Hier soir, le Musée Maritime de Nouvelle-Calédonie a levé l’ancre pour une aventure hors normes dédiée à la résilience humaine. L’invité à bord de cette soirée projection-débat : Christophe Papillon, ancien parachutiste militaire reconverti en navigateur de l’extrême. En 2018, il s’est lancé à l’abordage de l’Atlantique et aujourd’hui âgé de 57 ans, il nous partage ses 5 400 kilomètres de houle et de tempêtes, entre les Canaries et la Martinique. Une odyssée solitaire menée à la force des bras et du mental, en soutien aux veuves et orphelins des soldats morts pour la France.
À travers la projection de son film et un échange avec le public, il nous a raconté ses jours et ses nuits en pleine dérive, ses galères et ce qui l’a poussé à garder le cap. Alors moussaillons de l’aventure et passionnés du grand large, hissez haut votre curiosité, la traversée de Christophe promet de faire des vagues…
__
64 jours de combat contre l’Atlantique

Valérie Vattier, directrice du Musée Maritime, nous accueil et nous présente la star du jour. Pas du genre à rester à quai, Christophe s’est jeté dans le grand bain avec un défi fou : traverser l’Atlantique à la rame, en solitaire, sans escale ni assistance. Rien que ça. Et pourtant, en 2018, quand il annonce son projet, il n’a ni embarcation, ni entraînement en aviron, ni expérience de la haute mer. C’est notre Gérard d’Aboville local, et il va nous prouver que rien n’est impossible.
“Il faut continuer à croire en ses rêves, surtout quand on s’appelle Papillon” – Valérie Vattier, poète dans l’âme
Le film “Papillon rame sur l’Atlantique” nous plonge immédiatement dans l’immensité bleue. L’océan Atlantique, 106 millions de km², 8 600 mètres de profondeur. Et, perdu au milieu de cet enfer liquide : une coquille de noix jaune et orange. C’est le “RKKD”, son aviron d’à peine 1m60 de large.
Le 9 décembre 2018, Christophe quitte le port de Restinga aux Canaries. Derniers au revoir, dernières vérifications, derniers conseils. Seul face à l’horizon, il s’apprête à pagayer, encore et encore, jusqu’à la Martinique. 5 400 km à vol d’oiseau. En réalité, ce sera près de 7 000 km, car l’océan n’a jamais été une mer d’huile. À bord, l’organisation est à son image, militaire : ramer, manger, dormir, entretenir le bateau. Il rame de nuit pour éviter de reculer. L’isolement est total, la fatigue omniprésente, mais pas question d’abandonner.
Les jours passent. Noël et le Nouvel An se fêtent seul, bercé par les pensées pour les familles endeuillées. La communication satellite avec son routeur, Éric Dupuy, devient un lien vital. Mais tout n’est pas que souffrance. Certains jours, l’Atlantique lui offre un spectacle magique. Des dauphins autour de lui, des bancs de mahi-mahi et même une baleine qui souffle si près qu’il en sentira le poisson pendant plusieurs jours. Après 48 jours sans voir âme qui vive, un cargo croise enfin sa route et lui offre un peu de ravitaillement. Un moment presque irréel après des semaines à ne voir que l’horizon.
Le 10 février 2019, après 64 jours en mer, la terre martiniquaise apparaît enfin. Dans la baie du Robert, les autorités, sa famille, son équipe, une foule l’attend et est là pour l’accueillir. Les derniers coups de rame sont un mélange d’épuisement et d’émotion brute. Lorsqu’il pose enfin pied à terre, il est amaigri, la peau tannée par le sel et le soleil, les mains marquées par plus d’un million de coups de rame, mais il sourit. Un exploit, un combat, une promesse tenue.

__
L’appel du large : Christophe Papillon face au public
C’est sous nos applaudissements que la soirée continue avec les mille et une questions que l’on a. Christophe nous plonge alors dans les coulisses de son aventure hors norme, entre prouesses physiques et petits miracles de la vie en mer.
Avant cette traversée, ramer n’était pas son sport de prédilection. Certes, il avait fait un peu de kayak dans l’armée, mais de là à traverser l’Atlantique… C’est avec une insistance de forcené qu’il a convaincu un club d’aviron à Toulouse de lui apprendre les bases. Il ne s’agit pas de ramer fort, mais de ramer intelligemment, d’économiser son énergie pour tenir sur la durée, car 5 400 km en ligne droite sur la carte, c’était 7 000 km en réalité.
Au fil des jours, Christophe a peaufiné sa stratégie : manger à la fourchette entre deux coups de rame et limiter les arrêts au strict minimum. Militaire dans l’âme, c’est évidemment avec des rations de combat qu’il s’est nourri pendant deux mois. Il aura quand même eu le droit à un repas différent grâce à sa rencontre avec le cargo gigantesque. Pour l’eau, il avait de quoi tenir avec les 150 litres d’eau douce embarqués et son dessalinisateur “au cas où”.
Une fois arrivé en Martinique, l’idée de refaire le trajet en sens inverse aurait pu lui traverser l’esprit… Mais il avait une promesse à tenir. Pour convaincre son épouse de le laisser partir, il lui avait promis : « Si j’arrive en Martinique, je t’épouse ». Alors il a posé pied à terre et quelques jours plus tard, a passé la bague au doigt.

Christophe nous raconte l’origine du nom de son bateau, le “RKKD”. Un hommage à un camarade perdu, Denis, surnommé « Rikiki Denis« , qui signait toujours ses messages « RKKD ». Un clin d’œil à ceux qui l’ont inspiré et soutenu, même à distance. Aujourd’hui, le RKKD a trouvé une nouvelle maison, un musée maritime dans la Manche. Un symbole de l’impossible devenu réalité, exposé pour inspirer d’autres rêveurs.
Difficile de choisir un unique moment inoubliable. L’arrivée en Martinique, bien sûr. La rencontre avec une baleine, magistrale. Mais aussi et surtout un moment de vie qu’il nous raconte : perdu au milieu de l’Atlantique, loin de tout et à quinze jours d’atteindre la côte, il voit un papillon se poser sur son bateau, rester un instant, puis repartir. Comme un message. Son grand-père, qui l’avait élevé et qui portait le même nom que lui, “Papillon”, venait de disparaître quelques mois plus tôt. Ce moment fugace, improbable, lui a donné la force de continuer.
On applaudit, conquis. Car au-delà de l’exploit physique, c’est une aventure humaine qui s’est jouée sur cet océan. Une histoire de courage, de résilience et de conviction.


__
Un Papillon qui laisse son empreinte sur l’océan
Cette mission pour l’association « Papillon Rame » lui a permis de récolter 120 000 euros, dont 100 000 reversés après les frais logistiques. Une victoire au-delà de l’exploit sportif. Après 64 jours seul face à l’Atlantique, quinze kilos en moins et une leçon de résilience en plus, Christophe Papillon a prouvé que la détermination pouvait déplacer des montagnes… ou du moins traverser un océan.
__