« Pourquoi la mer est verte ? ». Voilà la question que pourraient vous poser vos petits-enfants d’ici quelques décennies… Si vous pensiez que le bleu de l’océan était anodin et immuable, il n’en est rien ! En effet, sa couleur est gage de bon équilibre des écosystèmes marins et de la bonne santé de nos eaux. Et elle est déterminée largement par sa température.

Alors que partout dans le monde les observatoires marins enregistrent des records de températures pour nos océans, la couleur verte n’annonce rien de bon. En effet, cette couleur semble être le témoignage du réchauffement des océans et donc du réchauffement climatique. Si le vert est plutôt la couleur de l’écologie, peut-être faudra-t-il y repenser dans les prochaines années… Décryptage des nuances de l’océan.  

Plutôt des nuances de bleus ou de verts ? © PACE – NASA

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Plutôt bleu ou vert ?

Alors que nous avons l’habitude de parler de l’océan et de ses camaïeux de bleus, certaines zones semblent se verdir. En effet, un changement subtil s’opère depuis quelques années et les scientifiques s’attèlent à le comprendre : l’océan change peu à peu de couleur. Si ce changement était prédit, il est aujourd’hui prouvé scientifiquement que les eaux mondiales se parent de nouvelles teintes. Une récente étude, publiée dans la revue Nature, révèle que 56% des océans ont changé de couleur au cours de ces vingt dernières années. C’est plus que la totalité des terres émergées !

Si ce changement de couleur n’est pas encore visible à l’œil nu, rien n’échappe à la rétine des satellites. Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs du Massachusetts Institue of Technology (MIT, États-Unis) ont en effet utilisé l’imagerie produite par le satellite de la NASA nommé Aqua. Grâce à des spectres de couleurs complets, comprenant le rouge, le bleu et le vert, ils ont réussi à analyser les couleurs des océans pendant vingt ans. L’étude et la comparaison de ces données ont montré une tendance limpide : l’océan est plus vert qu’avant. Et ces nuances ne sont pas dénuées de sens…   

Ça chauffe ! Prendre du rose pour montrer du bleu qui se transforme en vert… Vous suivez ? © Données MODIS-Aqua de juillet 2002 à juin 2022.

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Du bleu au vert, il n’y a qu’un phytoplancton

Mais une question persiste : pourquoi l’océan est-il bleu et que cela signifie-t-il qu’il devienne vert ? Au-delà de gâcher les photos des instagrameurs fous en vacances, la couleur de l’eau en dit beaucoup de la bonne santé de nos milieux marins. Un petit cours – très simplifié – de sciences s’impose… La couleur de l’eau dépend des rayons du soleil et de la capacité des molécules d’eau à absorber cette lumière. Concrètement, si la lumière a un spectre multicolore à travers l’eau – coucou l’arc-en-ciel -, le bleu est la couleur qui est le mieux réfléchie par ses molécules.

Molécule, phytoplancton, chlorophylle… Retour dans les cours de science ! © Canva

Pour autant, il y a des organismes qui évoluent à la surface de l’eau. Ces derniers réfléchissent et absorbent, eux aussi, ces différents spectres de couleur. Le phytoplancton, par exemple, contient de la chlorophylle et va absorber davantage le bleu et ainsi réfléchir davantage le vert. Vous suivez toujours ? Plus il y a de phytoplanctons dans une eau, plus sa couleur tourne au vert.

Dit autrement, c’est la quantité de phytoplanctons qui va déterminer la couleur de l’eau. Ces quantités d’organismes sont elles-mêmes dépendantes de la température de la mer. Plus il fait chaud, plus ils se développent. Alors que des records de température de l’océan sont enregistrés, les changements de couleur dans les océans deviennent donc le reflet du changement d’équilibre des écosystèmes marins de surface.

« Ce ne sont pas des changements ultra massifs qui détruisent l’écosystème, ils peuvent être subtils. Mais, cela nous donne une preuve supplémentaire que l’activité humaine affecte probablement de grandes parties de la biosphère mondiale d’une manière que nous n’avons pas été en mesure de comprendre »

BB Cael, auteur principal de l’étude, chercheur du département Climat et Océan du Centre national océanographique de Southampton

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Green is the new blue ?

Ainsi, ce n’est pas tant la couleur qui inquiète, mais les conséquences à court terme de cet accroissement. Le phytoplancton, bien qu’étant la base de la chaîne alimentaire marine, peut aussi être néfaste pour son environnement car il le prive d’oxygène s’il est en trop grande quantité… Ainsi, se profile en filigrane la problématique du changement climatique et de ses conséquences sur les écosystèmes marins.

Il faudra encore quelques temps pour comprendre toutes les implications de ce passage du bleu au vert. La NASA prépare d’ailleurs le lancement d’un satellite du nom de PACE (Plankton, Aerosol, Cloud, ocean Ecosystem) d’ici le début de l’année 2024 afin de continuer le travail d’observation.

Ouvéa
Le seul bleu qu’on aime, c’est le bleu d’Ouvéa © NeOcean

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