C’est sous un soleil radieux mais avec un vent dantesque que nous sommes allés visiter le Centre des Activités Nautiques de Nouméa. David Lucquiaud, le directeur du CAN, était notre guide ! Il fait partie de la vie du centre depuis de nombreuses années. Il en connait toute l’histoire, les coins et les recoins, le fonctionnement et surtout, il y travaille avec passion depuis près de quinze ans. Outre son amour pour les sports nautiques, David a à cœur de partager et transmettre des valeurs et des pratiques qui lui sont chères : sensibilisation et protection de l’univers marin, le tout, avec beaucoup de pédagogie et de fun ! 

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Bonjour David et bienvenue sur NeOcean ! Plutôt sports de rame ou de voile ? 

Bonjour NeOcean, bienvenue au CAN ! Il ne faut pas le dire trop fort puisqu’on est, historiquement, dans une école de voile… Mais je l’avoue, je suis plutôt sport de rame à la base. Je suis kayakiste de rivière de formation, j’ai même été athlète de haut niveau dans cette discipline.

Pour autant, en arrivant en Nouvelle-Calédonie, je me suis mis à la voile et j’y ai découvert de superbes sensations. Je me suis mis à la planche à voile à ce moment-là ! Je prends vraiment beaucoup de plaisir dans ce sport. Ces dernières années, j’ai découvert le foil également. Donc rame à la base mais la voile n’est jamais loin dans mon quotidien ! 

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Le ciel est bon, la mer est bleue… © CAN

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Bon d’accord, difficile de choisir ! Qui se cache derrière cette passion sport nautique ? Peux-tu te présenter à nos lecteurs et le lieu où nous nous trouvons ?

Je m’appelle David Lucquiaud, je suis le directeur du Centre des Activités Nautiques (CAN) de la province Sud depuis trois ans. Le sport fait partie intégrante de mon parcours. Avant ce post, j’ai été pendant dix ans éducateur des activités physiques et sportives au CAN. J’avais donc une très bonne connaissance des lieux, des métiers et du fonctionnement du centre quand j’en suis devenu directeur.

Avant cela, j’ai travaillé en tant que formateur pour le BPJEPS Kayak à la CCI. Et quand je suis arrivé sur le territoire, il y a quinze ans maintenant j’ai travaillé quelques temps pour Aventure Pulsion et Terra Incognita. Ça m’a permis de découvrir la Nouvelle-Calédonie, de faire les sorties baleines à Prony, le Parc de la Rivière Bleue et la forêt noyée tout en découvrant tout le sud, de Netcha à Nouméa. En parallèle, j’ai aussi été vacataire d’EPS au collège de Païta nord quand ils ont ouvert en 2008. 

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La belle forêt noyée ! Il faut la tester à la pleine lune… © NeOcean

Je me destinais à être prof d’EPS avant d’arriver sur le Caillou. Un jour, j’ai vu une annonce pour être saisonnier à Nouméa, et à l’aube de mes 20 ans, je suis parti de Poitiers et je suis resté ici depuis !

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Le CAN est une institution à Nouméa : conte-nous l’histoire de cette structure. 

Tout a commencé avec une association qui s’appelait à l’époque Terre Voile Soleil à la Baie de l’Orphelinat. Cette association a été intégrée en 1989 à la Direction des sports de la province Sud sous le nom d’École provinciale de Voile (EPV). C’est en 1997 que la mairie de Nouméa, en partenariat avec la province Sud et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, nous a délocalisé sur la Côte Blanche, en créant cette base. Le mix des clubs de voile présents sur le site s’appelle le Centre International de Voile et il est composé de l’ACPV – Assocaition Calédonienne de Planche et de Voile – , du CCN – Catamaran Club de Nouméa -, de la SRC – Société des Régates Calédoniennes -, du CAN, de l’ANG et du KCN – Kayak Club Noumea.

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© CAN

En 2007, l’EPV s’est transformée en CAN avec l’intégration des activités de pagaie et de rame. Enfin, en 2011, le CAN s’est agrandi au niveau de la superficie puisque nous avons accueilli les Jeux du Pacifique. Il y a eu une grosse extension qui nous permet de proposer un hébergement un peu plus confortable.

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Il n’y a pas de repos pour les braves : vous êtes ouverts toute l’année ! Comment fonctionne le CAN ? De qui est composée ton équipe ? 

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Le café du matin ! © NeOcean

Le CAN fonctionne en effet toute l’année et le site est ouvert sept jours sur sept. Pour autant, les éducateurs ne sont pas présents tous les jours, ils ont des horaires répartis du lundi au vendredi. Il y a des événements ponctuels le week-end durant lesquels nous sommes présents.

Au niveau de l’équipe, il y a six éducateurs permanents, fonctionnaires ou sous contrat avec le CAN. Il y a aussi deux secrétaires. Nous avons un chef d’atelier, Laurent, accompagné de Joyce, qui est en emploi PPIC – programme provincial insertion citoyenne. Sans oublier tous les prestataires qui contribuent également à la vie du site, notamment pour l’entretien des locaux. 

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Vous êtes plusieurs à travailler pour ce centre. À quoi ressemble vos journées ? Et les tiennes ? Quelles sont tes missions ? 

Dans l’ensemble, les éducateurs sont présents du lundi au vendredi et encadrent des classes primaires lors d’activités nautiques. Nous offrons la possibilité de participer à des cycles de cinq séances sur une journée ou des classes mer, avec ou sans hébergement, comprenant la découverte du milieu marin et des activités nautiques. À la fin de ces sessions, les élèves acquièrent les compétences nécessaires pour naviguer sur de petits catamarans à voile ou des Optimists, des embarcations ludiques et facilement accessibles.

En plus d’accueillir des élèves du primaire, notre centre accueille également des classes du secondaire, des collèges et des lycées. Nous avons la capacité d’accueillir jusqu’à huit classes par jour, ce qui rend nos journées particulièrement animées. Pour l’année 2024, nous n’avons pas encore reçu de confirmation quant à un éventuel retour des classes du secondaire en raison du positionnement pris par le vice-rectorat face à la « crise requin » qui a débuté début 2023.

Nous collaborons également étroitement avec les associations pour les personnes en situation de handicap, dans le but de rendre ces activités accessibles au plus grand nombre. Nous comptons une trentaine de partenaires et disposons d’équipements adaptés, tels qu’une rampe d’accès et des bateaux insubmersibles. Nos installations peuvent accueillir jusqu’à trois fauteuils roulants sur nos bateaux, par exemple. Seize créneaux par semaine sont spécialement dédiés à ce public.

Pendant les vacances scolaires, nous organisons des stages pour les enfants de 4 à 17 ans. Les plus jeunes, de 4 à 7 ans, découvrent le milieu marin et l’ensemble des support nautiques en demi-journée, tandis que les enfants de plus de 8 ans peuvent participer à des stages de kayak, d’Optimist, de funboat, de trimarans en journée complète également. Nous disposons de nombreux supports ludiques pour ces activités, et les éducateurs les encadrent toutes. De mon côté, je suis responsable de la gestion des plannings, de l’aspect administratif et de la programmation.

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2024 commence à peine : y a-t-il un programme annuel proposé ? 

Nous sommes affiliés à la direction de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, donc nous avons pas mal de projets en lien avec la culture, l’environnement et la santé. Pour chaque vacances scolaires, une dizaine de stages nautiques sont proposés aux jeunes.  Nous sommes partenaires également de plusieurs événements sportifs se déroulant les week-ends. Notre programme a encore quelques trous à combler, mais nous sommes presque certains de nos choix. Nous attendons d’avoir plus d’informations sur la PWA pour savoir si elle aura lieu en 2024. 

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Comment vous organisez-vous face au risque requin ? Est-ce une vraie barrière pour le fonctionnement et la pratique des sports ? 

Nous avions déjà un solide cadre de sécurité avant 2023 concernant le risque requin. Dès qu’il pleut, dès que l’eau se trouble, dès qu’on a un doute ou qu’on aperçoit un requin, nous déplaçons ou faisons sortir immédiatement les personnes de l’eau. En quinze ans, il est arrivé une ou deux fois que nous croisions un requin bouledogue.

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De la petite voile, de la grande mais surtout beaucoup de fun en perspective ! © NeOcean

Nous avons environ quarante mesures en place. Chaque matin, nous suivons une routine avec un bateau qui effectue le tour de la baie afin de vérifier qu’il n’y a rien, notamment des déchets qui pourraient attirer les squales. Nous menons également des actions de prévention auprès des utilisateurs du CAN et des enfants. Les supports sont adaptés à chaque groupe et à la situation ! En tout temps, sur l’eau, deux responsables sécurité encadrent en permanence les enfants.

Nous disposons de deux semi-rigides avec une personne compétente, diplômée en voile et en secourisme, ainsi que tout le matériel nécessaire. Le moniteur, quant à lui, est chargé d’un groupe de huit à dix enfants et communique en permanence par VHF avec la personne responsable de la sécurité. En cas de doute ou de problème, nous pouvons mettre tout le monde en sécurité à terre très rapidement. En tant que directeur, je suis confiant sur notre dispositif ! Je sais qu’il est efficient. De plus, nous avons l’avantage de pratiquer des sports sur l’eau et non dans l’eau…

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On dit souvent que les champions de Calédonie passent par le CAN… Est-ce une volonté affirmée de promouvoir le sport calédonien ? Aurais-tu un champion préféré (à tout hasard bien sûr…) ? 😉 

De manière générale, oui, notre objectif est de promouvoir les sports nautiques et éventuellement de susciter des passions chez les futurs champions. Cependant, nous nous situons plutôt à la base de la pyramide : nous démocratisons le sport et le rendons accessible à tous. Ensuite, c’est aux enfants de choisir leur sport de prédilection et de poursuivre leur passion dans les clubs s’ils le souhaitent !

Nous avons vu passer de nombreux champions locaux, notamment Thomas Goyard, qui est revenu après avoir remporté sa médaille d’argent aux Jeux Olympiques. Sa présence a été très inspirante pour les enfants ! Nous avons pu récupérer sa planche et sa voile, ce qui a vraiment enthousiasmé beaucoup d’enfants. C’est vraiment formidable de sa part. Nous avons également eu Lilou Granier, qui est désormais pilote dans la Marine, une réussite impressionnante ! 

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Pas mal comme cadre… © NeOcean

Nous restons en contact avec eux tous et je pense qu’ils apprécient de revenir nous voir de temps en temps. Il y a aussi Ange Margaron, en situation de handicap, qui est maintenant éducateur sportif et a travaillé comme éducateur au CAN cet été ! Et bien d’autres encore, comme Titouan Puyo, que vous connaissez sûrement…

En tant que kayakiste, j’ai eu la chance de rencontrer Tony Estanguet à plusieurs reprises, notamment une fois au CAN. Je pense que c’est mon athlète préféré. Nous avons eu le privilège de pagayer avec lui jusqu’à Uéré. C’est un grand sportif, très intelligent, humble et posé ! Cette année, il est sous les feux des projecteurs avec les JO de Paris.

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Tu es un amoureux de la nature. Te sens-tu responsable, en tant que directeur du CAN, de promouvoir ces valeurs ? Quel est ton lien à la mer ?  

Je suis très attaché à la nature et aux activités en plein air. Certes, je suis kayakiste, mais j’ai également beaucoup pratiqué l’escalade, la randonnée, le canyoning… Ce sont des sports très axés sur le plein air, de toute façon… La nature nous apporte énormément de choses, il est difficile de les décrire avec des mots ; c’est quelque chose que l’on ressent !

C’est la même chose pour la mer ! C’est un monde incroyable et infini de découvertes. Le lagon joue un rôle central dans ma vie et dans mon quotidien, au-delà de mes activités du week-end, comme l’apnée ou le sport… Chaque jour, avec les enfants, nous découvrons de nouvelles choses ! La semaine dernière, nous avons vu un dauphin, et il y a quelques jours à peine, un nudibranche, une “danseuse espagnole”, d’environ trente centimètres de long, est venue à la surface ! C’est incroyable de vivre cela avec les enfants.

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C’est une sacrée danseuse espagnole ! © David Lucquiaud

Nous faisons beaucoup de sensibilisation au CAN, et nous sommes tous attachés à transmettre ces valeurs et cette volonté de protéger notre environnement marin. Les classes mer sont également conçues dans cet objectif ; nous éduquons à travers la découverte, le jeu, les ateliers, le théâtre… Ils apprennent de nous, mais nous apprenons aussi énormément d’eux ! 

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Une dernière chose à raconter ou une actu à partager avec nos lecteurs ? 

J’en profite pour signaler qu’il reste des places disponibles pour des stages pendant les vacances d’avril. Et si par hasard des éducateurs sportifs ou des jeunes diplômés en voile ou en kayak sont intéressés, n’hésitez pas à venir nous voir ! Nous recrutons pour toutes les vacances scolaires !

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