Hier soir, la rédac’ est partie au large… enfin, presque. On s’est retrouvés à l’Université de la Nouvelle-Calédonie pour une soirée en compagnie de Matthieu Juncker, un aventurier qui, lui, a vraiment passé 240 jours seul sur un atoll des Tuamotu. Et c’est avec 240% d’humilité et des émotions à fleur de peau, qu’il nous a partagé son expérience, à peine un mois après son retour.

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Ki mua ki te kōpape – À contre-courant

Seul, face à l’immensité du Pacifique, sur un bout de corail perdu au milieu de nulle part. Pas de Wi-Fi, pas de voisins, pas de supermarché. C’est le défi fou que s’est lancé Matthieu Juncker, explorateur et aventurier, pour 240 jours d’isolement total sur un atoll des Tuamotu. Pourquoi ? Pour aller à contre-courant d’un monde qui va trop vite, revenir à l’essentiel, se confronter à lui-même et à la nature dans sa forme la plus brute. Un voyage pour se recentrer, se tester et surtout renouer avec l’émerveillement. 

“Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même.” – Matthieu, inspiré de Nicolas Bouvier

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En mode « Lost » mais sans les autres survivants © Matthieu Juncker

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Préparer l’imprévisible

Mais s’isoler sur un atoll, ce n’est pas juste une question de volonté. C’est une sacrée aventure logistique, physique et mentale, où l’imprévu est la seule certitude. Loin de tout, sans secours immédiat, avec une météo qui peut changer à la vitesse de l’éclair et une gestion de la nourriture à 240% autonome. Il l’avait bien compris, il devait être prêt à tout, tout le temps. 

Avant de partir, il a dû apprendre pas mal de choses que l’on ne trouve pas forcément dans un manuel de survie classique. Capturer des rats, manipuler du matériel scientifique, s’auto-suturer en cas de bobo. Côté matériel, une tonne sept d’équipement l’accompagnait, non pas par excès de prudence, mais par nécessité : toujours avoir une solution de secours, que ce soit pour l’eau, le feu ou les outils.

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Témoignage d’un Robinson 

Après ces explications, place aux images. On a eu le droit a un aperçu direct de son quotidien hors du commun sur l’atoll : la cabane qu’il s’est bricolée, ses sessions de pêche, le suivi des titis… Micro en main, Matthieu reprend la parole pour un retour d’expérience.

L’aventure, c’est d’abord vivre un rêve d’enfant pour lui : jouer les Robinsons, pêcher son poisson, le cuire au feu de bois. Il y a aussi un vrai travail scientifique et de conservation derrière ce projet. Étudier l’atoll, comprendre ses fragilités et proposer des recommandations pour mieux le protéger.

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Mimi ce Titi © Matthieu Juncker

Le titi a été l’un des personnages principaux de son étude. Il a suivi l’évolution et les menaces qui pèsent sur cet oiseau minuscule au caractère bien trempé, de son vrai nom « chevalier des Tuamotu ».

« Il pèse quarante grammes, mesure dix-sept centimètres, et pourtant, il n’hésite pas à vous faire comprendre que vous êtes sur son territoire. » – Matthieu, en terre inconnue

Et puis, il y a les résultats. Matthieu nous a livré son bilan scientifique avec, entre autres, des constats sur l’état du récif, le blanchissement des coraux, la menace des canicules sous-marines, l’érosion et l’évolution de la population du titi.

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Un projet solitaire mais solidaire

Ce qui le touche le plus, c’est de pouvoir partager son expérience personnelle. Au-delà de la science, il parle d’un retour à soi, d’une communion avec la nature.

« L’exploration sans témoignage ne vaut pas le déplacement. Si on ne partage pas ce qu’on a vécu, ça ne sert à rien. C’est pour ça que je suis là ce soir. » – Matthieu, témoin du bout du monde

Car si cette aventure était solitaire, elle n’a jamais été égoïste. C’est ainsi qu’il conclut, avec humilité, en annonçant la renaissance d’une association tombée en désuétude, aujourd’hui dédiée à la protection de cet atoll et d’un atoll voisin. Pour les absents hier soir, la conférence a été enregistrée. Bientôt, chacun pourra partir au large, sur un atoll au milieu du Pacifique… sur YouTube.

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