À 47 ans, Soizic Fleury, originaire de Bretagne, incarne une histoire maritime singulière. Son prénom, signifiant “petite Françoise” en breton, ne présageait pas de cette vie riche en aventures loin de la France. Vous la connaissez surement pour ses ateliers La Fresque Océane et son engagement pour la préservation de l’océan. Nous sommes allés la rencontrer, une fois n’est pas coutume, à terre. Après quinze ans à naviguer tout autour du globe, elle a décidé de poser pied à terre sur le Caillou. 

Loin des clichés de la vie côtière, Soizic nous raconte comment elle a forgé son lien avec le grand bleu. Elle raconte, avec un sourire malicieux, cette anecdote de la fois où ses parents se sont échoués lors d’une grande marée en Bretagne – un avant-goût des péripéties à venir… Son amour pour la mer n’était pas une évidence, mais plutôt un murmure croissant, comme une brise qui se transforme en tempête. C’est à cœur ouvert que Soizic nous conte les chapitres de son odyssée maritime. Toutes voiles dehors !  

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Soizic, de la vie parisienne à la conquête des Océans 

Soizic a passé près de quinze ans sur un bateau. Quand on connait son engagement pour la mer aujourd’hui, on a du mal à la croire quand elle nous dit que l’océan n’était pas quelque chose d’innée dans sa vie d’enfant. Élevée loin du littoral, il n’était pourtant pas au centre de son univers. C’est au collège, lors de stages d’optimist, que sa passion pour la mer commence à éclore. Si elle aime l’univers de la voile, c’est surtout un goût prononcé pour l’aventure qui grandit en elle.  

Sa rencontre avec Matthieu, son futur mari partageant le même engouement pour la voile, marque un tournant. Leur premier week-end ensemble les mène à Dunkerque, en quête de l’océan. Cette attirance vers la mer, bien qu’inexplicable, devient une constante dans leur vie. Après des études et une carrière naissante à Paris, le couple nourrit le rêve d’un tour du monde en voilier

Les premières années de leur vie commune sont rythmées par des navigations le week-end. Leur projet prend forme lorsqu’ils achètent un monocoque de 1964 à Golfe Juan. Après huit mois de rénovation en Bretagne, ils lèvent l’ancre en août 2003, envisageant un périple de trois ans : mais c’était sans compter l’amour de l’aventure et l’appel de la mer… 

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Un voyage semé d’imprévus et de belles surprises  

Soizic est plutôt du genre organisée : programme, escales, visas, vaccins, saisonnalité… Tout est prévu. Pourtant, leur voyage, bien loin de leur itinéraire initial, les mène dans tous les pays de l’arc caraïbéen, au mépris des réalités politiques et des timing fixés. Leur escale à Haïti les marque particulièrement, période troublée avec le départ de l’ancien président, Jean-Bertrand Aristide. Après un mois d’escale forcé, ils reprennent la mer, visitent l’Amérique centrale et entament la traversée du Canal de Panama

Soizic
Les navires gigantesques du Canal de Panama © SF

Malheur ! Une avarie moteur aux Galapagos les stoppe net dans leur avancée du Pacifique. Les choses se bousculent : retour à Panama pendant plusieurs mois et achat d’un nouveau moteur. Ces imprévus forgent leur adaptabilité à toutes les situations. Ils reprennent le cap avec pour horizon, le Pacifique. C’est en arrivant aux Tuamotu que Soizic apprend sa grossesse. Voilà deux ans et demi qu’ils ont levé l’ancre de Bretagne et cette surprise confirme le peu de chance d’une fin de voyage dans six mois. 

Enceinte de leur premier enfant, c’est à Tahiti qu’ils s’installent et qu’ils fondent Iaora Net, une entreprise de wifi sur la Marina principale. Leur succès les conduit à étendre leur réseau sur toute la Polynésie française. Avec la naissance de leur deuxième enfant un an et demi plus tard, leur bateau devient exigu. Pourtant, l’envie de voyager à bord de leur maison flottante reste plus forte que jamais, surtout après cinq ans à l’amarrage. Ils décident alors de repartir, vendant tout pour une nouvelle aventure sur les flots

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L’école de la vie  

Nous sommes en 2010. Cela fait déjà sept années passées loin de la France. Ils décident de rejoindre l’Hexagone pour entamer un nouveau projet : faire construire le bateau de leurs rêves et c’est finalement en Inde que ce rêve va les mener. Ils achètent les plans d’un catamaran Looping 50, signent le contrat avec un constructeur naval à Pondichéry et décident, pendant la construction, d’acheter un autre bateau à Saint-Martin et de l’acheminer vers l’Australie. Soizic accouche de son troisième enfant à Panama et c’est à cinq qu’ils font la traversée du Pacifique. Une première pour les enfants, une deuxième pour les parents ! 

Après quelques escales dans les eaux turquoise du Pacifique, la famille s’envole pour Pondichéry. “Petite” déconvenue : le chantier – qui devait durer dix-mois – a pris beaucoup de retard. Leur séjour “forcé” s’étend à deux ans, enrichi d’expériences culturelles et spirituelles. Quarante-cinq mois après, ils ont enfin la maison flottante de leur rêve et larguent à nouveau les amarres pour voguer vers d’autres contrées. 

Soizic
Découverte de Misool au Rajat Ampat en Indonésie © SF

Direction l’Asie du Sud-Est qu’ils n’ont que très peu arpentée. L’école à bord s’organise et les apprentissages s’envisagent davantage comme une aventure éducative loin du théorique des salles de classe. Tout se prête à de nouvelles connaissances : le monde est un terrain de jeu sans frontières, une leçon vivante de cultures et de langues, faisant de chaque escale une nouvelle page de leur éducation hors du commun. Trois ans s’écoulent à nouveau à tout allure mais Soizic commence à s’essouffler…  

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L’ancrage en Nouvelle-Calédonie  

Après quatorze ans de virevoltes maritimes depuis la Bretagne, Soizic commence à sentir l’appel d’une autre aventure. “Peut-être qu’il est temps de jeter l’ancre pour de bon” glisse-t-elle à Matthieu. Les Philippines, avec leur charme envoûtant, lui donnent l’idée de créer une école alternative. Mais avec l’ascension politique de Duterte, leur rêve philippin prend l’eau. Alors, cap sur la Nouvelle-Calédonie ! Une fois arrivés, ils décident de vendre leur fidèle bateau, les yeux déjà tournés vers de nouvelles opportunités sur cette terre d’accueil. 

Soizic
Le lagon, lieu de vie préféré de la petite famille © SF

L’aventure maritime continue à terre pour Soizic – mais toujours à bord de sa maison flottante ! Confrontée depuis le début de son voyage à la pollution plastique dans les océans, elle réalise qu’elle a aussi un rôle à jouer pour sa préservation. « Et si je devenais gardienne de la mer ? », pense-t-elle. C’est ainsi que naît « Merveille », son entreprise dédiée à la cause marine. Sa première victoire ? Le pavillon bleu pour le port Brunelet avec la SODEMO.  

Rencontres après rencontres, Soizic tisse son réseau en Calédonie et enrichit son expérience tout en consolidant son engagement pour l’océan. Entre formations en communication digitale et intelligence collective, elle façonne pas à pas son nouveau chapitre, toujours à l’écoute des gens et des vagues, inspirée par les leçons de son incroyable voyage. Aujourd’hui animatrice de la Fresque Océane, elle a l’optimisme comme ADN. « La suite est à construire » nous glisse-t-elle à la fin de notre échange. Une sacrée rencontre et une histoire de vie qui nous a fait voyager aux quatre coins du monde !  

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Retrouvez les détails de cette magnifique odyssée ici : https://www.atoursdumonde.com/