Navigatrice intrépide, éternelle optimiste et véritable capitaine de projets, Soizic Fleury a l’âme d’une Calypso des temps modernes. À l’image de la nymphe marine de L’Odyssée, elle règne sur son archipel d’idées, entourée par l’océan qui l’a tant façonnée. De la Bretagne aux lagons calédoniens, en passant par les eaux tumultueuses de l’Asie du Sud-Est, elle a vogué là où les courants la guidaient, avant de jeter l’ancre en Nouvelle-Calédonie. 

Aujourd’hui, elle inspire par son engagement pour la préservation de l’océan tout en naviguant avec audace dans l’économie bleue, déterminée à faire bouger les lignes et à propulser l’économie maritime vers un avenir durable. Que ce soit à bord d’un voilier ou derrière son bureau au Cluster MaritimeSoizic carbure à l’optimisme et à l’envi de construire un futur où l’océan est plus qu’un horizon : un véritable lien entre les Hommes.

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Bonjour Soizic et bienvenu sur NeOcean ! De la Bretagne aux lagons calédoniens, en passant par les océans du globe, tu as vécu mille vies ! Quelle est l’aventure en mer la plus folle que tu aies vécue ? Y a-t-il une rencontre qui t’a particulièrement marquée et donné envie de poursuivre ton engagement pour l’océan ?

Alors, ce n’est pas vraiment une rencontre physique, mais plutôt une rencontre avec un endroit du monde. C’était lors de la dernière partie de ma vie de navigatrice. J’ai beaucoup navigué en Asie du Sud Est, après avoir déjà traversé deux fois le Pacifique, où j’avais passé énormément de temps. C’est en Asie que j’ai vraiment pris conscience de la pollution, qui m’avait moins marquée durant le reste de mon voyage. Cette prise de conscience a mené à mon engagement actuel. Ce n’est donc pas une rencontre, mais une réalité qui s’est présentée à moi et qui m’a fait me dire “Je vais bientôt terminer ce voyage, mais j’ai quand même envie de le continuer d’une autre manière.”. Cette autre manière, c’est d’apporter ma pierre à l’édifice en contribuant à préserver la santé des océans et leurs écosystèmes, pour qu’ils continuent de nous offrir tout ce qu’ils peuvent apporter. Voilà, ce n’est pas une rencontre physique, mais plutôt une révélation “in situ”.

En y repensant, il y a bien eu une rencontre marquante, tout au début de mon voyage. On venait de traverser le golfe de Gascogne, et nous avons croisé des gens de notre âge, 27 ans, qui rentraient tout juste d’un tour du monde de sept ans. Nous, on partait, et eux, ils revenaient. Ils avaient juste besoin de la carte papier du golfe de Gascogne pour rentrer en Bretagne. Nos chemins se sont vraiment croisés à ce moment-là, et ils nous ont donné un conseil précieux : “Si on a un conseil à vous donner après sept ans de tour du monde, ne perdez pas votre temps dans l’Atlantique, filez dans le Pacifique.”. Et c’est ce qu’on a fait, même si on a quand même mis deux ans et demi avant d’y arriver. Mais ensuite, notre cœur est resté profondément attaché au Pacifique. J’ai eu deux enfants qui sont nés à Tahiti, et on a passé cinq ans en Polynésie. C’est après notre périple en Asie du Sud Est, que l’on est finalement arrivés en Nouvelle-Calédonie.

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2003, départ de Bretagne direction le Pacifique ! © Soizic Fleury

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Après 14 ans de navigation et une carrière ancrée dans l’engagement pour l’océan, tu as un regard unique sur la préservation marine. Quel est ton succès professionnel qui te rend le plus fière aujourd’hui ? Qu’est-ce qui t’anime le plus dans ton travail ? 

Mon plus grand succès… en fait, il n’y en a pas un en particulier, il y en a plein ! Ce qui m’anime vraiment, c’est de continuer à travailler dans cet écosystème. C’est vrai qu’à l’origine, mon engagement portait sur la préservation de l’environnement marin. Et aujourd’hui, je suis devenue manager du Cluster Maritime, un rôle davantage tourné vers l’économie maritime, et je réalise qu’il existe des passerelles entre ces deux mondes. Apporter ma touche “préservation de l’environnement” dans l’économie maritime, ça fait sens pour moi.

Ma plus grande gratification, c’est qu’on continue à me proposer des projets toujours plus exaltants. Par exemple, si je fais un “instant T” du mois de mars, j’ai des projets pour le Cluster sur la décarbonation du maritime ou sur la mobilité dans le Grand Nouméa. En parallèle, la semaine dernière, j’ai animé une conférence sur l’écosystème du parc naturel marin au regard de l’actualité de 2025, durant laquelle j’ai fait intervenir un politique et une scientifique. C’était super intéressant intellectuellement, et j’ai vraiment le sentiment de contribuer à mon écosystème. 

La semaine prochaine, je vais animer une conférence avec deux jeunes qui parleront du changement climatique sur le territoire, dans le cadre du projet CLIPSSA. Quatre jeunes experts scientifiques issus des quatre territoires du projet y partageront les premiers résultats des recherches menées dans le Pacifique. Deux jours après, je vais aussi animer un atelier participatif sur les canicules marines dans le cadre du projet Mahewa. Donc c’est vraiment stimulant intellectuellement, et j’ai l’impression d’être à ma place. Ma plus grande récompense, c’est ça : voir que les gens viennent me chercher pour mon travail, pour qui je suis, pour cet aspect relationnel, cette positivité, cet élan que je peux insuffler, et même cette naïveté quelque part, de toujours vouloir y croire. Plus que de célébrer un succès précis, c’est finalement mon actualité qui me rattrape, qui me galvanise et me stimule au quotidien.

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À la barre de 1000 projets © Soizic Fleury

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Naviguer sur les océans avec trois enfants, animer des ateliers innovants ou piloter 1000 projets à la fois… Tu carbures à quoi ? Plutôt café corsé ou infusion d’optimisme ? Pour finir, si tu pouvais faire passer un message fort à tous les acteurs de l’économie bleue, ce serait quoi ?

Alors, je carbure clairement à l’infusion d’optimisme ! C’est vraiment mon carburant. J’ai parfois des moments d’abattements, mais mon élan d’optimisme me rattrape toujours, cette envie de toujours continuer à y croire.

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Une Calypso optimiste © Soizic Fleury

Mon message, c’est celui qui me porte depuis toujours : je crois profondément aux liens de l’océan. Aujourd’hui, dans un contexte mondial instable et alors que la Nouvelle-Calédonie traverse aussi des périodes d’incertitude, je suis convaincue que l’océan, l’économie maritime et l’environnement marin sont des éléments qui nous relient. Il faut qu’on parvienne à mettre de côté nos divergences et nos conflits pour avancer dans une même direction. On vit sur une île, et c’est essentiel de converger vers des projets durables et porteurs de sens. Même si, au départ, nos visions diffèrent, il faut comprendre que la préservation de l’environnement ne s’oppose pas au développement de l’économie maritime, au contraire ! Elle l’alimente. Par exemple, à travers des campagnes de recherche scientifique, on peut faire venir des chercheurs de la région et du monde entier. Ça peut dynamiser l’économie des chantiers navals et renforcer la formation dans le domaine maritime. Pour moi, tout ça a un sens, un sens collectif. C’est aller ensemble vers un développement durable et une gestion responsable de l’économie bleue en Nouvelle-Calédonie.

Il est temps de déplacer le levier, de ne plus mettre tous nos œufs dans le même panier de l’économie minière, mais qu’on ait un fort volet sur l’économie bleue, qui a un véritable potentiel en matière de création d’emplois et de chiffre d’affaires. Je crois qu’on est à un tournant où il faut prendre conscience du pouvoir de l’économie bleue au sens large. Alors, avançons ensemble dans la même direction ! Cap vers un avenir durable !

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Cap sur l’optimisme bleu

À l’image de Calypso, Soizic est une gardienne des océans, une figure libre et passionnée qui invite à prendre le large sans jamais perdre de vue l’horizon d’un avenir durable. À travers son engagement et sa créativité, elle rappelle que l’économie bleue n’est pas seulement une voie prometteuse pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi une chance de faire converger écologie et développement. Cap sur l’optimisme et la coopération, sous l’égide d’une navigatrice qui n’a jamais cessé d’y croire.

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