Qui n’a jamais rêvé de voir les coulisses de l’Aquarium des Lagons ? C’est chose faite pour la rédac’ lors de notre rencontre avec Hugo Lassauce, biologiste marin et responsable du Zebra Shark Project – littéralement « projet requin-zèbre« . Pour autant, nous connaissons plutôt ces petits squales sous le nom de requin-léopard puisqu’en grandissant, leurs rayures se transforment en robe tachetée ! La magie de la nature…

Toujours est-il qu’Hugo est le « Monsieur requin-leopard » du territoire. Nous voulions donc en savoir plus sur celui qui dorlote ces petits animaux marins – nos préférés – ainsi que sur le projet en lui-même. Recherche scientifique, pédagogie, sensibilisation et protection sont au coeur de ce projet qui n’aura plus de secret pour vous, après cette interview !

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Bonjour Hugo et bienvenue sur NeOcean. Alors, plutôt zèbre ou léopard ? 

Salut NeOcean et bienvenue à l’Aquarium des Lagons ! Pour entrer dans le vif du sujet, je dirais plutôt léopard car si on parle de requin, je trouve que leur robe blanche et tachetée est plutôt inédite sous l’eau. C’est pour ça que je les trouve unique ! 

Zebra Shark
Les « Zebra Shark » sont les plus mignons ! Mais on dirait plutôt des léopards… © Aquarium des Lagons

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Bon, trêve de plaisanteries ! Peux-tu commencer par te présenter à nos lecteurs et expliquer d’où te vient cette passion « Zebra Shark » ? 

Je m’appelle Hugo Lassauce, je suis chercheur à l’Aquarium des Lagons et je travaille pour le projet Zebra Shark Project qui vise à étudier les requins léopards. Je suis Calédonien et même si j’ai fait mes études à droite à gauche, j’ai toujours voulu revenir travailler ici. En tant que biologiste marin, la Calédonie est le meilleur endroit pour faire de la recherche. De plus, ça me tenait à cœur de contribuer à la protection des milieux que j’ai toujours connus. 

Au-delà d’une passion requin-léopard, j’ai été attiré très tôt par les espèces massives : les baleines, les requins, les mantas. Pour autant, j’ai étudié les plus petites espèces tels que les coraux, les plus petits poissons, les invertébrés… la biologie marine est vraiment géniale quand on est passionné ! 

Zebra Shark
Maurice – ou peut-être est-ce Narcis – se fait tirer le portrait ! © Hugo Lassauce

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Tu participes donc au pilotage du Zebra Shark Project. Nous sommes à l’Aquarium des lagons. Peux-tu nous expliquer pourquoi et nous en dire plus sur ce projet ?

Nous sommes à l’Aquarium puisque le Zebra Shark Project est une initiative du Docteur Olivier Chateau, le responsable du département scientifique de l’Aquarium. Le montage du projet est assez complexe et ne date pas d’hier. L’Aquarium travaille depuis plus de dix ans sur les requins léopards, en allant récupérer les œufs pour les faire éclore ici. Le but était d’offrir plus de chances de survie aux bébés car ce sont des proies faciles pour les plus gros prédateurs.

Puis, Olivier a commencé à mener une réflexion plus globale sur cette espèce dont on connaissait encore peu de choses. Il a commencé à mettre en place un suivi des bébés qui étaient relâchés. Ça remonte à 2019. En filigrane, il y a cette réflexion plus globale sur l’avenir de cette espèce. Par exemple, en Indonésie cette espèce a pratiquement totalement disparue ! En effet, le requin léopard est pêché car il se trouve près des côtes et qu’il n’est pas très craintif. La pauvreté joue beaucoup dans ce rapport à la nature. Avec des vrais programmes de conservation, basés sur de la recherche, ils pourraient réintroduire des requins-léopards et favoriser le tourisme autour d’eux. La recherche sert aussi à trouver des solutions concrètes et solidaires. 

Zebra Shark
Envoutant… © Hugo Lassauce

Mais pour ça, il faut avoir des données fiables, comprendre leur comportement, leurs déplacements, leur site de nourrissage, de ponte, etc. Ce projet est une manière d’arriver à émettre et formuler des conclusions scientifiques sur cette espèce. Mon rôle, depuis mon arrivée l’année dernière, est de rassembler le plus de données, les organiser et les rendre lisibles pour aider les gestionnaires. 

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Donc si vous étudiez la « love life » des requins léopards c’est surtout pour mieux les protéger ? 

Totalement ! Outre leur manière de se reproduire, nous essayons de brosser un portrait biologique des requins léopards : « love life » à travers les sites de pontes, les cycles de reproduction, les saisons des amours, le temps de développement des bébés mais aussi leurs déplacements, leur longévité, leur comportement sexué, ce qu’ils mangent, s’ils ont des sites d’agrégation précis…  

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Quel est ton rôle au sein de ce projet ? Quelles sont tes missions au quotidien ? 

Je suis le seul à travailler à plein temps sur ce projet mais je ne suis pas pour autant seul à m’investir dans le travail de suivi ! Il y a Olivier qui supervise tout, les aquariologistes et les techniciens de l’Aquarium qui sont aussi très impliqués dans toutes les étapes de suivi.  

Zebra Shark
Les oeufs de zebra shark, striés eux aussi… © Aquarium des Lagons

Je n’ai pas vraiment de journée type et ça fait partie des points positifs de mon métier ! Il va y avoir des jours où je suis exclusivement sur le terrain, en bateau, au niveau des récifs, pour aller voir des adultes. Là-bas on va « monitorer », c’est-à-dire qu’on va faire des suivis sur ces sites et des adultes qu’on y croise. Quand la météo le permet, c’est au moins une fois par semaine. 

Mon travail est aussi calqué sur les saisons : en ce moment nous sommes en période de ponte, donc je vais avoir un travail d’enregistrement du nombre d’œufs, du lieu et du suivi. Une fois que les bébés sont nés, mon travail va consister à les nourrir, prendre soin d’eux jusqu’à ce qu’on les balise et relâche… Et il y a la partie scientifique derrière l’ordinateur avec de l’analyse de données, de la préparation des missions, ou encore en labo avec de la génétique et séquençage ADN… C’est super varié !

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On a entendu parler du fait que les requins léopards venaient pondre dans la baie des Citrons. Quand est la haute saison ? Que peux-tu nous dire de plus sur cette espèce fascinante ? 

On pense en effet qu’il n’y a une femelle qui vient y pondre car chaque année à la Baie des Citrons. Nous pensons que c’est la seule car nous comptabilisions une trentaine d’œufs chaque année. C’est, en moyenne, le nombre d’œufs pondus par une femelle. 

D’un point de vue nourriture, ces requins sont inoffensifs pour l’homme. Ils ont une bouche « en dessous » de leur museau, ils fouillent dans le sable à la recherche de petits invertébrés, des crustacés et autres coquillages. Ils ont une petite bouche avec des dents qui leur servent plus à broyer ou à aspirer l’intérieur de la coquille. Ils peuvent aussi se nourrir de petits crabes ou des crevettes. Comme on n’a jamais observé de bébés dans l’environnement naturel, nous ne sommes pas vraiment sûrs de ce qu’ils mangent. À date, on leur donne des crevettes et ils n’ont pas l’air de s’en plaindre ! 

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Vous aviez lancé il y a quelques mois une campagne d’identification de requins léopards. Comment cela fonctionne pour les identifier ? Avez-vous pu tirer des résultats de ces observations ? 

Beaucoup de scientifiques utilisent la photo-identification pour les animaux et cela fonctionne vraiment bien. Pour les tortues, les baleines sans parler des animaux terrestres. En fait, dès qu’un animal à un signe corporel qui lui est propre, on peut passer par ça. C’est comme l’empreinte digitale chez les humains.

Les requins léopards sont reconnaissables par leurs tâches. Pour autant, elles évoluent dans le temps : bébé, ce sont des rayures et le suivi est plus difficile en fonction de leur stade de développement. Pour les identifier, on se concentre sur la partie du corps au-dessus de la nageoire pectorale, au niveau des branchies car c’est une zone qui évolue beaucoup moins que toutes les autres. Une fois adulte, nous pouvons les identifier dix, quinze ans après !

Zebra Shark
Comment choisissent-ils les noms des zebra shark ? © Aquarium des Lagons

Ses tâches ne sont pas les mêmes des deux côtés non plus, il faut donc bien faire attention quand on utilise des photos. Au fur et à mesure, on remplit un catalogue et dès qu’on croise un individu, on regarde s’il est répertorié. Chaque individu est localisé et cela nous permet de comprendre leur fidélité – ou non – à un site. L’une des premières conclusions est de dire que ce sont des animaux qui ne bougent pas beaucoup. Ceux du phare Amédée ont tendance à y rester, idem pour l’Île des Pins ou Lifou… 

La science participative est un outil très efficace ! Certes ce sont des données qui ne sont pas rigoureuses sur le papier et qui ne suivent pas un protocole strict mais qui, malgré tout, restent utilisables et analysables. Nous avons besoin de l’aide de tout le monde, et cela passe notamment par remplir le formulaire en ligne et de nous envoyer un mail avec les photos à zsp@aquarium.nc. Même s’il est très difficile aujourd’hui de donner une estimation précise du nombre d’individus de cette espèce, notre catalogue est composé, pour le moment, d’environ 150 individus. Dans tous les cas, ils ne semblent pas être menacés en Nouvelle-Calédonie.

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Quel est ton lien au lagon calédonien et plus largement à l’océan et à ses habitants ? 

En tant que Calédonien, j’ai grandi dans cet environnement préservé. J’ai toujours pratiqué le PMT, je pêcheraisonnablement depuis tout petit notamment en chasse sous-marine. C’est en partant ailleurs qu’il y a une prise de conscience, pour nous Calédoniens, de la beauté de nos lagons et de la chance d’y avoir accès. C’est aussi à ce moment-là, pendant mes études loin de la mer, que j’ai réalisé à quel point j’y étais attaché ! Partout dans le monde les récifs ne sont pas en si bon état alors que nous avons une biodiversité exceptionnelle ici. Ce n’est pas pour rien que j’ai voulu devenir biologiste marin et que mon ambition première est de protéger ces écosystèmes

Zebra Shark
Zebra Shark Project en action ! © Hugo Lassauce

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Une dernière chose à ajouter avant de retourner à tes œufs ? 

C’est marrant parce que faisant cette interview, je me rends compte que mon quotidien professionnel est assez exceptionnel ! Parfois, on a tendance à l’oublier parce qu’on s’habitue à tout ça. Mais j’ai une chance folle de faire un métier passion et de travailler avec des animaux fantastiques. De temps en temps, ça m’arrive de réaliser ce que je suis en train de faire et alors je redeviens le gamin que j’étais avec les yeux qui pétillent ! Les requins léopards ne sont pas timides du tout, ça m’arrive de les approcher et ce sont des moments suspendus ! La naissance des bébés est un moment magique. Cette année, ils ont un peu de retard mais il n’y en a plus pour très longtemps ! Restez à l’affut !  

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