La raie manta est une espèce majestueuse qui intrigue et fascine. Impossible de rester indifférent face à cet animal ; nous l’avons remarqué, ce jeudi 18 avril, à l’Université de Nouvelle-Calédonie. Un amphithéâtre presque plein d’un public hétéroclite était présent pour assister au ciné-débat « RAIES MANTAS, les gentilles géantes » proposé par Empreinte NC et présenté par Elisabeth Auplat. Cette soirée lançait la 5e saison des « cinés-débats empreinte » qui aura pour thématique les océans et leur lien avec l’Homme.
En Nouvelle-Calédonie, les raies mantas ne sont pas – encore ! – en danger mais ce n’est malheureusement pas le cas chez nos voisins et dans différents coins du globe. Alors, quelles réponses apporter aux menaces qui pèsent sur ces animaux vulnérables et comment intégrer la dimension culturelle à ces problématiques ? Cette question, fil rouge de la soirée, a guidé le public sur les traces de cette gentille géante.
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La raie manta sous les projecteurs des scientifiques
Que ce soit lors du documentaire projeté ou dans les échanges avec le public, Hugo Lassauce, biologiste marin à l’Aquarium des Lagons et intervenant à cette soirée, a commencé par rappeler que l’on connaissait peu de choses sur cet animal. En Nouvelle-Calédonie, la préservation de l’espèce est un terrain d’étude fertile pour les scientifiques qui étudient les raies mantas de récifs et collectent des données pour alimenter les projets de conservation à l’échelle internationale. Grâce à un système de balisage et à la photo-identification, il a été possible de suivre leurs déplacements et, ainsi, de recenser près de deux-cents mantas à Nouméa et plus de cent à Ouvéa. On dirait que ces géantes sédentaires aiment le Caillou autant que nous !
Pourtant, au niveau international, la manta n’échappe pas à la menace de l’extinction. Les principaux mis en cause : le climat et l’homme. Hubert Géraux, deuxième speaker de la soirée et “expert conservation” à la WWF, a résumé de manière très claire les faits qui sont reprochés à ces deux facteurs morbides : le réchauffement et l’acidification des eaux, le plastique ingéré, la surpêche et la pêche illégale.
« Pour alimenter un marché asiatique sur une année, c’est 130 000 grandes raies pêchées ! »
Hubert Géraux, collectionneur de raies…
Bien entendu, d’autres menaces, telles que les prises accidentelles ou les collisions avec les coques et hélices de bateaux, sont également pointées du doigt ; pourtant, à ce jour, des solutions existent comme, par exemple, des caches hélices pour les moteurs… il suffirait (presque) de les faire connaître ! Comme quoi, on en revient toujours à la prévention.
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Un animal qui fait partie d’un tout
Réduire la raie manta à sa dimension scientifique ne serait pas lui rendre hommage. Ses facettes traditionnelle et spirituelle, notamment dans les cultures kanak, doivent intégrer les études scientifiques et, par extension, participer à la manière dont elles sont protégées. En guise de préambule à ces recommandations, Catherine Sabinot, éthnoécologue spécialiste des sociétés côtières, a introduit la définition de l’éthnoécologie. La scientifique a alors mis en avant ce champ de recherche – “l’étude des relations entre les humains et leur environnement” – essentiel dans les projets de conservation et de préservation. Pour boucler la boucle “traditionnelle”, Hugues Vhemavhe, représentant du Sénat Coutumier, est ensuite venu partager la philosophie des clans de la mer qui considèrent la raie manta comme “un grand esprit qui garde les profondeurs“.
«Ce que font les scientifiques, c’est bien mais il y a des choses qu’il faut laisser et ne pas déranger. »
Hugues Vhemavhe, entre traditions et spiritualité
Ces traditions, allant parfois à l’opposé des recherches scientifiques, ne sont pourtant pas incompatibles dans les projets de conservation. En 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et l’ONG Conservation International ont ainsi renouvelé un accord qui porte, notamment, sur la protection et la valorisation du Parc naturel de la mer de Corail et sur la promotion du modèle calédonien de pêche durable. Le Sénat Coutumier participe à ces différents temps de travail pour partager et transmettre leur vision afin qu’elle puisse être prise en compte dans les textes légaux et qu’un socle commun soit partagé.
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Entre échanges et anecdotes avec le public
Ce ciné-débat a été riche en échanges et le public curieux n’a pas été avare de questions autour de cet animal. Que ce soit pour interroger les intervenants sur leurs liens sociaux, la pêche illégale ou leur fonctionnement biologique, beaucoup de sujets ont été abordés et les professionnels invités ont partagé, avec passion, leurs expériences et leurs savoirs.
« Pour la reproduction, la raie manta femelle va faire une sorte de nage pouvant durer des heures et va être suivie par les mâles. Cette danse va continuer jusqu’à ce que tous les mâles soient épuisés sauf UN avec qui elle acceptera enfin de se reproduire. Comme à la Bodega »
Hugo Lassauce, l’art de comparer les raies à une soirée du samedi soir
Et si vous ne voulez pas perdre une miette de ces échanges et que vous n’avez pas pu être présent ce jeudi, pas de panique : la soirée sera diffusée sur Caledonia le 27 avril prochain à 10h !
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Il y a toujours des solutions
La raie manta est un animal encore mystérieux qui émerveille toujours autant les nageurs qui croisent sa navigation. Si notre géante des océans à la chance de pouvoir vivre en toute tranquillité dans nos lagons, il est important de travailler ensemble pour la protéger et prévenir des menaces qui pèsent sur elle. Sa préservation n’étant pas seulement une problématique liée à notre territoire, la concertation internationale et le travail en réseaux sur des projets communs apparaissent comme une première réponse…
« Prendre soin ensemble, c’est la seule manière d’être encore là demain »
Catherine Sabinot, symphonie en raie majeure !
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