Dans l’atelier d’Aquaskin, les ciseaux glissent sur le néoprène et les aiguilles dansent au rythme de l’océan. Amandine et Patrick Mastaing taillent sur mesure des combinaisons pensées pour les amoureux des profondeurs calédoniennes. Passionnés de plongée autant que de création, ce duo familial façonne depuis des années ces secondes peaux. Entre savoir-faire artisanal et défis techniques, enfilez une combinaison et plongez avec nous dans leur univers.

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Bonjour Patrick, et bienvenue sur NeOcean ! Avant d’entrer dans le vif du sujet, parle-nous de ton parcours, qu’est ce qui t’a amené à devenir “couturier des abysses” ? Est-ce que la mer et la plongée ont toujours fait partie de ta vie ?

Au départ, je travaillais déjà dans la fabrication de vêtements. J’étais plongeur bouteille et apnéiste chasseur et alors que je cherchais du travail, je suis tombé au bon moment sur une personne qui fabriquait les combinaisons mais qui voulait passer à autre chose. J’ai donc repris l’activité, petit à petit. Il a fallu que je me forme davantage, parce que la formation de base avait été assez succincte, et ça a demandé pas mal d’efforts pour arriver à un bon niveau de qualité. Ensuite, j’ai beaucoup bougé, la société a changé plusieurs fois d’endroit au fur et à mesure des opportunités. En 1999, avec un ami, on a monté « L’Agachon », un magasin spécialisé dans la plongée et la pêche sous-marine. Cette aventure a duré 9 ans. Puis on s’est séparés, il a gardé « L’Agachon » et moi je suis reparti avec ma fabrique et j’ai créé un autre magasin autour du matériel de pêche et d’archerie. Et puis, il y a quelques années, ma fille Amandine cherchait du travail donc je lui ai proposé de venir travailler avec moi. Ça lui a plu, elle s’est associée à l’entreprise, et on a décidé de se recentrer uniquement sur la fabrication de vêtements néoprène. En parallèle, on a développé la fabrication de housses de sièges auto étanches. Puis avec les travaux au Faubourg Blanchot, on a dû déménager. Après avoir trouvé ce dock, on a mis huit mois pour l’aménager, avec notamment une grande vitre permettant aux visiteurs de voir l’atelier. Cela fait bientôt quatre ans que nous sommes installés ici. Aujourd’hui, on garde ce cap familial et artisanal et on commence même à exporter vers Tahiti, la métropole et La Réunion !

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Comme pour chaque créateur, on imagine qu’il y a sûrement déjà eu des défis à relever chez Aquaskin. Peux-tu nous parler de l’un des plus grands obstacles que tu as rencontré ? Et côté atelier, quelle est la pire catastrophe textile que vous ayez dû sauver ?

Des défis, il y en a eu plusieurs, mais deux souvenirs me viennent en particulier. Le premier, c’était un client qui souhaitait une combinaison façon « harlequin ». C’est-à-dire qu’il voulait une combinaison avec toutes les chutes que j’avais, de toutes les couleurs. J’ai dû découper des formes géométriques et réconstituer une plaque complète avant de dessiner la combinaison sur mesure dessus. J’ai passé trois jours à coudre ça ! Ça a été très compliqué mais il a utilisé sa combinaison pendant plus de dix ans, notamment pour des travaux sous-marins. Le second gros défi, c’était une combinaison pour bébé. La maman voulait l’équiper pour des séances de bébé-nageur. Il a fallu réduire l’échelle d’une combinaison adulte pour un tout petit gabarit… c’était pas facile du tout. Sinon, on a vu passer plusieurs combinaisons avec des morsures de pitbull. Ils adorent le néoprène, et certains clients ne font pas attention. Ils pensent mettre la combinaison assez haute, le chien saute et le déchiquette… Des fois, il n’y a plus rien à faire.

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Côté un peu plus technique, chez Aquaskin vous travaillez le néoprène depuis 33 ans. Qu’est-ce qui fait d’un simple morceau de néoprène une véritable « œuvre d’art » pour un plongeur ?

Tout d’abord, nous utilisons deux gammes de matières. La première, c’est le médium cellulaire, ce que l’on trouve partout. Notre qualité est supérieure, avec un mélange de colle et d’eau et non pas de solvant, ce qui donne quelque chose de beaucoup plus sain à porter. Les combinaisons ne nécessitent pas d’être mouillées pour être mises, contrairement à beaucoup d’autres. La seconde, c’est du haut de gamme, le Yamamoto, un néoprène japonais leader mondiaux au niveau qualité. On a choisi du microcellulaire, totalement étanche à vie, pas une goutte d’eau ne traverse la matière. Ce type de combinaison offre une véritable barrière thermique. Elles peuvent durer quinze ans, voire plus, mon record actuel est de 27 ans d’utilisation par un plongeur. Et certaines de nos combinaisons Yamamoto sont réversibles. L’hiver, on met la face lisse à l’intérieur pour garder la chaleur ; l’été, on inverse pour favoriser la glisse et éviter d’avoir trop chaud. C’est très apprécié par les apnéistes, qui gagnent en performance grâce à cette glisse améliorée. On assure aussi un service après-vente béton : coutures garanties à vie, réparations… Sauf si la combinaison a séché en plein soleil, là, malheureusement, on ne peut rien faire.

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Chaque combinaison que vous créez est-elle un modèle unique, ou bien avez-vous une « signature » qui se retrouve dans toutes vos créations ? 

Dans le sur-mesure, chaque combinaison est unique. En standard, on part d’un gabarit type, mais on propose des services de personnalisation : le choix de la couleur des coutures (on a douze couleurs différentes), des flocages personnalisés : logo, tatouage, surnom, dessin… Amandine gère toute la partie flocage. Certains veulent par exemple une tête de mort façon « Punisher » dans le dos, d’autres préfèrent une tortue ou un message. Donc même une combinaison standard peut devenir du sur-mesure. On s’adapte aussi au modèle de combinaison souhaité ; manches courtes, pas de cagoule, fermetures éclaires,… tout est modulable selon les besoins.

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Quels conseils donnerais-tu à un plongeur pour trouver la combinaison idéale ?

De venir nous voir directement ! On discute beaucoup avec eux pour vraiment comprendre leurs besoins. Quelle activité ils pratiquent, est-ce qu’ils sont frileux, ce qu’ils ont comme combi actuellement, etc. On écoute et on conseille au plus juste. On adapte aussi l’épaisseur selon la température de l’eau et l’activité. On est très à l’écoute des gens, la discussion est primordiale pour choisir LA combinaison qui conviendra vraiment.

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Le client est roi chez Aquaskin © NeOcean

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La plongée, c’est un peu comme un défilé sous l’eau pour nos plongeurs calédoniens. Si tu organisais un show de mode sous-marin, quelle serait la pièce phare de la collection ?

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De quoi passer inaperçu © Aquaskin

Ce serait un défilé de toutes nos combinaisons colorées. On a plusieurs coloris et types de fils différents, ce serait génial de les voir défiler, surtout sous l’eau car les couleurs ne rendent pas pareil en surface et en profondeur. Une combi rouge, orange, jaune, noire est très visible en surface mais dès que l’on descend à dix, quinze, vingt mètres, les ultraviolets pénètrent de moins en moins et les teintes disparaissent. Sous l’eau, c’est le gris qui reste discret à toutes les profondeurs. Ce n’est pas pour rien que les dauphins, les requins ou les thazards sont gris. Ce sont des prédateurs, ils ont besoin de se confondre.

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Si tu pouvais créer la combinaison ultime, sans limite de matériaux ou de technologies, à quoi ressemblerait-elle ? Un néoprène chauffant ? Une tenue caméléon pour se fondre dans le corail ? Rêvons un peu !

Je crois qu’il existe déjà des combis « anti-requins » avec des motifs censés imiter des serpents venimeux. Mais bon, les serpents en question n’existent pas chez nous, alors nos requins calédoniens risquent de ne pas être impressionnés. Moi, je verrais plutôt une combinaison ultra fine mais ultra chaude, comme si on ne portait qu’un t-shirt, mais qui garde aussi chaud qu’une combi. Il y a aussi des matériaux incroyables qui arrivent, comme l’Aurora de Yamamoto. Les reflets changeants dans l’eau, comme une aurore boréale. Les apnéistes adoreraient, mais pour l’instant c’est trop cher. Côté sécurité, j’aimerais intégrer une petite balise GPS dans la combi. Comme ça, depuis le bateau, on sait où sont les copains en train de plonger. Et ce sont surtout les mamans qui seraient ravies !

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Pour finir, si tu devais résumer l’esprit (familial) d’Aquaskin en trois mots, ce seraient lesquels ?

Satisfaire nos clients ! Quand on a des retours de plongeurs qui nous disent qu’ils étaient super bien dans leur combi, qu’ils n’ont pas eu froid et qu’ils sont vraiment satisfaits de ce qu’ils voulaient, on est ravis, c’est la meilleure des récompenses.

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