Nouméa, son soleil, son lagon, ses plages de sable fin, ses alizées et… ses kiteurs ! C’est la saison et bien que la Nina soit encore là (mais plus pour longtemps ?), les bourrasques de vent sont au rendez-vous et ravissent les amoureux de la glisse. Qui de mieux placé qu’un amoureux des sports de glisse pour parler de planche à voile, de kitesurf et de wingsurf ?
Et quand on aime, on ne compte pas : c’est dans sa boutique, route du Vélodrome, que nous avons rencontré Vincent Despaty, le fondateur et gérant de Vakarm Nouméa. Son « surf shop » est la caverne d’Alibaba des amateurs de la glisse : vêtements, planches, voiles, skates, crèmes solaires spéciales… Vincent nous a reçu dans la bonne humeur dans « son spot » où on se sent vite comme à la maiz’. C’est donc sur un bout de comptoir, floqué de stickers Vakarm, que nous découvrons l’histoire de Vincent et sa passion pour la glisse.
__
Salut Vincent, ça farte ? Est-ce que tu ne serais pas notre ‘Brice de Nice’ version Nouméa ?
Ça farte ! Un Brice de Nice de Nouméa oui, mais pas tout à fait au niveau capillaire… Pour le reste, j’assume complètement mon côté un peu décalé dans ce monde de brutes !
__
Explique-nous : comment on passe du métier d’infirmier à propriétaire d’un shop de sport de glisse ?
C’est un long chemin qui a commencé en Méditerranée où j’ai appris le windsurf – comprenez planche à voile – à l’âge de 12 ans. Malgré ma passion, je suis entré dans les fameuses études supérieures, un passage obligatoire pour de nombreux parents. J’ai obtenu mon diplôme d’infirmier et j’ai commencé à travailler en métropole. L’appel de la Nouvelle-Calédonie résonnait en moi depuis un petit bout de temps alors j’ai décidé de partir pour m’y installer. Arrivé sur place, j’ai travaillé à Nouméa en tant qu’infirmier libéral et, malgré mon emploi du temps bien chargé, je pratiquais ma passion au quotidien : les sports de glisse !
Depuis tout petit, pour moi la Calédonie, c’est la « Sainte Terre » des pro de la glisse : Robert Teriitehau, Benjamin Fried… Pendant deux ans, j’ai pratiqué autant que possible : tout mon temps libre était dédié aux sports de glisse. J’avais même un camion rempli de matériel à prêter ou à vendre : les prémisses de Vakarm. Puis, j’ai fait un « burn out » professionnel en 2011. C’est ce qui m’a vraiment poussé à me dédier entièrement à cette activité : le « glisse-shop » Vakarm.
__
Comment as-tu eu cette idée de shop de sport de glisse ?
L’idée de Vakarm part d’un délire avec un ami que j’ai rencontré sur internet quand j’étais encore en métropole. Il était passionné de sports de glisse, lui aussi : nous avions les mêmes références, les mêmes rêves de venir vivre ici. Nous avons donc décidé de partir ensemble dans cette aventure !
Quand nous nous retrouvions à Aquarêve pour nos sessions de glisse, il nous arrivait d’imaginer le magasin de sports nautiques de nos rêves. D’en rire à le faire, il n’y a qu’un pas : c’est comme ça que Vakarm est né…
Au début, nous ne voulions pas une boutique fixe mais souhaitions plutôt aller à la rencontre des sportifs. Nous avons donc rempli deux camions avec tout le matériel possible pour nous garer au plus près du spot d’Aquarêve. S’il fallait quelque chose à quelqu’un, nous étions là pour répondre aux besoins. Quand mon ami est reparti, j’ai décidé de continuer cette activité. C’est comme ça que la boutique Vakarm s’est véritablement créée.
__
On associe souvent Vakarm à une école de kite. Tu peux nous éclairer sur cette deuxième activité ?
À la base, Vakarm c’est seulement la boutique ! L’école de kite était déjà liée au shop depuis quelques année mais elle n’en portait pas le nom. C’est Fabien Markey qui a racheté l’école et, aujourd’hui, il la gère avec Julien. Je voulais m’associer avec quelqu’un dans « l’esprit Vakarm » pour créer des liens étroits entre le shop et l’école.
Je considère que Vakarm, ce n’est pas juste une boutique car vendre pour vendre m’intéresse assez peu. Je ne suis pas là pour faire fortune ! En revanche, je veux créer du lien dans notre communauté. Nous avons la même passion et le même idéal, c’est important de s’en souvenir. Je veux que les gens s’amusent et partagent cette vision. L’argent c’est autre chose, ce n’est pas une fin en soi.
__
On a cru voir que tu designais des planches toi-même : d’où te vient cette idée ?
C’est ma marque Karma Boarding, une corde de plus à l’arc « Vakarm ». Quand tu pratiques depuis longtemps, tu as vite fait le tour de toutes les marques : F-One, Nech, Kabrinat, etc. Ça m’a donné envie de designer mes propres planches. De là, j’ai commencé à réunir des experts et nous nous sommes lancés dans cette nouvelle aventure.
C’est Alain Bernard qui a commencé à designer les ailes Karma. Je l’avais rencontré quand j’étais plus jeune et que je traînais du côté de Palavas. Il était designer de voile Tao. Il m’a donné un coup de main sur tout ce qui est design pur et dur. Pour les couleurs, c’est Yves Tendron qui m’a aidé. Pour les planches, j’ai fait appel à un « shaper » en France qui s’appelle Noé Mana. Sur la base de ces « shapes », je travaille maintenant moi-même avec un logiciel spécial et Ben me donne un sacré coup de main. Il a été shaper chez Manolo, son expertise et son expérience sont indispensables ! Plus besoin de passer par la France maintenant, nous essayons de tout faire d’ici. Sauf la fabrication puisqu’il n’y a pas encore d’usine de ce type sur le Caillou !
__
Finalement, as-tu un sport de glisse préféré ? Lequel ?
Disons que je touche à tout. J’ai le parcours du « bon sportif de l’eau » : j’ai fait de la planche à voile dans les années 90, puis du kite dans les années 2000 et son dérivé, le kite foil. C’est un super sport mais un peu compliqué.
Au moment de la Covid, un nouveau sport est venu s’intercaler : le wingsurf. J’ai tout de suite accroché car il réunit ce que j’aime des autres sports. On a le gréement dans les mains comme en planche à voile et on a le foil sous les pieds : c’est un sentiment de liberté incroyable !
Je dirais que c’est là qu’est ma préférence aujourd’hui, même si le kite permet d’avoir des super sensations ! Je continue de pratiquer tous les sports : wingsurf, windsurf, kitesurf et kitefoil. J’ai peu de temps mais dès que j’en ai suffisamment, je file à l’eau !
__
C’est quoi ta plus grosse frayeur et ton plus gros kiff en navigation ?
Ma plus grosse frayeur est arrivée en France, à Beau-Duc. C’est un des meilleurs spots du monde parce qu’il y a beaucoup de vent. Tu peux vite monter à 12 mètres avec ta voile, voire 15 mètres ! Une rafale et tu décales. Ça m’est arrivé une fois, où j’ai tapé la tête avant de retomber à 3 mètres d’une voiture. Il y a déjà eu plusieurs accidents mortels, ça fait vraiment peur parfois…
Les grosses frayeurs vont avec les gros « kiffes » ! Ici, c’est à Tenia où j’ai vraiment halluciné… Dans les vagues de l’îlot, tu glisses à côté de Colin Sifferlin qui prend des vagues de plusieurs mètres en planche à voile… C’est dingue. C’est pour ça que je suis là, pour ce genre de sensations et de moments hors du temps.
__
Les événements récents à Nouméa inquiètent… Et apparemment les foils exciteraient les requins, tu en penses quoi ?
Le risque requin, c’est la cerise sur le gâteau en ce moment… Entre 2020 et la pandémie, puis la Nina jusqu’à présent, c’est vraiment compliqué pour les adeptes de la glisse. Ça a vraiment mis un coup d’arrêt complet pour les foils…
Mais il faut faire le dos rond, patienter. Ces accidents ne sont pas inéluctables, il faut que tout le monde respecte les consignes : ne pas se mettre à l’eau après 17h par exemple. Les plages horaires pour la mise à l’eau sont relativement larges ; si tu passes 4h sur l’eau, c’est déjà beaucoup ! Qui plus est, la crème solaire ne résiste qu’1h !
__
Et c’est quoi tes spot préférés pour aller glisser et pourquoi ?
L’îlot Maître pour le kite ; Gruissan, en métropole, pour la wing ; Hawaï pour les vagues. Mais en étant chauvin, Nouméa reste le mieux pour tout faire. Moins loin ! C’est à quatre minutes du magasin et allez, sept de chez moi !
__
Et pour finir, une dernière actu ou un dernier mot pour nos lecteurs ?
D’ici deux mois, nous allons recevoir les Karma Wing V3, développées avec Alain Bernard. Nous sommes super fiers du résultat puisqu’il y a une vraie amélioration par rapport aux éditions V1 et V2.
Karma Boarding, c’est une marque que je veux continuer à développer pour faire rayonner notre domaine à travers la région et qui sait, dans le monde ! En voyageant pour le travail, je me suis rendu compte qu’à l’international, nous n’avions pas de marque visible. C’est ironique quand on voit à quel point la Nouvelle-Calédonie est un « spot prisé pour « hot-spot » des sports de glisse. A titre de comparaison, Hawaï a au moins cinq marques connues à l’international.
J’ai eu envie d’être à l’origine d’un mouvement à ce niveau-là en proposant une marque calédonienne. Que ce soit ma marque ou une autre, peu m’importe ! Je voudrais que la Calédonie développe cette filière pour en faire un pôle d’excellence. Nous avons tout ce qu’il faut. Alors envoyez-nous vos prototypes, nous pouvons les tester rapidement et vous aider à commercialiser !
__