L’évènement est unique sur notre Caillou et ô combien crucial pour l’économie bleue de la région. Ces assises de la mer sont organisées par le CMNC – le Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie – et par le gouvernement, par la voie de Christopher Gygès. Tous les acteurs du monde maritime se sont retrouvés à la Province Sud pour une première journée d’échanges. 

Aujourd’hui, les territoires d’outre-mer ont cette volonté de construire leur propre stratégie et de travailler sur une diversification économique – pour eux comme pour leur région. La liste des enjeux est longue : autonomie énergétique et alimentaire, transport, infrastructures… autant de sujets qui ont été abordés par quatre clusters maritimes français – la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie françaiseLa Réunion et Mayotte

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Construire et organiser pour mieux régner

Comment doter la Nouvelle-Calédonie d’outils et d’infrastructures qui puissent répondre à ses besoins mais aussi à ceux du Pacifique ? Telle est l’une des questions que se pose Philippe Darrason, le président du Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie. Force est de constater que notre territoire n’est pas seulement un caillou au milieu de l’océan ; il est aussi crucial pour le développement de la région. Position géographie idéale, zone maritime de plus d’un million de km2, ressources naturelles riches et variées… bref, les atouts ne manquent pas. Alors la volonté de beaucoup est de créer un véritable pôle maritime, avec des infrastructures modernes. Philippe Darrason cite en exemple des moyens de levage et de mise à sec des navires dignes de ce nom qui pourraient voir le jour à travers un pôle de maintenance. Selon lui, ce sont des outils essentiels pour développer l’économie maritime mais aussi pour attirer l’attention des autres pays insulaires de la région. 

Tirer profit de l’océan c’est bien, mais le faire en le préservant, c’est encore mieux. Alors le président du CMNC évoque également la volonté de créer un port scientifique, surtout lorsque l’on connaît l’attrait des flottes océanographiques et des scientifiques internationaux pour notre biodiversité marine. “Jusque-là on les accueille comme on peut. Sauf lorsqu’on est à quai, on n’a aucun moyen de leur apporter des services” explique Philippe Darrason. Il souhaiterait positionner la Nouvelle-Calédonie comme un point d’accueil scientifique essentiel, mais pour ça, il faut que la gouvernance soit commune. On sait aujourd’hui qu’entre les provinces, le gouvernement et les mairies, les compétences sont partagées ; et n’est pas toujours facile d’arriver à construire une stratégie maritime

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La mer : un garde-manger crucial pour l’autonomie alimentaire

Alors que les ressources terrestres deviennent de plus en plus rares de nos jours, le monde entier se concentre ces dernières années sur les ressources venues de nos océans. En Polynésie par exemple, après le tourisme, l’économie bleue a un potentiel de croissance incroyable. Entre l’exportation de perles et la pêche, la centaine d’îles de l’archipel est capitale pour développer une stratégie. Cette économie représente plus de 6000 emplois, la plupart concerne la pêche côtière ; une filière que nos voisins ont brillamment réussi à structurer. 

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La Nouvelle-Calédonie, Mayotte et Polynésie française.. en force ! © NeOcean

A Mayotte, a contrario, la pêche sonne comme une évidence mais n’est pas du tout à la hauteur selon le cluster local. Le parc maritime du territoire est immense et les ressources à exploiter sont nombreuses. Alors le Cluster Maritime de Mayotte, portée par Sittirati Mohamed, souhaite valoriser toutes ses richesses halieutiques. Pour atteindre ces objectifs, il faut d’abord structurer la filière pêche, car dans ce petit territoire de l’océan Indien, la pêche ancestrale – et artisanale- existe toujours. Problème ? Elle n’est pas tout à fait conforme avec les réglementations modernes, et les pêcheurs sont mécontents car ils ne peuvent pas exercer correctement leur métier. En parallèle, la population augmente – bientôt 500 000 habitants – et les besoins qui vont avec augmentent eux aussi. Depuis vingt ans, le ratio n’a pas changé : 16 kg de poissons par habitant !

“Aujourd’hui, tout ne peut pas venir de l’extérieur donc il faut moderniser la pêche sur notre territoire et pour ça, il faut avoir des bateaux qui répondent aux critères de la réglementation française.”

Sittirati Mohamed, Cluster Maritime de Mayotte

Pour le Cluster, c’est un travail de constante médiation, et ce tous les jours. L’autre enjeu de taille pour Mayotte mais aussi pour les autres territoires français de l’axe Indopacifique : la formation des jeunes. 

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Sur les bancs de l’école 

Si on en croit l’ambition de tous, demain, les postes à pourvoir dans le secteur de la mer seront conséquents. Malheureusement, ils ne pourront pas aboutir s’il n’existe pas de formations solides dans le domaine. Pour Philippe Darrason, en Nouvelle-Calédonie, “on a parfois des beaux outils et des beaux plateaux techniques mais on ne peut pas les utiliser par manque de personnels.” Il aimerait trouver une logique d’organisation dans tout ça et “clairement la Nouvelle-Calédonie souffre de personnes formées.” Le président du Cluster évoque alors la possibilité de travailler avec la Polynésie française, qui rencontre elle aussi les mêmes contraintes, pour créer des outils communs à la formation. 

Une proposition qui fait réagir Stéphane Renard, le co-fondateur et coordinateur du Cluster Maritime de Polynésie française, car chez lui, dit-il “on n’est pas bons en formation depuis plus d’une décennie.” A l’heure où l’on parle d’innovations, de puissances militaires françaises dans le Pacifique, les exigences se sont empilées sans s’inquiéter des capacités de formations des territoires. 

“On en arrive à un point où on écarte les populations d’origines de ces territoires, de ces métiers parce qu’ils n’ont pas les moyens et les possibilités de devenir marin professionnel. On force alors nos armateurs à aller chercher des marins ailleurs.”   

Stéphane Renard, le coordinateur du Cluster maritime de Polynésie française.

Dans cette problématique de formation, les bons élèves en revanche, sont Mayotte et La Réunion. Dans ces territoires, le sujet de la mer est à la mode. D’ici 2026, un lycée dédié devrait ouvrir à Mayotte ; même chose pour 2027 à La Réunion, où il existe déjà une école dapprentissage maritime. Pour les représentants des quatre clusters, il faut en tout cas attirer les jeunes dans les filets du maritime, en les acculturant dès leur plus jeune âge. Pour la Nouvelle-Calédonie, le dossier semble être sur la table, encore faut-il trouver des formateurs. 

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Ohé, ohé matelooot ! © Ecole d’apprentissage maritime de La Réunion

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