Madame Pluie s’invite un jour, puis Monsieur Soleil apparaît pour réchauffer les cœurs et, dans le même temps, le dieu Éole fait des siennes avec ses alizés… Un tourbillon de chaleur, de fraîcheur, le tout arrosé de pluie et de vent. C’est à n’y rien comprendre même si nous avons déjà notre petite idée sur le phénomène « E qué s’apeleriá » : El Niño.

© Météo France

Ce Mardi 5 septembre, Thomas Abinun, ingénieur chargé d’études météo et climat chez METEO FRANCE, a dressé un état des lieux météorologique de l’année 2023 et, devinez qui s’invite ? El Niño, bien évidemment ! Sécheresse, inondations, vents, augmentation des températures du lagon… On vous explique ce qu’est ce phénomène et les conséquences sur les conditions météorologiques et climatiques de cet enfant terrible.

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El Niño, le “petit garçon” : qui es-tu ?

Pour la petite histoire, ce phénomène climatique est traduit par « le petit garçon » en référence à « El Niño de Navidad », “l’enfant Jésus”, en espagnol. Cette référence provient du fait que ce sont les pêcheurs péruviens qui ont remarqué en premier le réchauffement des eaux qui perturbait leur activité. En temps normal, dans l’Océan Pacifique, les alizés soufflent d’Est en Ouest. Les eaux chaudes sont donc poussées vers l’Ouest et les précipitations sont, normalement, régulières et conformes à la normale. 

Mais, quand débarque le phénomène “El Niño“, une inversion des alizés se produit alors. Thomas Abinun a ainsi défini El Niño par “un affaiblissement / renversement des alizés équatoriaux et par un déplacement des masses d’eau chaudes équatoriales vers l’Est“. En toute normalité, le “petit garçon” s’installe en juillet, août et septembre, à la fin de l’hiver austral, puis atteint son pic d’intensité en novembre, décembre et janvier avant de s’affaiblir et de finalement disparaître en mars, avril, mai de l’année suivante.

El Niño
Mauvaise direction pour le petit garçon qui file un mauvais coton ! © METEO FRANCE

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Températures, précipitations : les conséquences d’un petit garçon capricieux…

El Niño
Évolution des anomalies de températures maximales et de minimales en Nouvelle-Calédonie, lors des 14 épisodes El Niño modérés ou forts passés entre 1955 et 2022 © METEO FRANCE

Qu’il soit modéré ou fort en Nouvelle Calédonie, le phénomène climatique El Niño a de toute évidence des conséquences sur les températures. Celles-ci sont plus fraîches que la normale avant et pendant l’épisode El Niño : de l’ordre de – 0,5°C en journée et de -1,0°C la nuit. Et c’est en milieu d’année, après l’épisode El Niño, que les températures sont plus élevées que la normale : de l’ordre de +0,5°C en journée et de moindre ampleur la nuit. Côté précipitations, on observe une diminution entre septembre et mai et un maximum de déficit, de l’ordre de -35 %, entre octobre et mars.

Le risque de sécheresse est donc accru de septembre à décembre, dernier mois de l’année marqué par le retour des pluies de la saison humide. A noter aussi que cette sécheresse peut démarrer, selon les années, dès le mois de mai qui précède la venue du phénomène El Niño. Conséquence inévitable de cette sécheresse pour les ressources en eau impactées par ce renforcement du vent sec dû aux alizés plus fréquents. Et sans surprise, un risque d’incendie démultiplié. 

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Entre mai et août, un constat météo frisquette et un peu humide

Nos nuits ont été fraîches ces derniers temps, – 1,8°C en juin et – 1,2°C en août en moyenne, et trois records de froids ont été battus ! Et les gagnants sont ?

  • La Roche avec 5,9°C le 27 juin 
  • Rivière Blanche avec 7,4°C le 16 août 
  • Phare Amédée avec 14,2°C le 19 août 

Pour le côté “mouillé”, entre mai et juillet, moins de 30 mm de précipitations ont été enregistrées en moyenne mensuelle, soit un déficit de 74 % par rapport aux années précédentes. Il s’agit du deuxième trimestre le plus sec depuis le début des mesures débutées en 1955. Ce sont la côte Est et le Sud de la Grande-Terre qui ont été abondamment arrosés. Malheureusement, les pluies du mois d’août n’ont pas suffit à combler le déficit du trimestre passé.

El Niño
Où c’est qu’il pleut le plus en Calédonie ? © METEO FRANCE

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Quid de la Nouvelle-Calédonie pour la fin d’année ?

Pleuvra-t-il demain ? METEO FRANCE nous annonce une fin d’année 2023 et un début de la saison chaude 2023-2024 avec un déficit de pluies de l’ordre de – 40 %. La sécheresse qui a démarré́ depuis mai devrait donc se poursuivre et s’intensifier jusqu’en novembre. Et entre le chaud et le froid dû au changement climatique« aucun scénario préférentiel ne se démarque pour les mois à venir concernant les températures », annonce Thomas ABINUN. Chose certaine, d’ici la fin d’année, le nouvel épisode El Niño va atteindre une intensité modérée ou forte et son déclin est prévu à partir de début 2024.

Les variations de température de l’océan auront également des conséquences sur le phénomène El Niño en Nouvelle-Calédonie, comme partout ailleurs. Au niveau planétaire, tous les climatologues ont constaté les augmentations de température des mers. Force est de constater que le climat change… Et dans toute cette histoire, c’est un “petit garçon” bien capricieux qui nous joue et nous jouera encore des tours !

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