« En apnée, tu préfèrerais te retrouver face à un requin tigre repu ou face à un dugong en rut ? ». Un sourire timide, une profonde respiration et puis la réponse fuse : « j’aime bien les requins et encore plus quand je les vois de près ». Alors qu’en 2023, quelques irresponsables politiques « prélèvent » ces prédateurs majestueux, Pierre Crubillé, le fondateur de « Blue Caledonia Diving » leur déclare sa flamme. Descente en apnée avec le vice-champion du monde 2016, un homme parfaitement focalisé dans « la conscience de l’ici et maintenant ». 

Et hop, un vice-champion du monde d’apnée vous passe le bonjour ! © NeOcean

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L’immersion… 

Pierre Crubillé
Plongée en apnée avec © Pierre Crubillé

-2 mètres : Immersion… Le petit Pierre, huit ans et déjà « breton têtu », s’immerge avec son plongeur de paternel pour son premier baptême. Dans ses veines coule déjà l’eau salée de sa Bretagne natale et une attirance quasiment hypnotique pour cet océan où il effectue bientôt ses premières immersions en apnée. La pratique sportive est ancrée dans le jeune homme qui grandit au rythme des essais et des dérapages sur des planches diverses et variées. 

-5 mètres : Descente… Sa majorité le ramène à ses premières amours sans assistance oxygénée ; Pierre est sur les bancs de l’université et finalise une licence STAPS spécialité « natation », tout en passant ses niveaux de plongée et son brevet d’état, obtenu en 2007. L’Île de Beauté lui permet ensuite d’expérimenter le rôle de moniteur de plongée et, bientôt, l’adulescent obtient son Master 2 en « Management des Sports de pleine nature ». La gueuse est à l’eau. 

-10 mètres : Calme intérieur… et aller-simple pour la Nouvelle-Calédonie en 2009 ; c’est un Pierre bien décidé à atteindre le haut niveau en tant qu’apnéiste qui débarque sur le Caillou auprès de Bernard Andreani – fondateur émérite de l’« Amédée Diving Club » dans les années 80 ; il réalise alors son stage de fin d’étude aux côtés du pédagogue passionné. Les heures d’entraînement hebdomadaire s’enchaînent et complètent les heures de monitorat d’apnée ou de guide de randonnées palmées. Les trois secrets pour être un bon apnéiste ? « L’entraînement, l’entraînement et… l’entraînement ». 

-17 mètres : Étirements… et premiers championnats de France en 2011, avant de glaner sa première médaille d’argent lors de l’édition suivante, en 2012 ; c’est également l’année pendant laquelle il se perfectionne dans l’encadrement sous l’eau de la rade niçoise de Villefranche et à Monaco aux côtés de Pierre Frola. Mais la Nouvelle-Calédonie est sa terre d’accueil alors, en 2013, tout juste rentré de métropole, il y créée sa société, « Blue Caledonia Freediving ». Au programme : initiation et formation… à l’apnée bien sûr !  

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La descente… 

-23 mètres : Silence… L’apnée est devenue sa raison d’être, occupant ses loisirs autant que sa vie professionnelle, et Pierre commence à titiller les sommets ; il remporte les championnats de France d’apnée statique en 2015, avant de surperformer aux championnats du monde de 2016, organisés en Finlande, lors desquels il monte sur la deuxième marche du podium dans la catégorie « apnée dynamique sans palme ». « C’est l’apogée de ma carrière internationale même si j’ai continué de progresser après ! » confie-t-il après avoir classé cette médaille au rang des plus beaux moments de sa vie. Champion, mon frère ! 

-31 mètres : Expiration… Quatre championnats du monde et quatre sélections en équipe de France plus tard, c’est un plongeur de haut-niveau qui se balade autour du globe au rythme des compétitions. Une période pendant laquelle « il vivote » grâce à son école de niche : le haut niveau, à son époque, « ça ne faisait pas gagner d’argent : on faisait ça pour la gloire ! ». Mais Pierre est un compétiteur dans l’âme et un homme de défi alors, après dix années à tutoyer les sommets de l’apnée professionnelle, il décide de recréer le centre de plongée du Phare Amédée et monte une nouvelle activité.

-42 mètres : Obscurité… car la période est critique ! La crise sanitaire mondiale rattrape le Caillou alors que les opportunités s’enchaînent ; Pierre rachète le Pictilis, son navire amiral de quinze mètres, retape la « base nautique » du phare et fait la tournée des financeurs. A force d’abnégation, les portes des banques, d’Initiative NC, de BPI, puis celles de la Province Sud s’ouvrent. Bingo : début 2021, le grand frère, « Blue Caledonia Diving », vient de naître. 

-54 mètres : Stop ! Cet alignement pourtant favorable des planètes, en plein COVID, à évidemment un coût et le projet manque d’être tué dans l’œuf tant sa situation financière est complexe. Pierre reprend son bâton de pèlerin et « recave » pour éviter la banqueroute. Peu importe, les reins sont solides et l’avantage, c’est que l’homme est capable de vivre avec très peu d’oxygène ! 

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La remontée

Pierre Crubillé
Remontée maîtrisée… © Pierre Crubillé

Remontée… L’aventure se poursuit et le sportif devient chef d’entreprise, embauche deux salariés et s’acoquine de quelques indépendants : voilà six mois que le club « tourne comme il doit tourner, malgré les impondérables… ». Il devient aussi papa d’un petit garçon et le glas de la compétition sonne : plus assez de temps pour s’entraîner, les galères d’un jeune chef d’entreprise et une base nautique qui subit les dégradations au rythme du passage des cyclones sont autant de facteurs qui ne lui laissent aucun regret. 

Remontée… et souvenirs gravés pour la vie lorsqu’il voit passer, juste en dessous de lui, un requin marteau de trois mètres venu se présenter à l’étrange humain aux poumons contractés. Cette fois, le cadeau de la nature a pris la forme de ce drôle d’animal, d’autres fois il prendra la forme d’un tigre curieux de quatre mètres, d’une manta esseulée ou encore d’un marteau halicorne à Tenia. Quelques frayeurs parfois avec la remontée de ce bouledogue alors qu’il observe les mobulas danser… Ces rencontres sous-marines sont l’essence même de sa passion pour l’océan, son « camarade » qu’il ne quittera jamais bien longtemps. 

Émersion… dans une Calédonie où il s’est donné pour objectif de sensibiliser les jeunes à la protection du lagon car « plus on connait ce qu’il y a sous l’eau, plus on a envie de le protéger ». Quant à ceux « qui massacrent le lagon et les requins en ce moment, c’est qu’ils ne connaissent pas ce lieu d’émerveillement et d’équilibre naturel ». Pierre est désormais papa, chef d’entreprise, sportif reconnu, pédagogue passionné mais il reste avant tout un amoureux du bleu, de ces eaux limpides où, depuis sa plus tendre enfance, il tire ses bouffées d’oxygène. Qu’importe le futur, seul compte l’instant présent et, lorsqu’il glisse sur le lagon, à la barre de son Pictilis accompagné par un ballet de dauphins, Pierre est un homme qui respire… 

« Hommes libres toujours tu chériras la mer »

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