Qui dit “île“, dit “pêche” ! Et la pêche, ici en Calédonie, c’est une histoire de traditions. Que ce soit professionnellement ou pas, c’est une des activités qui permet aux Calédoniens de se nourrir. Pourtant, jusqu’à peu, le Caillou ne disposait pas – ou peu – de données sur l’état de ces écosystèmes. Le projet PROTEGE (Projet Régional Océanien des Territoires pour la Gestion durable des Écosystèmes), financé par l’Union européenne et mis en œuvre par la Communauté du Pacifique (CPS), a permis la création d’un Observatoire des Pêches Côtières de Nouvelle-Calédonie.

Après avoir rencontré Solène Devez, qui a travaillé dans le cadre du projet PROTEGE, et Marie-Renée Pabouty, pêcheuse professionnelle qui participe elle aussi au programme, nous avions rendez-vous cette fois, avec deux hommes travaillant pour cet Observatoire des Pêches Côtières (OPC) : Calvin Paladini et Louis-Charles Dziegala. Les deux homologues ont répondu de manière croisée aux trois questions de la rédac’ pour expliquer leur rôle au sein de l’OPC mais aussi leur parcours et leur vision de la pêche pour le futur du territoire.

Louis-Charles le plongeur ; Calvin le chasseur © NeOcean

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Bonjour Louis-Charles et Calvin. Merci de nous rencontrer pendant un de vos passages sur Nouméa ! Est-ce que vous pouvez vous présenter à nos lecteurs ?

Louis-Charles : Merci NeOcean de nous accueillir ! Je m’appelle Louis-Charles, je travaille à l’Observatoire des pêches côtières de Nouvelle-Calédonie en tant qu’animateur en gestion des pêches professionnelles. Je travaille plutôt avec la Province Nord et sur des espèces de poissons à enjeux : le vivaneau et le perroquet à bosses.

À la base, j’ai suivi des études d’océanographe biogéochimiste. J’étais passionné par le monde sous-marin et je désirais en savoir plus. Comme je suis davantage un homme de terrain que de labo, je me suis orienté vers des postes qui me permettaient d’aller à la rencontre des gens. J’ai travaillé auprès des pêcheurs de plaisance à Marseille. Ensuite, j’ai postulé à l’appel d’offre formulé par l’Observatoire et j’ai été recruté !

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Louis-Charles en bon inspecteur ! © Observatoire des Pêches Côtières

Calvin : Bonjour NeOcean. Je travaille aussi pour l’Observatoire des pêches côtières mais pour ma part, majoritairement avec les services de la Province Sud ! Je suis basé à Bourail, d’où je suis originaire. Comme Louis-Charles, je travaille sur des espèces précises, notamment sur le crabe de palétuvier.

À la base, j’ai fait une licence d’Histoire-Géographie et je me suis orienté en master vers l’aménagement et le développement local des territoires océaniens à l’UNC. C’est comme ça que je suis entré dans le monde de la pêche côtière professionnelle. J’ai effectué mes deux stages à la Province Sud en 2020 et 2021, années de lancement du programme PROTEGE – et donc de la création de l’OPC au sein de l’ADECAL Technopole. J’étais souvent en contact avec Liliane Fabry et Jean-François Laplante qui travaillaient déjà sur ces problématiques de gestion. Puis, quand j’ai terminé mon master, j’ai postulé à leur appel d’offre et j’ai eu la chance de rejoindre l’équipe !

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Quelles sont vos missions respectives au sein de l’Observatoire des Pêches ?

Calvin : L’OPC à trois objectifs : produire et analyser des données et connaissances sur la pêche côtière ; établir des recommandations et aider à la décision pour une gestion plus durable ; être un interlocuteur de référence sur les données de pêches côtières. J’interviens donc à tous ces niveaux, en coordination avec les services techniques des collectivités. Au quotidien, je récolte des données directement auprès des pêcheurs sur des espèces d’intérêts pour la gestion (crabes de palétuvier, poissons récifo-lagonaires …). L’idée est de pouvoir produire des indicateurs simples qui permettent de traduire des rendements de pêche et de la dynamique des populations exploitées. En parallèle, je suis responsable des différents travaux SIG de l’OPC..

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Calvin et les crabes de palétuvier des pêcheurs du sud ! © CPS
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Louis-Charles © OPC

Louis-Charles : Un peu comme Calvin, je suis aussi en contact direct avec les pêcheurs, qu’ils soient professionnels ou non. Je fais des enquêtes auprès d’eux afin de réaliser un diagnostic de la filière. Je leur pose des questions et j’essaie d’en savoir plus sur leur quotidien et sur ce que la pêche représente pour eux, leurs usages, leurs habitudes. Le but est de construire la gestion autour de ces ressources. Nous partons de leur expérience pour produire le diagnostic et les recommandations. Ils sont au cœur du processus, ce serait idiot de proposer des pistes de gestion qui ne colleraient pas à leur réalité quotidienne… Je contribue aussi à améliorer les fiches de pêche afin qu’elles soient utiles aux gestionnaires et aux pêcheurs. Je veux qu’ils se sentent écoutés et pris en compte, afin de pouvoir aller collectivement vers une meilleure gestion.

À côté, je fais aussi des suivis de maturité sexuelle des espèces. Ce travail est relativement important pour le futur des pêcheries. Les diagnostics de taille permettent de poser une limite entre le stade juvénile et le stade adulte. Cela permet ainsi aux pêcheurs de ne pas capturer certains poissons car ils sont encore trop jeunes et n’ont pas encore eu l’occasion de se reproduire. C’est une manière de favoriser le renouvellement des populations de poissons.

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Vous semblez, chacun à votre manière, avoir un rapport à l’environnement marin très fort. D’où vous vient-il ?

Louis-Charles : je suis passionné de plongée. Comme beaucoup de gens, j’ai pris conscience du monde marin et de sa beauté en essayant la plongée quand j’étais plus jeune. C’est d’ailleurs ça qui m’a mené à faire des études en biogéochimie. Pour moi, la mer fait partie intégrante de mon quotidien. J’ai toujours envie de passer du temps dans l’eau et sous l’eau. Pour le moment, je suis en phase de rédaction des rapports donc je suis davantage derrière mon ordinateur.

Je pense réellement que le travail de l’OPC est primordial pour un territoire comme la Nouvelle-Calédonie. Déjà parce que la mer représente un moyen privilégié de se nourrir pour bon nombre de personnes. Ensuite parce qu’il est nécessaire de gérer la ressource correctement pour s’assurer que la prochaine génération puisse pérenniser ces pratiques. Enfin, je trouve que nous participons à dynamiser un réseau d’acteurs : aller à la rencontre de tous ces pêcheurs, qu’ils soient professionnels ou pas, permet de créer des liens, de sensibiliser, de partager et surtout, d’adapter les pratiques.

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Travailler en contact direct avec les professionnels de la pêche © Observatoire des Pêches Côtières

Calvin : Je suis aussi fan de plongée mais d’une autre manière ! Mon truc à moi, c’est la chasse sous-marine. C’est une passion que j’ai développé grâce à mes grands-parents maternels. Pour eux, la pêche était plutôt vivrière. Ma grand-mère est pêcheuse à pied alors que mon grand-père préfère la pêche embarquée. C’est en les accompagnant que j’ai beaucoup appris, mais en grandissant j’ai développé mes pratiques et aujourd’hui j’adore chasser en apnée.

Travailler à l’OPC est une manière de faire de ma passion une activité professionnelle. De plus, une bonne partie de mon travail est de terrain ce qui me permet en quelque sorte d’entretenir cette passion pour la pêche. Par exemple, nous prévoyons de lancer des études sur des espèces de poisson récifo-lagonaire (picot bleu, dawa, bec de cane et vivaneau) pour tenter d’en déterminer la taille à maturité sexuelle. Je suis convaincu de l’utilité de l’Observatoire en Nouvelle-Calédonie et j’espère vraiment qu’il pourra être pérennisé !

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