En province Nord, sur la côte ouest, 17 îlots ont été identifiés allant de Kaala-Gomen à Poum, en passant notamment par Koumac. Même si les Calédoniens adorent y jeter l’ancre pour le week-end, ces espaces sont aussi des lieux de nidification privilégiés pour de nombreux oiseaux marins. Sternes néréis, diamant, dougale ou encore pétrels, ces espèces sont très fragiles et doivent être préservées.
Elles sont soumises à des perturbations d’origine humaine, animale mais aussi environnementale. Alors le projet SARA – Sauvegarde, restauration et adaptation des colonies d’oiseaux marins et des services écosystémiques associés – a débuté en avril de cette année. Il est porté par la Province Nord et co-financé par l’initiative Kiwa.
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Les oiseaux, victimes de l’Homme, des rongeurs et de la nature
En province Nord, c’est Malik Oedin, chargé de la conservation de la faune sauvage et son équipe qui sont chargés de mener à bien ce projet en collaboration avec les associations environnementales sous la supervision scientifique de l’IRD. « On va lutter contre les espèces envahissantes, type rats et souris mais aussi les figuiers de Barbarie » explique-t-il. Les professionnels sont sur tous les fronts pour protéger l’habitat des oiseaux marins. Les menaces viennent aussi bien de l’homme que de la nature elle-même. Des opérations de dératisation ont notamment été menées sur les îlots. L’îlot Deverd, près de Kaala-Gomen était le dernier où les rongeurs, qui souvent mangent les œufs et les poussins, ont été éliminés.
Sur les îlots, se trouvent bien souvent des figuiers de Barbarie aussi appelés « cactus-raquette. » Ils sont implantés là où les oiseaux marins sont supposés se reproduire, alors s’il manque de la place, ils ne peuvent pas y faire leurs nids. « On va mener des campagnes d’arrachage sur trois îlots pilotes pour pouvoir vérifier que notre méthodologie fonctionne » explique Malik.
L’Homme reste aussi une menace importante, alors il faut gérer la fréquentation des îlots. D’avril à septembre par exemple, des drapeaux sont installés en période de nidification, pour interdire l’accès aux îlots où les sternes néréis se reproduisent. Des filets orange délimitent aussi les zones sensibles. D’après Malik, il suffit parfois d’une seule personne pour tout perturber. La sterne néréis, endémique au territoire, a une population estimée à seulement 400 individus.
Les gens qui viennent sur l’îlot, qui font un feu ou qui amènent leur chien, dérangent la colonie. Les adultes vont s’envoler et l’œuf ne peut pas survivre longtemps. Ce sont des espèces vraiment sensibles.
Malik, super-héros des îlots
Si les oiseaux marins tendent à disparaître des côtes avec l’urbanisation, les îlots sont de véritables zones refuges et « c’est pour ça qu’on incite sur le fait de concilier fréquentation et préservation. »
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Miroir, mon beau miroir
Le projet SARA s’attèle aussi à stimuler l’environnement de ces oiseaux marins, notamment en y installant des dispositifs d’attractions peu communs. La vision peut être drôle et pourtant elle est vitale pour l’espèce : des sternes en plâtre peintes aux couleurs de l’espèce ciblée. Elles sont ensuite placées là où elles sont en sécurité, protégées de la marée et à l’intérieur des filets ou sur des îlots avec des mâts interdisant l’accès. Des miroirs sont également disposés et ce n’est pas pour se regarder le plumage.
« Quand les sternes vont survoler la zone, il y a aura un effet de masse avec les sternes en plâtre et quand elles vont se poser, il y aura un effet de mouvement avec les dispositifs de miroirs. Elles vont penser qu’il y a d’autres oiseaux ce qui devrait les inviter à se reproduire sur ces sites sécurisés et attractifs. » Cette méthode a déjà été mise en place sur Desecheo Island, à Porto Rico.
Les puffins, pétrels et les océanite sont connues pour creuser des terriers dans le sable et y enfouir leurs œufs. D’octobre à avril, l’Homme peut marcher sur les terriers sans le savoir et ces derniers peuvent s’effondrer. Les équipes vont donc créer des terriers artificiels sur des sites sécurisés et y mettre des leurres sonores pour permettre aux colonies de se reproduire en toute quiétude. « C’est une attraction acoustique. On va diffuser des enregistrements pour attirer celles qui seraient dans les parages. »
Outre les menaces d’origine humaine et animale, il ne faut pas oublier la menace naturelle. « On aimerait mettre des indicateurs sur cette problématique de montée des eaux, pour pouvoir prédire l’évolution de ces îlots afin de fixer les colonies sur les zones les moins à risques pour travailler sur le long terme. » De plus, les scientifiques ont découvert que les excréments des oiseaux marins servent d’engrais pour la végétation des îlots mais aussi pour la croissance du corail et des récifs coralliens. « C’est particulièrement important à l’heure où l’on parle de changement climatique, d’avoir une végétation et un récif en bonne santé. »
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La population au chevet des oiseaux marins
Le projet SARA a également à cœur d’intégrer les populations du Nord. Les équipes de la Province travaillent conjointement avec l’association Nixumwââk environnement, basée à Koumac. « On organise aussi des réunions auprès de la population, des mairies et des autorités coutumières pour expliquer le projet et voir quelles actions participatives on pourrait faire pour les impliquer dans le projet. »
L’idée derrière tout ça : que le travail ne s’arrête pas en 2025, date de fin du projet SARA. La province Nord travaille avec les établissements scolaires pour les faire participer au projet avec une ou deux classes pilotes sur le terrain. Malik est d’ailleurs chargé d’identifier des acteurs de la réinsertion et de la jeunesse.
Sensibiliser c’est bien, mais il ne faut pas oublier le volet formation. SARA prévoit de former les agents de la Province nord, des autres provinces et des associations environnementales, sur les solutions fondées sur la nature. « Tout n’est pas encore mis en place mais l’idée c’est d’avoir une synergie, pour agir correctement dans le respect de la réglementation » conclut Malik Oedin.
En clair, ce projet doit servir de tremplin pour que d’autres puissent voir le jour pour mener des travaux ailleurs qu’en province Nord.
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