Notre lagon célèbrera son seizième anniversaire d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2024. Cette distinction concerne directement six sites, notamment la zone côtière ouest, s’étendant de Bouloupari à Bourail. Parallèlement, l’Association de la Zone Côtière Ouest (ZCO) a été fondée dans le but de soutenir la mise en œuvre des mesures de protection de ce précieux patrimoine naturel.

Pour mieux comprendre le rôle de ce comité citoyen, nous avons rencontré Chantale Lombardet, la nouvelle présidente de l’association. Passionnée de protection de l’environnement, elle s’engage avec détermination et conviction en faveur de la préservation de la nature ! Son discours inspirant nous rappelle l’impérieuse nécessité d’agir… Rencontre !

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Un comité de gestion heureux et engagé lors de l’Assemblée de novembre 2023 ! © LVDC

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Bonjour Chantale et merci de venir nous rencontrer lors d’un passage sur Nouméa en ces temps de blocage… Nouméa fait-elle partie de la ZCO ?  

Bonjour NeOcean et merci de nous recevoir ! Nous sommes arrivés un peu avant le blocage sur Nouméa donc pas de problème majeur pour vous rencontrer, au contraire. En revanche, Nouméa et son littoral n’appartiennent pas à la Zone Côtière Ouest puisque la ZCO va de Bouloupari à Bourail. 

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Des zones maritimes certes, mais aussi des zones terrestres ! © ZCO

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C’est un plaisir de vous recevoir ! Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter à nos lecteurs ?

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Je m’appelle Chantale, je vis en brousse depuis de nombreuses années et je suis présidente de la ZCO depuis le 30 novembre dernier. J’ai fait ma carrière en tant que chef d’établissement et arrivée à la retraite, j’ai voulu m’engager dans une association environnementale. J’ai donc intégré la ZCO il y a deux ans et comme l’ancienne présidente voulait passer le témoin en 2023, on m’a proposé de prendre le relai. 

Je me suis toujours intéressée à l’environnement, j’ai élevé mes enfants dans les valeurs de protection de la nature, de recyclage, de respect de la faune et la flore. En vivant en brousse j’ai vite compris qu’il y a un manque de considération et d’action concernant l’environnement. Beaucoup d’entreprises se sont installées sur cette zone côtière sans aucun respect de l’environnement. C’est ce qui m’a poussé à m’engager davantage. 

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On entend souvent parler de la ZEE ou des lagons calédoniens. Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est la ZCO, son histoire et son fonctionnement ? 

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Magnifique lagon… © Martial Dosdane

La Zone Côtière Ouest a été créée à la suite de l’inscription du lagon calédonien au patrimoine mondial de l’UNESCO. Notre rôle est de protéger le lagon en protégeant aussi les espaces littoraux et tampon et donc terrestres. Nous sommes une association loi 1901, nous agissons pour l’intérêt général.  

Dans ce travail de protection, il y a la province Sud qui est chargée de mettre en place le Code de l’Environnement et le faire appliquer et respecter. Puis, il y a l’État, qui met les moyens financiers et enfin, il y a les populations. La ZCO et l’UNESCO expliquent bien que sans la participation de la société civile, la protection ne pourra pas être effective. Nous devons tous travailler ensemble : la ZCO a un fonctionnement participatif. 

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Le fonctionnement participatif est gage de décisions concertées mais concrètement comment fonctionne la ZCO ? 

En effet, nous prenons les décisions collégialement. Il existe des défaillances importantes dans l’application des réglementations environnementales. Notre travail est de veiller au respect des lois et, le cas échéant, de faire des signalements auprès des autorités compétentes. Nous travaillons avec les pêcheurs, les agriculteurs, la société civile, les mairies, les tribus, les particuliers… 

Généralement, on nous appelle pour nous faire part d’un dysfonctionnement ou de violations de la réglementation. Nous nous déplaçons et s’il y a manquement manifeste, nous faisons remonter l’information aux autorités compétentes afin qu’ils fassent appliquer le Code de l’Environnement. Nous avons aussi un rôle consultatif puisque la ZCO, par son Comité de Gestion, est censée être associée à toute installation d’une activité économique. 

Nous voulons simplement nous assurer que cette activité ne vient pas contredire les articles du Code de l’Environnement. Malheureusement, on a tendance à nous appeler quand les dégâts sont déjà là… Le Comité a une centaine d’adhérents, privés et publics. Nous travaillons aussi beaucoup avec les gendarmes. 

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Au quotidien, vos interlocuteurs sont donc très divers ! Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? 

Oui, nous travaillons avec tout le monde ! Mais quand il s’agit de remonter les informations, notre interlocuteur principal reste la province. Nous nous adressons aux différents services, la DAVAR, la DIMINC, le service des ICPE… Les coutumiers sont aussi associés à ces discussion mais ils restent très en retrait par rapport aux processus en œuvre dans la province des Îles, par exemple. 

En ce moment, nous avons une affaire assez importante de pollution de la Baie de Moindou par des élevages porcins. En effet, il y a des épandages de lisiers qui sont fait n’importe comment et qui se retrouvent dans la baie par ruissèlement, glissement, etc. Les populations sur place sont en première ligne, ils pêchent pour se nourrir, ils s’y baignent… Cela pose de vraies questions sanitaires pour eux ! 

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Magnifique cliché de la Baie de Moindou de la station spatiale internationale © Franz – ISS83

Dans un premier temps, nous avons signalé ces problématiques à la province. Dans cette démarche, notre but est simplement de faire comprendre qu’il y a de très grosses pollutions qui découlent de cette situation et qu’elles sont dangereuses pour les populations. Ce sont des élevages qui restent industriels même s’il y a une partie pleine air. Donc il faut des règles, des zones spéciales et cloisonnées pour traiter ces déjections… 

Cela fait deux ans qu’on alerte de cette situation. Selon eux, tout est conforme administrativement… Mais on voit bien sur place qu’il y a un souci. Les prélèvements d’eau qui sont fait sur place ne sont pas effectués aux bons endroits ce qui donne des résultats faussés. Dans des situations où l’on comprend qu’il n’y aura pas d’action ou de verbalisation, nous déposons une plainte au tribunal. Actuellement, nous avons entamé cette démarche avec l’association EPLP et les tribus pour pollution de la baie

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Sensibiliser les jeunes et plus globalement les citoyens semble être une préoccupation importante pour la ZCO. Comment faire pour que tout le monde se sente concerné ? 

C’est essentiel. C’est par la base qu’on arrivera à faire bouger les choses. C’est ce que nous essayons d’expliquer à la province : nous n’avons pas vocation à rester dans notre bureau mais d’aller au plus près des gens pour leur expliquer simplement les choses. Pour ça, nous fonctionnons par collège, il y des représentants un peu partout sur la zone pour diffuser nos messages. 

Nous sommes très présents dans les écoles, nous avons des animateurs qui sont formés pour expliquer des choses très concrètes et très proches d’eux. Nous prévoyons des animations et des ateliers pratiques : des plantations avec les écoles de Bourail sur le bord des rivières, on fait de la prévention contre les feux, on explique la vie d’un déchet plastique… Des actions très concrètes et, très souvent, directement sur le terrain. C’est que comme ça que les jeunes s’engageront et se sentiront concernés. 

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© Martial Dosdane

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Quel est votre lien au lagon calédonien ? 

Je suis très proche de la mer. Dès que j’ai un moment seule ou avec mes petits-enfants, nous allons à la plage ou en mer… Nous sommes très liés au lagon. Pourtant, je me rends compte aussi que la Calédonie n’a pas forcément une culture de protection de l’environnement. Pour moi qui viens de l’extérieur, je reste parfois bouche bée… La semaine dernière, par exemple, je suis allée me balader vers Ouémo et il y avait des bouteilles vides sur les branches de mangrove… C’est quand même fou quand on sait que, sans elle, ce sont des écosystèmes entiers qui risquent de s’effondrer... et nos littoraux avec ! 

Pour autant, je pense simplement que c’est parce que les gens ne se rendent pas compte. Parce que quand nous allons leur montrer les impacts directs pour eux, pour leur mer, leur santé, leur alimentation, ils deviennent très engagés. Il faut passer par la sensibilisation et par l’éducation pour que, tous ensemble, nous avancions vers plus de protection ! 

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Une dernière chose à ajouter ? Une actualité ? 

Nous sommes là pour protéger, pas pour empêcher ! En revanche, on ne veut pas transiger avec l’application de la réglementation. Nous voulons avoir les moyens de le faire… En France, le Code de l’Environnementest modifié grâce à des actions en justice. Il faut voir ça comme quelque chose de bénéfique pour tout le monde finalement. 

C’est dommage qu’il n’y ait pas de mouvement écologique ici. Il faudrait une vraie cellule pour développer cette culture du respect de la nature à l’échelle pays. À la base, il y avait bien deux services distinctifs mais ils ont été réunis en un seul. L’environnement est devenu le parent pauvre de la Direction du Développement Durable et c’est dommage car cela entraîne moins de moyens humains et financiers… Mais il ne faut pas perdre espoir ! 

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