Nous avons rencontré Pauline Courtois, triple championne du monde et d’Europe de Match Racing, juste avant qu’elle ne rentre en métropole. Venue sur notre beau Caillou spécialement pour participer à la 14e édition de la régate Aircalin Match Racing Cup, nous voulions absolument échanger avec elle pour avoir le point de vue de la championne sur ce sport et savoir comment on en arrive à ce niveau de compétition. Le sourire aux lèvres, son expérience en Nouvelle-Calédonie semble avoir été un moment marquant et rempli d’émerveillement. Rencontrez Pauline, accro à la navigation de compétition !

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Bonjour Pauline et bienvenue sur NeOcean et sur notre beau Caillou ! Alors c’était comment l’Aircalin Match Racing Cup ?

Salut NeOcean, merci de me recevoir. Franchement, c’était un super moment ! Le spot est incroyable, les conditions de navigation étaient au top tout au long de la compétition. C’était un super événement que j’ai pu partager avec un équipage local 100% filles, donc très contente d’être venue jusqu’en Calédonie pour l’occasion.

Match Racing
14e édition de la Aircalin match racing cup © CNC

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Est-ce que tu pourrais expliquer à nos lecteurs le principe de ce type de course ?

Le principe est assez simple. Le match racing est à la voile, ce que le sprint est aux coureurs ! Ce sont des formats de courses de quinze à vingt minutes. C’est un duel : deux bateaux adversaires identiques se font face. Le but est d’effectuer un parcours et d’arriver devant l’autre. Concernant le déroulement de la compétition, c’est un peu comme en sport collectif : il y a une phase de poule, où tous les équipages de la régate se rencontrent un par un. Suite à ça, il y a un quart de finale, puis une demi-finale et enfin, une finale.

C’est un format qui est très simple à suivre pour le public : une victoire représente un point. Le but est d’avoir plus de points que les autres ! Quand un équipage perd, il ne gagne pas de point. De plus, les courses se font généralement proches des côtes. Ici, c’est un peu particulier car le lagon n’est pas très profond mais la course reste à portée de vue. C’est une des seules disciplines à voile qui est si facilement suivable.

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Tu es première mondiale dans le classement femme et triple championne du monde et d’Europe. Peux-tu nous raconter ton parcours en quelques grandes dates ?

Je viens de la voile légère, de l’optimist et du dériveur. C’est étonnant car mes parents ne faisaient pas du tout de voile malgré le fait qu’ils habitent à Brest ! Malgré tout, quand nous étions petites, ils nous ont inscrites, mes sœurs et moi, à beaucoup de sports nautiques, notamment à la voile. On a bien accroché avec l’ambiance donc nous avons continué. Le rectorat de Brest proposait un parcours sport étude au lycée, que j’ai suivi. De fil en aiguille, je suis entrée dans une licence STAPS à Brest puisque je voulais trouver une filière qui me permettait de concilier étude et voile. J’ai préparé le concours de professeure d’EPS.

Quand je suis passée sur les supports olympiques, ma coéquipière a décidé d’arrêter. La question s’est posée alors de savoir quel type de course pratiquer : l’opportunité d’aller dans le match racing s’est offerte, je l’ai saisi ! En effet, en 2016, Cédric Château, mon coach quand j’étais en 720 et dériveur, m’a proposé de monter un groupe de match race au Havre. Je suis allée m’installer en Normandie, où il y de super conditions sur l’inshore. J’y vis depuis et m’y entraîne avec mon équipage. Nous sommes championnes du monde ces trois dernières années !

En pleine action © CNC

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Il y a de plus en plus de courses mixtes et/ou féminines. Comment s’impose-t-on dans une discipline encore très masculine ?

Vaste question ! Très honnêtement, je ne me suis jamais trop posé la question car je n’ai pas eu à le faire. En match racing, il y a un circuit féminin qui existe depuis déjà pas mal d’années… La discipline est assez précurseur dans le soutien et de développement de la voile féminine. En ce moment d’ailleurs, le circuit féminin est bien plus dynamique que le circuit open !

Dans notre groupe d’entraînement, c’est pareil. Nous ne sommes pas tous disponibles en permanence car ce n’est pas une discipline où les gens sont professionnels. Tout au long de l’année nous sommes donc amenés à nous entraîner contre des garçons, contre des filles, en mixte ou non. De ce fait, la mixité dans le match racing n’est pas vraiment un problème. Je n’ai jamais vu ça comme un frein.

Certes, il y a moins de femmes en voile mais la période est super pour nous en ce moment. J’ai fait une transatlantique en double mixte en avril parce que la règle de la mixité a été imposée. Il y a plusieurs compétitions qui obligent cette mixité ces derniers temps. En septembre 2024, il y aura la première America’s Cup en féminine… C’est dommage d’avoir à l’imposer mais force est de constater que ça fonctionne. Les possibilités se développent pour les femmes !

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Qu’est-ce qui t’a amené à participer à l’édition calédonienne ? Qui faisait partie de ton équipage ?

Yann Rigal, qui a souvent participé à des compétitions de match racing ici et qui fait partie du bureau du Cercle Nautique Calédonien, m’a appelé pour me proposer de participer à l’édition 2023. La régate me faisait rêver, la Calédonie aussi et les dates rentraient parfaitement dans mon planning. J’ai dit « OUI » ! Et autant dire que je ne suis pas déçue.

Mon équipe était donc 100% féminine et 100% locale ! Elle était composée d’Émilie Bouchet, Lola Vergé, Lila Patarin et Sandrine Gravier. Ce n’est jamais facile de naviguer avec des personnes pour la première fois, qui plus est, pour une compétition. En revanche, nous avons vraiment progressé rapidement ! Notre courbe de progression est énorme entre le premier et le dernier jour. Nous nous sommes vraiment fait plaisir sur l’eau et nous avons réussi à bien rivaliser avec les autres. Je suis très contente de notre expérience.

Match Racing
Who run the world ? © CNC

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Quels sont les prochains défis sportifs que tu te fixes ?

Je vais faire du très gros bateau prochainement, sur un Wally 107 donc un 107 pieds ! C’est un format complètement différent pour moi. 107 pieds c’est l’équivalent de 32 mètres. Ce n’est pas le même format que les bateaux pour un match racing.

Autre gros défi, la Woman America’s Cup qui arrive. Je suis dans l’équipe française féminine. Jusqu’à présent, les sélections avaient lieu donc nous n’avions pas eu l’occasion de naviguer avec toute l’équipe. À mon retour en métropole, je pars en Italie pour faire notre première régate ensemble et je vais enchaîner sur le simulateur à Barcelone. Pour le moment nous sommes encore neuf, à la fin nous serons quatre. J’ai encore du travail puisque je découvre un tout nouveau support. Certes, j’ai fait pas mal de flotte réduite et d’équipage, mais peu de foil. J’ai vraiment hâte de ce nouveau défi !

Wallis 107 : on est clairement pas sur les mêmes formats de bateaux… © Paprec Sailing Team

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Par ailleurs, tu es prof d’EPS. Comment concilies-tu les deux ? Est-ce que tu transmets un peu de cette passion à tes élèves ?

J’ai la chance de bénéficier d’un aménagement de mon emploi du temps car j’ai une demi-décharge en tant que sportive de haut niveau. Ça me permet de me dégager du temps pour m’entrainer et partir en régate ! C’est hyper confort.

Je suis professeure au collège et j’ai une classe voile avec mes 4e sur toute l’année. Ils n’ont jamais navigué donc généralement ce sont des cours tournés vers la découverte, l’appréhension du milieu marin et celui d’un voilier… Ça accroche vraiment bien avec eux.

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Quand son terrain de jeu et d’entrainement est la mer, on doit avoir un rapport très intime avec cet environnement. Peux-tu nous décrire à quoi tient cette passion ?

On a un terrain de jeu génial, avec des conditions toujours différentes ! Ça demande une grande capacité d’adaptation mais ça permet aussi de jouer tout le temps. Il faut être flexible ! Parfois, lors de sorties, il y a des moments qui restent suspendus hors du temps tant la nature est belle… En Nouvelle-Calédonie les couleurs sont « WAOU » ! Ce qui est très cool en voile c’est de bénéficier de toutes ces conditions différentes. Je ne me lasse jamais, je découvre plein de nouveaux endroits, de nouvelles personnes et des façons de naviguer différentes… C’est une grande chance dans notre sport.

Je suis très tournée vers la compétition ! Je suis contente de naviguer et de sortir en mer mais j’aime vraiment beaucoup me lancer des défis et me mettre en compétition face aux copains. J’ai fait aussi un peu de croisière mais ce n’est vraiment pas mon truc. Ma première expérience de long c’était en avril dernier pour la Transat’. Avant ça, mon record en mer c’était 48h je pense ! J’y viendrais peut-être plus tard…

« Souquez les artimuses » ! © CNC

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Un dernier mot ou une dernière actualité pour nos lecteurs ? 

Super expérience, merci à l’équipe du CNC qui m’a très bien accueilli ! J’espère que je pourrais revenir, il y a plein de choses à faire ici, notamment à travers le Yacht Club ! Ce serait incroyable de faire venir le circuit mondial sur le spot. On croise les doigts et on va bosser pour !

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