S’il y a bien une figure qui continue de voguer entre histoire et fantasme, c’est celle du pirate. Sabre entre les dents, perroquet sur l’épaule, rhum dans la main ; le cliché à l’état pur. Mais derrière les grimaces de Jack Sparrow, il y a toute une histoire, plus vaste, plus violente et parfois plus réelle. De la Méditerranée antique aux plages dorées des Caraïbes, du flibustier du XVIIe siècle au pirate moderne armé de kalachnikovs, la piraterie a toujours été une affaire de navigation, de pouvoir, de commerce, et de transgression. Et de notre côté, la Nouvelle-Calédonie n’a pas vu de drapeaux noirs flotter à l’horizon, mais notre lagon n’est pas resté complètement à l’abri des trafics et des pillages. Alors larguez les amarres, on vous embarque pour une virée historique et salée, à la rencontre des voleurs de mers, d’hier à aujourd’hui. 

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Les métiers de la mer (version dark) 

Avant de tirer des boulets ou de crier “à l’abordage !”, mieux vaut savoir qui est qui. Le pirate est un hors-la-loi. Il attaque pour lui, sans foi ni loi, juste avec un drapeau noir orné d’une tête de mort. Le corsaire, lui, a une autorisation officielle pour couler les bateaux ennemis. En fait il est pirate, mais avec un tampon. Le flibustier, c’est un pirate caribéen, qui sévissait dans les Antilles au XVIIe siècle. Et le boucanier, me direz-vous ? À l’origine, c’était un chasseur de bœufs, qui est devenu brigand des mers. Chacun de ces rôles a évolué à travers les âges, mais un point commun les relie. Celui d’une vie de mer, de pillage et d’aventure. 

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Pirate des Antilles au Pacifique  

On imagine souvent les pirates dans les Caraïbes, entre rhum et cocotiers. Et pour cause, l’âge d’or de la piraterie (1650–1730) a vu des légendes comme Barbe Noire, Calico Jack ou Anne Bonny transformer les eaux des Antilles en champ de bataille navale. Port Royal, en Jamaïque, était alors le QG officieux de ces hors-la-loi des océans

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Morbleu ! © Corbis
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Ching Shih © Histoire par les femmes

Mais la piraterie ne s’est jamais limitée à une seule mer. En Méditerranée, les pirates sévissent depuis l’Antiquité grecque. Au Moyen Âge, ce sont les pirates barbaresques qui écument les côtes. Dans l’océan Indien, les routes des épices attirent les convoitises, et les attaques fleurissent autour de Madagascar ou du golfe d’Oman. Et en Asie, impossible d’ignorer Ching Shih, une ancienne prostituée devenue cheffe pirate au début des années 1800. Elle commandait trois cents navires et faisait trembler la marine impériale chinoise.

Et le Pacifique Sud dans tout ça, n’a, à vrai dire, pas de grands noms de la piraterie, mais plutôt des pratiques tout aussi discutables. Des navires européens sont venus piller bois de santal, nacre ou perles, en toute illégalité. Des bribes d’histoire racontent des pillages ou des disparitions en mer, floues et non élucidées. Et aujourd’hui, certains actes de braconnage ou de pêche illégale rappellent que les pillards des mers n’ont pas disparu. 

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Le pirate moderne 

Le pirate du XXIe siècle n’a plus de tricorne ni de jambe de bois. Mais il peut avoir une kalach, un hors-bord, et des otages. Les nouvelles zones de piraterie sont le golfe d’Aden, au large de la Somalie ; le golfe de Guinée, en Afrique de l’Ouest ; et le détroit de Malacca, entre la Malaisie et l’Indonésie. Ces pirates modernes attaquent des cargos, des tankers ou des bateaux de pêche, souvent pour demander des rançons. Ils ne crient pas “à l’abordage”, mais ils coûtent cher en sécurité maritime. Heureusement, la piraterie a reculé ces dernières années, grâce à la surveillance accrue des marines internationales. Mais le phénomène n’est pas pour autant éradiqué.  

À l’opposé de cette réalité, la pop culture continue, elle, à faire de la piraterie une épopée romanesque. Jack Sparrow a remis les flibustiers à la mode, version eyeliner et punchlines absurdes. On célèbre même chaque 19 septembre la “Journée internationale du parler pirate”. Et dans les jeux vidéo, les séries ou les dessins animés, les pirates ne meurent jamais. Ils se réincarnent, sabre et carte au trésor en mains. 

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« Soit c’est du génie, soit c’est de la folie » © Jack sparrow

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Les voleurs des mers ne se démodent pas 

De l’Antiquité à TikTok, les pirates fascinent. Ils dérangent, font peur, amusent, inspirent. Figures de transgression, de liberté ou de pillage selon les époques, ils voguent toujours entre mythe et réalité. Et même si notre lagon calédonien n’a pas vu de drapeaux noirs, il n’est jamais à l’abri des convoitises. Alors méfiez-vous des eaux calmes, elles ont parfois abrité les plus grandes tempêtes… 

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