées, particulièrement pour les voileux ! C’est donc avec le sourire et malgré la pluie, que Lucas Malige, responsable de la base nautique du Cercle Nautique Calédonien nous accueille dans son bureau.

Lors de notre échange, Lucas nous a raconté son lien à la navigation et la manière dont il envisage son métier. Formateur, professeur et coach de voile, il a aussi le lourd rôle d’être le garant de l’organisation de la partie technique des régates du Caillou. Son expertise déterminera si votre bateau est éligible aux compétitions et c’est sous son regard bienveillant que vous apprendrez – peut-être – à naviguer. Le plus important pour lui ? Faire découvrir la voile à tous les curieux, de 0 à 99 ans !

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Salut Lucas et bienvenue sur NeOcean ! Ça souffle fort en ce moment ? 

Salut NeOcean et bienvenue à la base nautique du Cercle Nautique calédonien. Ça pleut fort surtout en ce moment. Les alizés commencent à revenir, nous sortons en mer un peu tous les jours. Pour nous ce sont de super conditions même si elles sont parfois un peu musclées pour les jeunes !

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Tu es originaire des Sables-d’Olonne : qu’est-ce qui t’a amené en Nouvelle-Calédonie ? Le rapport à la mer est-il le même ?

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© CNC

Le rapport à la mer est forcément différent ici qu’à la France métropolitaine. Ici, on peut naviguer toute l’année même s’il y a des périodes moins ventées. En métropole, en hiver, il faut vraiment être motivé pour sortir !

Je suis arrivée en Nouvelle-Calédonie il y a plus d’un an, après des expériences à Saint-Barth, aux Antilles, à Granville en Manche et bien sûr aux Sables-d’Olonne, ville iconique du paysage voile puisqu’elle accueille tous les quatre ans le mythique Vendée Globe. Je cherchais à avoir des conditions optimales pour pratiquer mon métier tout au long de l’année. Mon poste à la base nautique du Cercle Nautique Calédonien propose des missions variées et du matériel au top, c’est pour ça que je suis venu en Calédonie.

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Raconte-nous ton parcours personnel et professionnel pour arriver à travailler pour le Yacht Club.

J’ai commencé par faire une formation de moniteur et à passer le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) « Initiateur de Voile » dès mes 16 ans. Puis, j’ai commencé à être saisonnier aux Sables-d’Olonne dès mes 17 ans et ce pendant cinq ans. Ensuite, j’ai passé mon BPJEPS « activités nautiques » mention voile légère et croisière. J’ai également suivi une seconde formation BPJEPS cette fois-ci mention char à voile pour élargir mon panel de possibilités.

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Tu es « responsable base nautique » du CNC. Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce que cela signifie ? Quelles sont tes missions ? Es-tu professeur de voile ou formateur de voile ?

Ma mission est d’être garant des activités nautiques organisées par le Yacht Club : de l’initiation pour adultes aux stages pour enfants, en passant par l’organisation de régates locales et internationales, comme la Aircalin Match Race du mois dernier ou la Groupama Race de 2024. Mon objectif est de faire découvrir la voile à un maximum de monde, dans les meilleures conditions possibles.

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© CNC

Je suis à la fois « professeur » de voile et à la fois formateur. Je fais de l’initiation à la voile pour ceux qui sont inscrits. J’encadre à la fois ceux qui recherchent la performance et ceux qui n’y connaissent rien du tout, quel que soit leur âge ! En plus de cette casquette, je suis aussi formateur. J’ai formé trois promotions de jeunes CQP pendant mes années à Granville et une session de formation locale est en cours de préparation pour octobre.

Je m’occupe aussi de la maintenance de nos flottes de dériveurs et quillards et j’assure le suivi des entretiens divers, bateaux moteurs, bâtiment de l’école de voile… J’adore ce que je fais peu importe que ce soit en tant que formateur ou en tant qu’encadrant. Je ne fais jamais face aux mêmes situations, il n’y a pas deux fois le même partage, ni même les conditions de sortie, ni les mêmes groupes !

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Quels sont les bateaux que vous avez sur la base nautique ? Qu’est-ce qui vous différencie des autres clubs de voile ?

Nous avons des dériveurs doubles, des RS Feva, des bateaux en plastique orientés pour la découverte. Ils conviennent aussi pour les adultes en découverte mais nous les utilisons beaucoup avec les plus jeunes. Pour la gamme au-dessus, nous avons de 29er, des bateaux en fibres, très légers, de vraies fusées sur l’eau mais très instables ! C’est une chance exceptionnelle d’avoir autant de bateaux de ce type à la base nautique. Ce sont des supports qu’on ne trouve d’habitude que dans les pôles d’excellence sportive – comme à la Rochelle ou à Marseille – ou éventuellement chez des particuliers.

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Il veille au grain pendant les courses… © CNC

La chance que l’on a en Nouvelle-Calédonie est que la voile est un sport très accessible ! Les prix n’ont rien à voir à la métropole. Franchement, on est bien loin du cliché du sport excessivement onéreux réservé à un public très aisé… Aujourd’hui, ça coute moins cher de s’inscrire à l’année pour suivre des cours au Club que de s’inscrire pour des cours de tennis. C’est environ soixante-dix mille francs pour l’inscription à l’année avec un cours par semaine et cent trente mille francs pour deux séances par semaine. Et le rapport entre la qualité du matériel et le prix est exceptionnel. Je ne connais aucun club en métropole qui peut se vanter d’avoir une flotte comme la nôtre.

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La flotte du CNC lors de la Aircalin Match Racing Cup © CNC

Pour les adultes c’est un peu différent, nous avons d’autres formules et d’autres bateaux. Ils vont pratiquer sur des quillards de sport, qui sont les J70, des bateaux de sept mètres de long avec trois à cinq personnes à bord. Ils peuvent participer à des week-ends adultes, aux jeudis club et s’inscrire pour des cours particuliers avec un moniteur à bord. Je connais beaucoup d’adultes qui sont arrivés tard à la voile. Entendre que c’est un sport inaccessible tant dans son prix que dans son apprentissage, je trouve que ce n’est pas vrai. En tout cas, pas en Nouvelle-Calédonie. Faire de la voile ne signifie pas forcément participer aux régates. Il n’y a pas besoin de toujours aller chercher la performance, le tout c’est de prendre du plaisir.

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Vous organisez très souvent des événements : l’Aircalin match Racing Cup, la Kunié Sailing Week et la Groupama Race pour ne citer que ces trois-là. Quel est ton rôle et qu’aimes-tu dans ces événements ?

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© Lucas Malige

Je gère la logistique de la course, je suis donc sur la partie technique. Avec l’aide des membres du comité directeur de l’association, nous faisons aussi de la prospection pour que des bateaux d’Australie et de Nouvelle-Zélande participent, nous rédigeons les documents de course. Je gère les visites de sécurité des bateaux nous montons à bord au moment de l’inscription pour valider ou non le fait qu’il puisse concourir lors de la régate. Nous avons une « check-list » pour vérifier l’état des gréements, de l’équipement embarqué et que tout est aux normes. Cela peut prendre jusqu’à deux heures, ce n’est pas une petite visite !

Une fois sur l’eau, nous sommes présents pour empêcher les spectateurs un peu trop « zélés » de s’approcher trop près des zones de course. Le but est vraiment de permettre aux régatiers de ne pas être gênés. Puis, il faut prévoir le nombre juste de bénévoles pour assurer le bon déroulement du départ, de l’arrivée et de la course dans son ensemble. Évidemment, nous intervenons également en cas de soucis matériel ou humain, une personne est en permanence d’astreinte pendant toute la durée de la compétition. Ce genre d’événement est très chronophage à organiser en amont mais si tout est bien fait, alors la régate en elle-même, ce n’est que du bonheur. J’ai participé à l’organisation de deux Vendée Globe aux Sables, donc c’est quelque chose que je sais faire.

Nous avons aussi la Kunie Sailing Week, que nous organisons tous deux ans, sur les années où il n’y a pas la Groupama Race. C’est un événement local durant lequel on part de Nouméa en direction de l’Île des Pins, avec une flotte de croiseurs. Une fois arrivés, nous mouillons dans la Baie de Kouto et pendant une semaine, des activités sont proposées et organisées avec les Kunies. Il y a des équipiers de croiseurs qui embarquent avec eux sur les pirogues, ils embarquent sur les croiseurs… C’est vraiment un super moment de partage. C’est un bon équilibre entre croisière, loisir et compétition.

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Cap sur le vivre ensemble de la Kunie ! © CNC – Eye Fly

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Tu navigues à titre personnel ? Raconte-nous ton lien particulier à cette pratique sportive : plutôt régate ou croisière ? Qu’est-ce que te plait dans l’un ou l’autre ?

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© Lucas Malige

J’ai vécu sur un bateau pendant deux ans aux Antilles, un catamaran de quarante pieds, situé devant la base nautique du club pour lequel je travaillais. L’avantage c’est qu’il était assez grand pour mettre jusqu’à six Optimists sur la plage avant et même deux coques de Laser sur le roof, en dessous de la bôme. Nous pouvions embarquer nos équipes de compétitions pour partir en régate à St Martin ou en Guadeloupe !

Cependant, habiter sur un bateau ne convient pas à tout le monde et quand tu retournes à terre, tu te dis que l’eau courante et l’électricité, c’est cool aussi ! Non, trêve de plaisanteries, la désalinisation de l’eau et les panneaux solaires fonctionnent très bien mais comme je ne vis pas seul, on s’adapte aux envies de l’autre aussi.

J’ai grandi à Mantes-la-Jolie, dans la région parisienne et j’ai commencé la voile « tard », vers 12 ans. J’ai très vite accroché, si bien que je passais mes étés entiers sur l’eau. Quand je n’étais pas sur l’eau, je trainais à la base de mer avec les moniteurs et les responsables. Ce que j’aime dans la voile, c’est la vitesse et ces sensations de glisse, de liberté… Peu importe que ce soit en régate ou en croisière. J’ai fait un peu de compétition, en Laser notamment.

Ce n’est pas ce qui m’anime le plus aujourd’hui, pas à titre personnel. Cependant c’est toujours un énorme plaisir et un accomplissement en tant qu’entraineur de voir nos jeunes performer. Ce que je cherche avant tout, c’est le plaisir. Je pratique aussi le wingfoil, c’est un bel équilibre que j’ai trouvé avec ce support entre le freestyle, la vitesse et la sensation de liberté.

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© Lucas Malige

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As-tu une anecdote maritime ou un souvenir marquant à nous partager ?

Il y a un mois, à la sortie de la petite rade de Nouméa au coucher de soleil, au niveau de la balise rouge, deux baleines. Magique ! Voilà. C’est ça aussi la voile ! Des super souvenirs et des moments extraordinaires.

Ho'okipa
© NeOcean

Niveau anecdote, il y en a une qui me vient. Ce n’est pas un mauvais souvenir parce que j’en tire une leçon et qu’il n’y a rien eu de grave. Mais disons que j’ai été très surpris ! J’ai vécu un grain blanc aux Antilles. En météo on parle de grain quand les conditions changent rapidement, en général on a une augmentation de la force du vent, un changement de sa direction et des précipitations plus ou moins fortes. On peut voir venir les grains en observant les nuages. Leur forme, hauteur et couleur sont autant d’informations qui nous « préviennent » de ce qu’on va trouver en dessous.

Un grain blanc c’est un phénomène assez rare, qui peut se produire quand il y a de grandes différences d’humidité entre les couches d’air en altitude par rapport à l’air au niveau de la mer. Sa particularité est que contrairement aux grains qu’on a l’habitude de pouvoir anticiper, le grain blanc frappe sans prévenir, pas de nuage, pas de pluie, juste une rafale surpuissante très éphémère qui peut ne durer que quelques secondes mais être d’une violence inouïe.

Ce jour-là, j’encadrais dix jeunes sur 5 RS Feva – les mêmes qu’à la base nautique – et le vent était établi autour de quatorze nœuds, le ciel au beau fixe. D’un coup, je vois mes bateaux se retourner en une fraction de seconde les uns après les autres, avant de ressentir moi-même la rafale ! Elle a duré entre trois et cinq secondes, pendant lesquelles le vent soufflait à près de 80-90 kilomètres heure. Pas de blessé, juste un voile déchirée et une belle leçon d’humilité.

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Un dernier mot ou une dernière actu ? 

La semaine dernière, notre équipe s’est agrandie ! Lauren nous a rejoints en tant que monitrice. C’est une ancienne membre du Club, donc il s’agit plutôt d’un « retour » ! Elle est partie pendant deux ans faire son BPJEPS en métropole et aujourd’hui elle va pouvoir m’assister sur toutes les tâches qui nous incombent à la base nautique.

En termes de course, il y a un départ ce vendredi en off-shore en vue de la Groupama Race. C’est une sorte d’entrainement pour que les équipes puissent se mettre en conditions, tester les manœuvres, les conditions et les rotations pour la nuit. Départ 17h30 ! Tenez-vous prêt.

© New Caledonia Groupama Race

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