Ce n’est pas une ferme classique dont nous parlons aujourd’hui, mais d’une ferme aquatique ! Si si, ça existe bel et bien. Il y en a une chez nous, en Nouvelle-Calédonie, en Province Nord. C’est la commune de Touho qui depuis 2014, expérimente la pisciculture, elle élève des pouattes et des picots rayés et bientôt, peut-être bien des crevettes.
La ferme pilote de l’ADECAL Technopole est un endroit où les poissons bénéficient depuis bientôt dix ans, d’une qualité de vie exceptionnelle, puisqu’ils sont élevés directement dans leur environnement naturel. Pas de tuyaux, pas de bassins artificiels ; juste des filets installés en mer. Découverte en milieu aquatique.
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Un picot rayé dans le grand bain
Petits alevins deviendront grands. Pour avoir un joli picot rayé dans son assiette, tout commence non pas sur la côte Est mais sur la côte Ouest. C’est à Koné que se trouve l’écloserie de Foué, la seule du territoire, où nagent tranquillement les poissons géniteurs. Ils donneront ce qu’on appelle des alevins, un poisson plus tout à fait bébé et pas encore adulte. Lorsqu’ils pèsent 10 grammes, les pêcheurs de la ferme de Touho se mettent en route, glacière et pick-up prêts à accueillir les progénitures.
Le voyage entre Koné et Touho dure presque deux heures et peut-être périlleux, car les alevins sont très fragiles. Une fois arrivés à destination, les voilà embarqués dans le bateau direction la ferme, qui flotte à seulement 300 mètres du rivage, face à la marina. Avec une épuisette, les pêcheurs les plongent délicatement dans les cages, des grands filets installés dans l’eau et les nourrissent à la main trois fois par jour. Il faudra attendre dix mois pour que les poissons atteignent une taille suffisante pour être pêcher – et déguster. Sur la balance, on passe de 10 à 900 gr.
Toute l’année, les pêcheurs passent une grande partie de leurs journées sur la ferme, qui compte une dizaine de cages… modulables comme un lego, selon les besoins. La structure de la ferme, qui a nécessité trois mois d’installation, est en effet composée de gros cubis bleus. Les filets sont fixés entre les cubis, et descendent sous l’eau jusqu’à cinq mètres de profondeur. Bien malin au prédateur qui voudrait goûter le poisson, puisque la ferme est protégée par un filet anti-prédateur qui les empêche de casser la croûte.
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Qui veut du poisson frais ?
A la création de la ferme, les premiers tests ont été effectués sur des pouattes et des loches truites ; cette dernière espèce a rapidement été abandonnée car selon Julien Esposito, le responsable de la ferme, « elle ne grossissait pas assez vite. » Depuis deux ans, les pouattes ne sont également plus la priorité de l’ADECAL ; les professionnels misent tout sur les picots rayés, dont l’élevage a commencé il y a cinq ans déjà.
Si la ferme permet d’expérimenter l’élevage de différentes espèces de poissons, elle en produit suffisamment pour en vendre et les picots ne sont pas soumis à l’interdiction qui court du 1er septembre au 31 janvier de l’année suivante. Ce qui veut donc dire : du picot frais toute l’année, si la production le permet. Quand c’est le cas, les picots sont pêchés le matin aux alentours de 7h– en fonction des commandes passées, puis bagués et mis en glacière. C’est Julien Esposito qui livre chaque semaine la zone VKP mais aussi Nouméa et le Grand Nouméa. Les clients sont variables : de la grande distribution à la petite poissonnerie jusqu’au particulier, tout le monde peut en bénéficier. Vous vous en doutez, lorsqu’arrive la période d’interdiction – comme c’est le cas en ce moment – la demande est plus conséquente.
La ferme est étudiée pour produire 20 tonnes à l’année ; jusqu’à présent, la plus grosse production réalisée remonte à 2017 avec 12 tonnes de pouattes. Cette année, c’est de l’ordre des deux tonnes, puisque la production se termine ; pour les picots, « on devrait tourner autour de 3,5 tonnes » précise Julien Esposito.
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Vers une filière locale ?
Tout ce suivi de la production géré par trois agents est un véritable travail de titan. « Cette ferme est là pour démontrer que ça peut marcher dans le but après de transférer le concept à des investisseurs privés » explique Julien Esposito. Mais pour produire des poissons en quantité suffisante, il faut bien sûr que les géniteurs assurent le boulot en amont, à l’écloserie. « Le plus gros problème que l’on rencontre, c’est le manque d’alvins. On n’en a pas suffisamment et il nous faudrait aussi plus de personnels qualifiés : tout cela est très complexe » indique le responsable de la ferme.
Sur les trois prochaines années, la ferme pilote de Touho se concentrera uniquement sur l’élevage de picots rayés. Les pêcheurs ont également débuté une expérimentation sur les crevettes, qui ont leur propre cage aquatique. Il ne s’agit que d’une phase test pour le moment. Le rêve de Julien, autrefois pêcheur professionnel : que ce type de ferme puisse se développer de plus en plus sur le territoire, à condition d’avoir toute la chaîne de production assurée.
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