On ne vous apprend rien, la Nouvelle-Calédonie est au cœur d’un des plus beaux lagons du monde. Il n’est alors pas étonnant, ici plus qu’ailleurs, de trouver quelques individus dont le quotidien est indissociablement lié à cet environnement marin. Cela tombe bien, la rédaction de NeOcean raffole de ces profils d’amoureux du grand bleu, de ceux qui ont grandi au plus près de nos fabuleux récifs et qui ont mille histoires et anecdotes à partager sur les eaux turquoise qui entourent notre archipel. Basile Delorme fait partie de cette catégorie et si vous êtes un habitué des pontons du Port Moselle, que vous aimez organiser un « coup de pêche » ou surfer à la passe de Dumbéa – bref si vous aimez « barrer en mer » tout simplement -, vous aurez déjà certainement croisé son regard lagon… Portrait. 

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Photo de famille… © Basile Delorme

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Comme un poisson dans l’eau 

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Le capitaine du Renard dans ses oeuvres… © Basile Delorme

Au niveau des derniers pontons du Port Moselle, vous pouvez remarquer un imposant monocoque tout peint de bleu. Ce magnifique bateau baptisé « Renard des Mers », c’est la maison de famille des Delorme, bien installée à la même place depuis plus d’un quart de siècle. Sur le pont, au milieu des blocs de plongée, des gilets stabilisateurs et des nombreuses paires de palmes, vous apercevrez peut-être son capitaine, un solide gaillard couvert de tatouages et bien connu des habitués du coin. Il faut dire que Basile, ou « Babou » comme on l’appelle affectueusement, a toujours vécu là : « Je suis arrivé à Nouméa avec mes parents en 1995, à l’âge de deux ans. A l’époque, ma mère avait trouvé une opportunité de poste de conservatrice pour la construction du musée de Nouméa. Nous devions initialement rester 5 ans en Calédonie et, finalement, nous sommes restés amarrés là 26 ans ! Mes parents sont ensuite rentrés en France et j’habite désormais avec ma compagne sur Renard »

En grandissant entouré d’eau et d’autres familles vivant à bord de leur navire, le jeune Babou devient rapidement un habitué du lagon. « Avec les autres gamins du port, on barrait les annexes des bateaux pour se rendre sur les récifs devant Nouméa, puis avec le temps c’étaient les plus grosses embarcations à moteur et on poussait l’exploration jusqu’au bout du lagon sud ». A neuf ans, il commence la pratique de l’apnée en club. Une découverte qui changera sa vie. A l’adolescence, il se familiarise également avec la pratique du bodyboard et se passionne surtout pour la pêche. Mais ne lui parlez pas de canne : son truc à lui, c’est la chasse sous-marine… en apnée donc. Pour le reconnaitre à la sortie d’une session chasse, rien de plus facile : c’est celui qui a le plus grand sourire ! Capable de glisser sur les vagues, de barrer n’importe quel bateau et de descendre à près de 40 mètres de profondeur en récitant les noms de tous les poissons comestibles du lagon, le jeune Basile est désormais un « waterman » confirmé… Mais ça fait quoi dans la vie, un homme poisson ? 

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A force d’y plonger, il a vu le lagon évoluer 

Et bien autant ne pas chercher midi à quatorze heures ! Tombé amoureux du « monde du silence » en grandissant, Basile sait désormais bien ce qu’il veut faire professionnellement : passer son temps sous l’eau ! « Pour moi, c’était vital de trouver une occupation professionnelle qui me permette de rester au contact du milieu marin. Je ne pouvais pas m’imaginer derrière un bureau toute la journée, je savais que j’avais besoin d’être en mer ou dans l’eau ». Pas franchement passionné par les études, il opte pour une formation en chaudronnerie sur les conseils d’un ami de ses parents. L’objectif ? Embrayer sur un diplôme de scaphandrier pour se professionnaliser dans les travaux sous-marins. Remotivé par ces perspectives concrètes, Basile excelle et prend même la tête de sa classe. Exerçant désormais à son compte, il se félicite de ce choix qui lui offre une grande variété de missions : « C’est un des aspects que je préfère dans ce métier, il n’y pas de routine. On peut être appelé aussi bien pour de la soudure que de la menuiserie, de la construction d’ouvrage ou l’inspection de structures, toutes sortes de travaux en milieu hyperbare ». Quand on vous dit qu’il sait tout faire dans l’eau… 

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Direction le bureau ! © Basile Delorme

Aujourd’hui, Basile continue de sillonner le lagon pour s’adonner à ses passions pour l’apnée et la chasse mais son regard sur son terrain de jeu favori a évolué : « En vingt ans de sorties en mer, c’est facile de voir l’impact de l’activité humaine sur les récifs et les écosystèmes. Je pense qu’on gagnerait par exemple à repenser notre approche de la pêche en Calédonie ». En cause selon lui, le système des quotas en vigueur sur le territoire. Des règles strictes fixées par le code de l’environnement sont en effet appliquées sur le Caillou et, à l’exception des espèces pélagiques (15 individus par bateau et par sortie), dans le lagon, le quota de pêche autorisé de produits de la mer est de 40 kg par jour et par bateau. Une réglementation qui a le mérite d’exister mais qui perd de son sens si, par exemple, les pêcheurs ne varient pas leur prise : « Si un pêcheur, qui plus est seul sur son bateau, décide de prélever 40kg de picots, il aura terriblement impacté le banc » insiste Babou. A l’instar de ce qui est préconisé en Australie et en Nouvelle-Zélande, des quotas par espèce et par pêcheur permettraient selon lui de mieux préserver nos ressources. Basile le sait, pour continuer de profiter de notre trésor immergé, une prise de conscience sera nécessaire… Le message est passé ! 

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Le lagon est sa maison 

Tombé amoureux de ce lagon calédonien qu’il connait par cœur, Basile n’attend désormais plus qu’une chose : repartir naviguer avec « Renard », son héritage familial qui nécessite encore quelques sérieuses réparations avant de pouvoir de nouveau fendre la houle. Une fois les travaux terminés, notre homme poisson compte bien lui faire prendre la mer et explorer le Pacifique. « Un bateau, surtout lorsqu’on habite dessus, c’est beaucoup d’entretien. Mais lorsque vous êtes en mer, cette sensation d’avoir votre maison sur l’eau, sans aucun voisin aux alentours … C’est un sentiment extraordinaire ». Nul doute qu’au plus près de son beau lagon, Basile est bel et bien comme chez lui ! 

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Le Renard des Mers, une maison bleue adossée au lagon ! © Basile Delorme