Quand on parle de mangrove en Calédonie, il y a deux écoles : ceux qui y pensent comme l’endroit fétiche pour bébés requins et ceux qui la voient comme la super-héroïne de nos littoraux. Si les deux sont vraies, laissons nos amis les requins en paix et intéressons-nous à une bien plus grande menace : l’érosion côtière.

Les littoraux du monde entier sont soumis à ce danger grandissant. Le mouvement des vagues, les multiples ouragans et l’élévation du niveau de la mer mettent nos côtes en péril, menaçant, par effet de cascade, nos écosystèmes marins et les communautés qui en dépendent. Pourtant, la nature elle-même offre des ressources précieuses pour préserver nos littoraux. À cheval entre terre et mer, mangroves, herbiers et arbres sont les gardiens de nos côtes et nous protègent de ce phénomène de l’érosion…

Des racines aux super pouvoirs © Canva

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La mangrove défie les vagues

Au cœur de nos écosystèmes côtiers se trouve la mangrove. En Nouvelle-Calédonie, elle s’étend sur environ 3 600 hectares, formant un écosystème unique et précieux. Au-delà de lutter contre les assauts des vagues, la mangrove crée un havre de vie pour une multitude d’espèces marines. En effet, elle abrite une biodiversité incroyable avec des espèces endémiques de Calédonie : le crabe de palétuvier, le martin-chasseur à ventre roux ou encore l’oiseau-lézard.

Cette végétation aux racines dites « échasses » ou « aériennes » est connue pour se développer dans des zones marines difficiles, alternant inondation et exondationcomprenez sortie de l’eau – à cause du rythme des marées. Ainsi, la mangrove a su s’adapter à des conditions très singulières : entre eaux riches en sel, pauvre en oxygène et substrat mou et instable, elle constitue une ceinture verte pour nos littoraux. Ses racines complexes stabilisent les sols côtiers et permettent de réduire l’effet des vagues. En retenant jusqu’à vingt-cinq tonnes de sédiments par hectare, elle favorise la création de nouvelles terres côtières.

Pourtant, la mangrove est aussi en danger du fait de l’urbanisation croissante des littoraux. La presqu’île de Nouméa a perdu 25% de sa surface en quarante ans du fait de la construction de remblais. L’évacuation de nos eaux usées peut aussi fragiliser cet écosystème à cause des éléments chimiques qu’elles peuvent contenir. Ainsi, nous sommes gagnants à prendre soin de cette végétation qui est à la fois un capteur de CO2, qui offre gîte et couvert à nos écosystèmes marins et qui, en plus, nous protège contre l’érosion… Une super-héroïne végétale !

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Les arbres, les gardiens enracinés de nos rivages

Dans la famille des plantes protégeant les littoraux, nous appelons… les arbres côtiers ! Il n’y a qu’à faire un tour sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie pour se rendre compte de la richesse de cette flore. Que ce soient des pins, des banians ou des palmiers, ces arbres participent eux aussi à la stabilisation des sols grâce à leurs racines profondes. À la manière de la mangrove, les arbres côtiers fournissent des abris de choix pour des écosystèmes fragiles.

Pourtant, le rôle des arbres pour lutter contre l’érosion ne s’arrête pas là. Si le rôle des marées dans ce phénomène est évident, on oublie souvent le rôle joué par le vent. C’est ce qu’on appelle l’érosion éolienne. Les arbres forment ainsi des barrières naturelles qui ralentissent la vitesse des vents. En réduisant cette force vélique, nos géants verts minimisent l’impact des tempêtes sur la côte et atténuent l’érosion. Ils protègent aussi contre les embruns salins, ce qui réduit considérablement l’exposition des sols aux sels et permet donc la croissance d’autres végétaux protecteurs. D’une pierre, deux coups !

Ça souffle ! © NeOcean

Il est important de noter que le choix des espèces d’arbres adaptées à l’environnement côtier est crucial. Les espèces tolérantes au sel, comme les pins maritimes, les chênes-lièges ou les cocotiers, sont souvent privilégiées pour leur capacité à prospérer dans des conditions côtières difficiles. Ça tombe bien, la Nouvelle-Calédonie en regorge…

Les pins qui côtoient les mers © Canva

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Les herbiers marins, les jardiniers sous-marins

Plat préféré de nos chères tortues grosse tête et de nos vaches des mers, les herbiers marins ont aussi un rôle à jouer pour lutter contre l’érosion. À la manière des racines des mangroves et des arbres, la présence d’herbiers sur le bord du littoral réduit l’énergie des vagues déferlantes. Ils agissent en effet comme un amortisseur de l’énergie houlomotrice et réduisent ainsi la force des vagues. Utile lors d’une tempête !

Outre ce rôle, les herbiers sont aussi des pièges à sédiments : les feuilles des herbiers marins piègent les sédiments en suspension dans l’eau, favorisant l’accumulation de matière organique et minérale. Cela contribue à la formation de nouvelles terres côtières et renforce la stabilité des zones côtières. En Nouvelle-Calédonie, les scientifiques estiment la superficie des herbiers à environ 936 kilomètres.

Ainsi, face à l’érosion côtière, les ressources naturelles telles que les herbiers marins, la mangrove et les arbres se révèlent être des alliées indispensables pour préserver nos littoraux. En Nouvelle-Calédonie, ces écosystèmes jouent un rôle crucial en protégeant les côtes, en stabilisant les sols, en préservant la biodiversité marine et en offrant des habitats essentiels aux espèces marines. Il est primordial de valoriser et de préserver ces ressources naturelles, en promouvant la conservation, la restauration et la sensibilisation. Permettons-leur de continuer à danser avec les marées pour préserver notre environnement côtier si précieux.

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