Accosté au port scientifique dans la Baie de la Moselle, vous avez sûrement aperçu l’Antéa, le nouveau navire de la flotte océanographique française dans le Pacifique. Alors que nous allions visiter ce géant des mers, nous en avons profité pour rencontrer le Commandant, François Reguerre.

Beaucoup de bonne humeur et de bienveillance se dégagent de cet homme qui a pourtant une lourde responsabilité quant à la sécurité et au bon déroulement des expéditions scientifiques. En bon commandant, il nous a guidé dans les entrailles d’un bateau qu’il connait comme sa poche. Arrivés sur le pont supérieur, il s’est confié sur sa passion pour ce métier et pour son attachement à la mer. Quel meilleur endroit pour ça ?

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Bonjour François et bienvenu sur NeOcean ! Parlez-nous un peu de votre parcours et de ce magnifique navire sur lequel nous nous trouvons actuellement…

Bonjour NeOcean ! Je suis François Reguerre, Commandant de l’Antéa, le navire de la flotte océanographique française. Nous sommes actuellement sur le pont supérieur du navire long de 35 mètres de long. C’est un catamaran à moteurs qui sert de base pour diverses missions scientifiques et, depuis décembre 2022, l’Antéa a fait de Nouméa son port d’attache. La première mission scientifique pour laquelle nous sommes mobilisés est la mission SWOTALIS. Ainsi, nous avons à bord des scientifiques de l’IRD et de la CPS, plus tous les membres d’équipage nécessaires à la navigation de ce bateau sur-équipé.

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Quel est votre rôle sur le navire ?

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Capitaine, Ô Capitaine ! © NeOcean

Le commandant est responsable de l’expédition maritime. Mon rôle est de m’assurer que tout soit sécurisé pour la navigation, que ce soit au niveau du service des machines, du service général et du service pont. Pour un navire océanographique, je suis aussi responsable du bon déroulement des opérations scientifiques pour qu’elles le soient aussi.

Ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est la richesse humaine ! On est amené à rencontrer des personnes qui ont une passion scientifique, avec des attentes très importantes. Certaines missions sont préparées depuis cinq ans ! Pendant les semaines d’expédition, les chercheurs ont un peu la pression, notamment parce qu’ils sont responsables de beaucoup d’investissements, qu’ils soient financiers ou scientifiques. Ils nous font confiance pour que tout se passe pour le mieux : c’est un sacré poids sur les épaules l’air de rien.

J’essaie donc toujours de m’assurer de la bonne ambiance sur le navire. Ce que je recherche en tant que commandant, mais surtout en tant qu’homme, c’est qu’il y ait une bonne entente avec tout le monde. Cela me paraît primordial sur un bateau : nous sommes à huit-clos pendant plusieurs jours – voire semaines – successifs et la mer est parfois peu clémente niveau météo. La navigation n’est pas la spécialité des scientifiques qui embarquent avec nous, il nous faut leur permettre d’avoir la meilleure expérience possible. Mon objectif est de créer du lien entre les personnes. Sans ça, il est plus difficile pour tout le monde de travailler correctement.

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Quand on est Commandant, son lien à l’océan doit être très fort. Pouvez-vous nous expliquer le vôtre ? D’où vous vient-il ?

J’ai effectivement un lien très fort avec la mer. Ce lien a commencé à se dessiner dès mon plus jeune âge, notamment grâce à mes deux grands-pères. Mon grand-père maternel pêchait le long de la côte et mon grand-père paternel a commencé à naviguer à l’âge de quatorze ans. Il a terminé sa carrière comme cuisinier sur les bateaux pilotes de Rouen. Leurs deux histoires m’ont bercé dès mon enfance.

J’habitais au Havre, un des très grands ports français et j’observais le va-et-vient des gros navires. La mer faisait partie de mon quotidien et mon lien à elle n’a fait que croître, notamment quand j’ai commencé les sports nautiques en baie de Morlaix. En plus d’aimer la mer, cette pratique m’a appris à rester humble face à cet élément. J’ai développé une sorte admiration pour l’association de la mer et du vent ! D’ailleurs, la chanson Le mariage de la mer et du vent d’Yves Simon en parle très bien…

Si j’ai voulu un court instant devenir kiné, la conseillère d’orientation du lycée m’a vite fait revenir à mes premières amours ! J’ai donc intégré l’École Nationale de la Marine Marchande. Mon grand-père était si fier qu’il racontait à tout son village que j’étais capitaine ! Je ne le suis devenu que bien plus tard…

À la fin de mes études, j’ai embarqué sur plusieurs navires à passagers jusqu’à ce que la chance – ou le destin – me fasse embarquer sur un navire de recherche océanographique. C’est là que j’ai été piqué par ce monde de l’invisible que je n’ai plus jamais quitté.

Depuis 2005, je passe donc six mois de ma vie sur un navire océanographique, partagé entre mon amour de la mer et celui de mon foyer à terre : c’est ma façon d’aider à la préservation de l’océan ; j’apporte mon expertise de marin aux scientifiques et leur facilite au mieux la vie à bord. J’ai fait d’un rêve d’enfant un métier passionnant qui me remplit de bonheur…

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Qui n’a jamais voulu conduire un gros bateau ? © Canva

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