La pêche est à la Nouvelle-Calédonie ce que le foot est au Brésil : plus qu’une activité c’est surtout une partie de la culture et du mode de vie des habitants du Caillou. Si les pêcheurs amateurs pratiquent le lancer de ligne pour le plaisir – ou le challenge -, de nombreux hommes et femmes se sont professionnalisés et vivent de cette activité essentielle pour l’alimentation des Calédoniens.
Nous sommes allés papoter avec Christophe Puntonet, lors de notre passage à Koné, afin d’en savoir plus sur la pêche en province Nord. En tant que membre permanent de la fédération des pêcheurs professionnels du Nord, il œuvre au quotidien aux côtés des pêcheurs pour les aider à se structurer en filière reconnue et pérenne. Un défi de taille dans un pays où cette activité économique semble si centrale.
__
Bonjour Christophe, bienvenue sur NeOcean ! On est super content de te rencontrer pendant notre déplacement dans le Nord ! Ça mord bien par ici ?
Bonjour NeOcean, bienvenue à Koné, dans les locaux de la fédération des pêcheurs professionnels du Nord. Ça mord ici ! Je dirais même que ça mord très bien puisqu’il y a beaucoup de produits qui partent dans le Sud et qui sont vendus au marché !
__
Ça tombe bien, on va parler de pêche ! Mais avant ça, est-ce que tu peux te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Christophe Puntonet, je suis le permanent de la fédération des pêcheurs professionnels du Nord (FPPN). Je suis en place depuis 2009, date de la création de la fédération. Je suis originaire du Sud de la Grande Terre mais je suis monté sur Koné un petit peu avant de prendre mes fonctions au sein de la fédération.
__
Raconte nous l’histoire de cette fédération et sa raison d’être en province Nord…
La fédération des pêcheurs professionnels du Nord a été créée à l’époque des premières Assises de la Pêche, faites à la CPS. Il avait été décidé de structurer la filière au niveau du territoire parce qu’elle ne l’était pas. La province Nord a donc voulu regrouper les pêcheurs et les associations existantes dans une entité centrale : la fédération.
Comme tout le monde voyait l’intérêt d’une telle structure, il y avait un bon dynamisme les premiers temps. Pour autant, tout doucement, le processus s’est essoufflé parce que les pêcheurs ont perdu de vue l’intérêt de départ et les objectifs que nous avions collectivement. De plus, nous avons perdu beaucoup de techniciens provinciaux en cours de route, pas mal d’associations et quelques financements…
Notre rôle est d’accompagner les pêcheurs dans tout ce qui est démarches. C’est un travail qui est assez varié puisque je m’occupe aussi bien du côté pratique, du côté administratif ou commercialisation. Parfois, les pêcheurs m’appellent parce qu’ils ont besoin de matériel, que je vais essayer de leur trouver et faire monter ici. De l’autre côté, j’accompagne aussi les associations dans leur démarches administratives, dans leurs bilans, etc. Enfin, je peux aussi les aider dans les démarches pour obtention du permis de navigation.
__
Il y a deux ans, la pêche a été intégrée à la Chambre d’agriculture pour devenir la CAP. Qu’est-ce que cela a changé dans votre quotidien ?
À la base, les fédérations de pêcheurs professionnels se sont réunies pour créer une Confédération à l’échelle pays. Le Gouvernement ne reconnaissait et ne traitait qu’avec cette structure. C’est ainsi que nous avons commencé le combat pour être reconnu et intégrer dans une chambre consulaire. Quand la Chambre consulaire est devenue aussi celle de la pêche, le Gouvernement a décidé de ne traiter qu’avec elle et non plus avec la Confédération, qui, de ce fait, a perdu son intérêt.
Aujourd’hui, avec l’intégration de la pêche à la Chambre d’Agriculture, nous disposons d’interlocuteurs à Nouméa. Le problème reste que la pêche est moins soutenue que l’agriculture au niveau pays. Je suis sûr que les choses vont changer au fil du temps puisque nous avons des demandes très spécifiques et qu’aujourd’hui, nous avons des représentants qui se battent aussi pour plus de reconnaissance.
__
La pêche est une activité centrale d’un point de vue professionnel mais aussi culturel. Combien avez-vous de pêcheurs dans le Nord ?
Il existe une sorte de paradoxe entre le fait que la pêche soit centrale dans la vie des Calédoniens mais que ce soit peu mis en avant d’un point de vue professionnel. Il existe aussi des vraies difficultés d’un point de vue des compétences. C’est le problème du « mille-feuilles » administratif en Calédonie puisqu’il y a des compétences qui appartiennent aux provinces, au Gouvernement de Nouvelle-Calédonie ou à l’État français. Ça complique un peu les choses…
Pour la pêche lagonaire, c’est aux provinces que revient cette charge. Et c’est là que ça bloque parfois, au niveau des formations. D’un autre côté, c’est difficile de se plaindre parce que nous avons un code de l’environnement qui est intéressant et encourageant pour les pêcheurs dans le Nord.
L’année dernière, il y a eu trois-cents autorisations qui ont été délivrées. En province Nord, il en faut une pour pouvoir être reconnu comme pêcheur pro. Il faut soit une autorisation de pêche avec embarcation, soit une autorisation de pêche à pied.
__
Quelles sont les problématiques auxquelles vous faites face aujourd’hui ? Comment aider les pêcheurs professionnels dans le Nord ?
Les problématiques sont diverses… D’un point de vue financier d’abord mais nous ne pouvons pas les aider en leur donnant de l’argent nous-mêmes parce que nous n’avons pas les fonds nécessaires. En revanche, nous pouvons les accompagner dans les démarches administratives, leur dire où aller chercher des fonds s’ils ont besoin, les aider à rédiger les dossiers, les envoyer, etc.
L’obstacle principal aujourd’hui est que nous ne sommes pas assez connus auprès des pêcheurs. Ils aiment le concret, ce sont des hommes de terrains et, pour la plupart, ils sont pour se débrouiller seuls. On aimerait beaucoup pouvoir fédérer davantage d’adhérents pour avoir plus de représentativité et avoir plus de poids auprès des institutions.
En fait, comme l’adhésion est annuelle, il y a certains pêcheurs qui ne viennent que pour un an, qui oublie de cotiser à nouveau et qui passent un peu à côté de l’esprit associatif de notre fédération. Nous n’existons pas sans eux et notre but c’est que tous ensemble, nous ayons du poids auprès des décideurs politiques. Sans ça, nous restons trop « petits » et trop cloisonnés dans nos combats. Nous voudrions qu’ils se rendent compte que nous faisons tout ça pour eux et avec eux !
__
Vous aviez organisé des Assises de la pêche en 2022. Y a-t-il une date de prévue pour un nouvel évènement de ce type ? Pourquoi est-ce si utile d’organiser ce type de manifestation ?
Oui, tout à fait ! Nous avons organisé ces Assises avec les trois fédérations et la Confédération. La première édition datait de 2007 ! En 2022, notre objectif était d’écrire le projet global de pêche côtière sur dix ans. Nous avons soulevé un bon nombre de points, nous avons défini et délimité aussi les actions à mener.
Pour le moment, nous n’avons pas prévu d’autres Assisses mais nous ferons un bilan à la moitié du parcours. Surement en 2025, afin de se rendre compte de ce qui a été mis en place et savoir si les préconisations sont toujours d’actualité, s’il y a eu des avancements ou au contraire, s’il existe de nouvelles difficultés. Globalement, nous allons regarder si notre feuille de route tient toujours le bon cap !
Dans tous les cas, nous travaillons de concert entre nos trois fédérations de pêcheurs professionnels du Nord, du Sud et des Îles. Il y a, de temps en temps, des désaccords mais notre objectif est commun : développer la pêche et améliorer la rentabilité de cette activité. Nous souhaitons que tous les pêcheurs professionnelspuissent vivre correctement de leur métier.
__
D’où te viens ce goût pour la pêche ? As-tu des spots préférés à nous partager ou est-ce des secrets bien gardés ici aussi ?
Je viens d’une famille de pêcheurs. Pas des pêcheurs professionnels mais des pêcheurs plaisanciers, amoureux du lagon. Quand j’étais petit, je me souviens que nous passions tout notre temps libre en mer, notamment pour pêcher. Au début de ma carrière, je suis me suis tourné vers le monde de la pêche et même si aujourd’hui je suis plus affiliée au monde de la terre, je garde un lien fort à la mer.
J’ai plein de souvenirs d’enfant, de vacances scolaires sur le bateau, quand on partait trois ou quatre jours dans le sud. Nous avions un campement et nous allions pêcher des coquillages, du poisson… C’était l’occasion aussi de faire quelques stocks ! Aujourd’hui j’ai moins le temps de pêcher mais j’aime toujours ça. Ce n’est pas pour rien que je m’engage auprès des pêcheurs ! Je n’ai pas de spots à partager et peu de chance que les pêcheurs vous les partage…
__
Une dernière info ou actualité que tu voudrais partager avant qu’on se quitte ?
J’ai envie d’encourager les pêcheurs qui ne sont pas chez nous à nous rejoindre. On mène un combat global, pour tous les pêcheurs du Nord, depuis quatorze ans ! Donc comme j’aime à le répéter, plus on est nombreux, plus on aura de force de proposition et de persuasion !
__