Ah, les joies du lagon… Plonger dans une eau turquoise, se dorer la pilule au soleil, le tout sans finir couleur écrevisse. Avouons-le, la crème solaire est notre meilleure alliée pour éviter de cramer façon toast grillé. Mais voilà, ce geste anodin cache un petit secret bien moins sympa.
Entre la protection de notre peau et celle des écosystèmes marins, il semble y avoir un sacré dilemme. Alors, comment continuer à profiter du soleil sans faire trinquer les coraux ? Explorons les dessous de la crème solaire et pourquoi pas essayer de trouver des solutions plus clean.
__
Le coup de soleil de trop
Chaque année, ce sont des tonnes de crème solaire qui finissent leur course dans les eaux cristallines des lagons, y compris le nôtre… Et pour nos amis les coraux, c’est un peu comme si on leur versait du poison direct sur la tronche. Pour vous donner une idée, quand vous passez la journée à la plage du Méridien ou que vous “barrez” à Signal avec la bande, jusqu’à 25 % de la crème que vous mettez se retrouvent diluée dans l’eau. Résultat ? Une concentration de produits chimiques qui étouffe les récifs et blanchit les coraux plus vite qu’un coup de soleil sur votre peau. Pas besoin d’être biologiste pour comprendre que ce cocktail chimique n’a rien de naturel.
Petite mise au point quand même : Thibault Le Verge-Campion, Doctorant en écologie marine à l’IRD, nous explique qu’il ne faut pas non plus associer directement le blanchissement des coraux aux filtres UV des crèmes solaires. La première cause reste les vagues de chaleur marines (le bon vieux réchauffement climatique, quoi). Et chez nous, en Nouvelle-Calédonie, personne n’a encore vraiment mesuré l’ampleur de la contamination par ces filtres UV dans l’environnement. Bref, pour l’instant, impossible de dire si nos crèmes solaires sont les grandes coupables du blanchissement local. Mais ailleurs dans le monde, comme à Hawaï ou aux Îles Vierges britanniques, c’est une autre histoire : là-bas, les niveaux de filtres UV dans l’eau sont parfois tellement élevés qu’ils peuvent dépasser les seuils toxiques et vraiment mettre la santé des coraux en danger.
Ah oui au fait, fun fact : contrairement à ce que le terme “blanchissement des coraux” pourrait traduire, en fait, le corail ne blanchit pas : il devient transparent et c’est juste qu’on peut voir son squelette à travers. C’est pour ça qu’il paraît blanc.

__
Coraux sous haute protection… solaire
Alors si vous pensiez que votre crème solaire se contentait de protéger votre peau, détrompez-vous. Certaines d’entre elles ont donc un effet beaucoup moins sympa sur les coraux. Les coupables ? Deux noms qui sonnent comme des formules magiques mais qui, en réalité, jouent les méchants dans nos récifs : l’oxybenzone et l’octinoxate.
Ces filtres UV, présents dans de nombreuses crèmes classiques que vous trouvez au “magaz’”, agissent comme un bouclier contre les rayons du soleil. Super pour nos épidermes, mais catastrophique pour les coraux. Ces substances perturbent les micro-algues symbiotiques qui permettent aux coraux de se nourrir et de conserver leur belle couleur vive. Résultat : le corail devient transparent et finit par mourir de faim.
Comme si ça ne suffisait pas, l’oxybenzone et son petit copain l’octocrylène ne se contentent pas de s’attaquer aux coraux. Ces molécules sont également toxiques pour certaines microalgues, poissons ou autres organismes marins. Sans parler des effets suspects sur la reproduction et le développement de certaines espèces. Bref, tout sauf une recette miracle pour un lagon en bonne santé.
Bon, histoire de nuancer un peu, Thibault Le Verge-Campion nous rappelle quand même que la plupart des études montrant des effets toxiques ont été réalisées en laboratoire, souvent avec des concentrations bien plus élevées que celles qu’on retrouve dans la nature. Du coup, le risque dépend surtout du contexte : dans les zones fermées et très fréquentées par les baigneurs, le danger est réel, mais dans les zones ouvertes et moins exposées, l’impact est clairement moindre.
“Certaines études suggèrent qu’une contamination aux UVFs pourrait « fragiliser » la santé des coraux, et de ce fait, les rendre moins résistants en cas de vague de chaleur.” – Thibault, qui préfère les coraux bien costauds
À l’échelle mondiale, les chiffres font froid dans le dos : sur les dix millions de tonnes de filtres UV produites chaque année, entre 6 000 et 14 000 tonnes finissent leur course à proximité des récifs coralliens. Pas cool… Autant dire que nos gestes quotidiens ont un sacré impact sur la santé des lagons.
Les études continuent de s’accumuler, mais ce qui est sûr, c’est qu’il vaut mieux prévenir que guérir en choisissant des solutions plus douces pour notre environnement. Et si protéger sa peau sans nuire aux coraux devenait enfin un réflexe ?

__
Bronzer sans faire la guerre aux coraux
Nous avons une bonne nouvelle pour vous : se protéger du soleil sans flinguer les coraux, c’est possible ! Il suffit d’adopter les bons réflexes et de faire un peu attention à ce qu’on étale sur sa peau. Ça fait quelques années que pas mal de marques se mobilisent pour proposer ce qui semble être le choix gagnant : les crèmes solaires “reef-safe” (“sans danger pour les récifs” pour les non-bilingues). Exit l’oxybenzone et l’octinoxate, ces produits utilisent des filtres minéraux comme l’oxyde de zinc ou le dioxyde de titane, bien moins agressifs pour les écosystèmes marins. En prime, ils forment une barrière physique sur la peau, efficace dès l’application.
Mais attention aux pièges marketing… Notre doctorant en écologie marine nous met en garde : toutes les crèmes estampillées “reef-safe” ne sont pas forcément irréprochables. En réalité, l’oxyde de zinc lui-même peut avoir des effets négatifs sur les coraux dans certaines conditions. Donc, pour être sûr de faire le bon choix, checkez bien la liste des ingrédients et privilégiez les crèmes qui évitent les UVFs toxiques. Conseil d’ami : un petit coup d’œil aux labels écolos peut aussi aider à s’y retrouver.
Et si on voulait faire un petit guide de bronzage écolo, on vous dirait : optez pour un bon lycra (promis, il en existe des stylés !) ; appliquez votre crème au moins vingt minutes avant de piquer une tête (attention, on dose sur la quantité !) et choisissez des formules biodégradables.
En fait, l’option la plus safe reste carrément de troquer la crème contre des vêtements anti-UV. Un bon lycra et un chapeau, et vous êtes parés pour profiter du soleil sans stresser les récifs.
“Finalement, pour se protéger et protéger les coraux, l’utilisation de vêtements anti-UV reste une bonne solution, associée à une utilisation raisonnée de produits de protection solaire ne contenant pas les filtres toxiques pour les coraux.” – Thibault, team lycra

__
Splash écolo !
Finalement, profiter du soleil sans flinguer ni sa peau ni les coraux, c’est juste une question de bon sens et de petits ajustements. Alors, la prochaine fois que vous préparez votre sac de plage, pensez à glisser une crème sympa pour notre lagon et un t-shirt anti-UV plutôt qu’un tube de crème blindé de filtres chimiques. Les coraux nous remercieront, et nous, on pourra continuer à plonger dans des eaux turquoise sans culpabiliser.
Alors, prêts à faire peau neuve niveau protection solaire ?
__