Alors que nous étions de passage à Poindimié, nous nous sommes arrêtés chez Aqualagoon, pour aller donner quelques coups de palme sur le récif. Mais nous en avons surtout profité pour rencontrer Adèle Bugaj-Outiou, la co-gérante et guide de randonnée palmée du club. 

Première femme kanak diplômée de plongée, Adèle est avant tout une femme d’une gentillesse et d’une générosité extrême. Entre fierté et humilité face à son parcours, Adèle nous livre une partie de son histoire dans les récifs de Poindimié, entre souvenirs et émerveillement… Ouvrez grand les yeux et plongez dans notre rencontre avec elle, qui nous a laissé un souvenir impérissable.  

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Salut Adèle et bienvenue sur NeOcean ! On sort tout juste d’un PMT avec toi : qu’est-ce que tu as préféré aujourd’hui ? 

Salut NeOcean et bienvenue à Poindimié ! Malgré un ciel était un peu gris aujourd’hui, ce que j’ai préféré, c’est simplement être dans l’eau et sous l’eau ! 

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Tu es donc guide de PMT au sein d’Aqualagoon à Poindimié aux côtés de Martin. Mais peux-tu te présenter un peu plus à nos lecteurs à travers quelques dates clés de ton parcours ? 

Je m’appelle Adèle Bugaj-Outiou, j’ai 45 ans depuis peu et je suis originaire de Poindimié, de la tribu de Tiéti. Ça va faire seize ans cette année que je fais de la plongée. Avant ça, je travaillais dans la restauration, notamment dans le Monitel, à l’emplacement de l’actuel hôtel Tiéti. Puis je suis partie en métropole pendant quatre ans avec mon mari. Un petit remake de « Bienvenue chez les Ch’tis » ! 

J’ai continué pendant ces années à travailler dans la restauration. Mais quand je suis revenue, j’ai retourné Martin qui m’a alors proposé de travailler avec lui. J’avais déjà acté que c’était ma dernière année dans le service hôtelier et que je voulais faire autre chose. J’ai donc accepté la proposition de Martin sans trop savoir ce qu’il fallait que faire pour travailler dans un club de plongée. Il m’a guidé et fait passer tous les brevets et autres niveaux de plongée. C’est de cette manière que l’aventure a commencé pour moi. 

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Suivez le guide ! © Aqualagoon

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Comment as-tu rencontré Martin ? Pourquoi avoir choisi de te lancer dans cette aventure à ses côtés ?

Ma rencontre avec Martin remonte à 1996, quand il est arrivé sur le territoire et avant mon départ en France. J’avais 17 ans ! On a sympathisé et à mon retour à Poindimié, il m’a proposé de travailler avec lui. En un mois et demi, j’ai passé le PCL – certificat de pilote lagonaire – et le brevet de guide de randonnée palmée. Il fallait faire ça rapidement pour que je puisse accompagner Martin et les clients. 

À la base, Martin avait créé un club de plongée sous-marine qui s’appelait Tiéti Diving. Il m’a donc fait passer mes niveaux de plongée, jusqu’au niveau 4, pour que je puisse l’accompagner et être autonome avec les autres plongeurs. Je suis passée Divemaster et en plus d’ancadrer  des plongées, je m’occupais aussi des randonnées palmées. Ce n’est que quand il a revendu le club de plongée, il y a dix ans, que nous nous sommes consacrés uniquement au PMT avec Aqualagoon.  

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Est-ce que tu faisais déjà de la plongée avant de rencontrer Martin ? Qu’as-tu ressenti lors de ta première plongée solo et avec tes clients ? 

Avant de rencontrer Martin, je faisais un peu de palme-masque-tuba mais sans plus ! Je barbotais autour de la plage mais rien de très impressionnant. Quand j’ai commencé à passer mes niveaux et que j’ai vu ce qu’il y avait sous l’eau, je me suis dit « waouh » ! Je ne me rendais pas compte de ce qu’il y avait là, sous nos yeux ! Ma première plongée a été exceptionnelle, une explosion de couleurs, un émerveillement sans précédent. Je garde de très beaux souvenirs de mes premières immersions.

Puis, quand j’ai commencé à plonger avec nos clients, il y a eu le même émerveillement. Tout s’est toujours très bien passé et j’ai retrouvé ce que j’aimais dans la restauration, à savoir le contact humain. Même si on est sous l’eau et qu’on ne peut pas discuter, on voit leur bonheur et quand on remonte sur le bateau, ils sont tellement contents et excités de parler de ce qu’ils ont vu ! J’adore savoir qu’ils ont apprécié leur expérience, surtout qu’ici, c’est chez moi !

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Quel est le lien que tu avais au lagon ? Quel a été le regard de ta famille sur ton engagement dans le domaine de la plongée ? 

Tout le monde m’a beaucoup soutenu ! Mon mari le premier et tout le reste de ma famille. Au début, pour eux, c’était un choix étrange car, bien que nous habitions sur les bords du lagon, nous étions plutôt tournés vers la terre, vers les plantations. La mer restait un endroit où nous allions pêcher, ramasser des coquillages sur le platier mais assez éloignés de nous finalement. De plus, culturellement, il y a des endroits où nous ne devons pas aller car ce sont des endroits tabous, avec des animaux totem comme les requins… 

Comme je fais des photographies sous-marines, j’ai commencé à leur montrer les clichés de mes plongées. Petit à petit, ils ont aussi découvert la beauté du monde du grand bleu, ils ont pu voir les requins en photos, les poissons, les couleurs etc. Leurs appréhensions est partie grâce à ça et leur perception de l’environnement marin a vraiment changé ! Maintenant c’est presque « banal » pour eux quand je leur montre un requin en photo ! 

Dès que je peux, je les emmène avec moi en mer pour leur montrer directement. Notre rapport à la mer est très profond, très ancestral. Il faut toujours que je jette un petit truc dans l’eau pour dire que j’arrive, que je ne suis pas en terrain conquis. Mon lieu avec la mer a fortement évolué pendant toutes ces années. Je pense que j’avais un peu d’appréhension au début… En côtoyant les fonds tous les jours, je me suis vite apaisée face à la beauté des écosystèmes et l’équilibre qui lie tous ces animaux. 

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Quelle a été ta plus belle rencontre sous l’eau ? Ta pire ? 

Ma plus belle rencontre sous l’eau est avec une baleine ! C’était tout au début, quand j’ai commencé à plonger. Nous allions vers un site avec Martin et en pleine navigation, il voit le souffle d’une baleine au loin. Il m’a dit d’y aller. 

« Adèle, tu enfiles tes palmes, tu mets ton masque et ton tuba et tu y vas ! »

Martin, quand faut y aller faut y aller

Je n’étais pas très rassurée de le faire mais j’ai sauté à l’eau quand même… Un spectacle mémorable car la baleine était une femelle accompagnée de son baleineau ! Il était déjà bien portant, c’était sacrément impressionnant d’être à côté de ces deux mammifères. Je pouvais voir leurs yeux… 

Je n’ai jamais eu de frayeur sous l’eau, je suis quelqu’un de calme et de tranquille. J’aime observer ce qui se passe autour de moi, admirer la nature faire sa vie ! Je n’ai pas eu de « pire » rencontre ou de mauvaises expériences jusqu’à présent ! 

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Retenez votre souffle © Aqualagoon

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Aujourd’hui, dirais-tu que ton lien à la mer s’est renforcé ? Que représente la mer de plus pour toi ?

C’est un lien profond que je partage avec toute ma famille, dont mes enfants. Mon ainé a déjà son niveau 1. Les deux plus jeunes sont très à l’aise dans l’eau et vont bientôt passer leur premier niveau. C’est important pour moi de partager cette passion avec mes proches et de leur faire comprendre le joyau qui est là. 

Il nous faut respecter la nature. C’est l’affaire de tout le monde. Et il suffit de mettre la tête sous l’eau pour s’en rendre compte. Il faut venir plonger, j’appelle vraiment tous les gens à venir voir et expérimenter. C’est un échange avec la nature… 

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Pour le mot de la fin : si tu étais un animal, tu serais… ? 

Un dauphin ! C’est un peu cliché mais je les adore ! On en voit de moins en moins dans le lagon mais il y a quelques années, on en voyait à chaque sortie. D’où l’importance de respecter notre environnement afin de continuer à profiter et voir cette magnifique faune et flore

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