Après avoir rencontré Solène Devez, juriste spécialisée dans la pêche côtière et l’aquaculture au sein de la CPS et François Reguerre, commandant de l’Antea, on sort de Nouméa en direction de Kouaoua et c’est au tour d’Aimé, amoureux de la pêche, de se confier à la rédaction de NeOcean. Ainsi, confortablement installé dans son campement, ce calédonien nous raconte son histoire.

Timide mais toujours de bonne humeur, le sourire aux lèvres et le harpon à la main, Aimé ne rate jamais une occasion de faire plaisir à ses invités. Son objectif ? Tout faire pour que ses visiteurs vivent un moment inoubliable. Préparez-vous, Aimé nous parle de lui, rien que de lui – pour une fois…

Aimé
Aimé et Ivanna, tous les matins. Quelle vie ! © Angéline Petit

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Bonjour Aimé et bienvenu sur NeOcean. Peux-tu nous parler de toi et de ce lieu magnifique où nous sommes ? 

Bonjour Neocean, je m’appelle Aimé, je suis né à Nouméa mais je vis à Kouaoua depuis 44 ans ! Depuis que j’y ai mis les pieds je ne suis jamais reparti. Moi et ma femme, Ivanna, habitons le village mais nous avons aussi un campement isolé, accessible uniquement en bateau où nous vivons la plupart du temps. Nous avons voulu nous installer là, éloignés de tous, comme l’avait fait mon beau-père. Ici, tout était en friche ; nous avons passé du temps à débrousser, arracher, déplacer, ratisser, pour finir par avoir un campement digne de ce nom. Nous avons tout amené en bateau : tôles, tables, vaisselles, générateur, matelas… Aujourd’hui encore, il est en constante évolution, même après vingt-cinq ans ! Je suis fier de ce que nous avons construit de nos mains.

Aimé
Un campement tout confort ! © NeOcean

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Peux-tu nous parler de ton métier qui semble être une véritable passion ?

J’ai toujours été passionné par la pêche, c’est une activité que je faisais avec mon père et qui nous liait comme aucune autre activité aurait pu le faire. Seulement, à vingt-deux ans, après avoir fait l’armée, il fallait bien gagner sa vie. A Kouaoua, l’évidence est de travailler à la société minière : la SLN – le nickel. J’ai donc été conducteur d’engins de 124 tonnes pendant vingt-sept ans. J’aimais beaucoup conduire ce genre d’engin, je me sentais un peu comme un enfant dans des véhicules de géant. Cependant, il me manquait ce petit quelque chose…

Pêcheur
Awa le dawa ! © Angéline Petit

Alors, du jour au lendemain, j’ai démissionné pour me consacrer à la pêche. Il s’agit d’un métier difficile mais qui me rend tellement heureux. Les jours passent et ne se ressemblent pas. En effet, les poissons ne sont pas toujours au rendez-vous. Parfois, il m’arrive de rentrer bredouille, d’avoir gaspillé un plein d’essence pour finalement n’avoir rien à vendre. Pourtant, je ne regrette aucunement ma décision ! Lorsque je suis en apnée, au fond de l’eau, face à une patate, à attendre qu’un beau dawa passe, je suis serein. Dans ces moments-là, je me dis que pour rien au monde je ne retournerais à mon précédent métier.

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Tu passes le plus clair de ton temps les pieds dans l’eau, ton rapport à l’océan doit être très fort. Peux-tu nous en dire plus ?

Effectivement, je suis la plupart du temps dans l’eau et j’aime tellement ça ! Malheureusement, j’ai remarqué qu’il y avait de plus en plus de pollution et de moins en moins de poissons. On entend parler du réchauffement climatique et de la montée des eaux, certaines personnes ne s’en rendent pas compte mais, moi, je le vois ! Ça m’attriste énormément car j’ai l’impression qu’un jour, tout va disparaître… 

La mer est nourricière pour beaucoup de personnes, il faut en prendre soin. Pourtant, il y a beaucoup d’abus : surpêchepollution plastique… A l’îlot Mara, juste à côté, il y a tellement de plastiques qu’on pourrait monter une usine ! De plus, ici, il y a aussi des coulées de boue dues à la mine. Quand tu creuses dans ces coulées, tu peux retrouver des coraux : ce sont les anciens récifs qui ont été recouverts… Le milieu de vie des poissons est modifié alors ils s’éloignent. Pour continuer de profiter de notre trésor immergé, une prise de conscience est nécessaire. Je pense qu’elle arrive, doucement, mais sûrement. J’ai foi en la nouvelle génération qui semble vouloir agir, j’y crois !

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