Après dix jours de navigation scientifique au large de Lifou, le navire océanographique Antea est revenu à quai. À son bord, une équipe de chercheurs bien décidée à percer les secrets de la résilience corallienne dans le Pacifique Sud. Cette mission, menée dans le cadre des projets de recherche MaHeWa et Boost, financés par l’ANR et France 2030, s’inscrit dans une dynamique plus large ; celle de la création d’une ferme corallienne pédagogique sur l’île de Lifou. Un projet ambitieux qui marie innovation scientifique, sensibilisation et développement local.
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Mission sauver les récifs
Les récifs coralliens sont les joyaux fragiles des océans. À l’échelle mondiale, ils font face à une crise sans précédent. Et la Nouvelle-Calédonie, pourtant riche de lagons classés à l’UNESCO, n’échappe pas à cette tendance inquiétante. Tourisme de croisière, réchauffement climatique, blanchissement massif… À ce rythme, c’est entre 70 à 90 % des récifs qui pourraient disparaître d’ici 2050.
Face à l’urgence, la Province des Îles Loyauté, accompagnée par Biocénose Marine, a lancé un projet de ferme corallienne pédagogique, avec le soutien du programme Territoires d’Innovation (France 2030). Basée sur les sites de Easo et Enu, cette ferme a plusieurs casquettes. Produire des colonies coralliennes pour restaurer les récifs endommagés, accueillir le public pour des visites immersives, impliquer directement la population locale et tester de nouvelles méthodes de restauration récifale.


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L’Antea à la rescousse
La ferme corallienne est directement intégrée aux projets MaHeWa et Boost en tant que solution innovante pour tester des méthodes de restauration. C’est dans ce contexte que l’Antea, navire océanographique de la flotte française, a mis le cap sur Lifou du 20 au 29 mars 2025.


Cette mission visait à comprendre pourquoi certains coraux résistent mieux que d’autres aux canicules marines et comment améliorer leur survie. Pour ce faire, les scientifiques ont mené des prélèvements sur plusieurs sites de l’île (Baie du Santal, Cap Aimé Martin, Baie de Chateaubriand) à la recherche de coraux et de plancton.


Deux axes de recherche étaient au programme. Premièrement, dans le cadre de MaHeWa, la cartographie de la tolérance thermique de coraux, en identifiant les individus les plus costauds grâce à des marqueurs génétiques et physiologiques. Concernant Boost, il s’agissait de tester une hypothèse originale : et si l’alimentation des coraux influençait leur resistance au stress thermique ? Pour répondre à cela, des coraux ont été nourris et soumis à différents niveaux de stress dans les laboratoires de l’Antea.
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Des coraux costauds
Les résultats de ces recherches pourraient bien jouer un rôle clé dans la suite du projet. Les coraux les plus thermorésistants seront cultivés dans les structures sous-marines de la ferme, puis boostés à l’aide de plancton soigneusement sélectionné pour améliorer leur survie dans le milieu naturel.


Mais la ferme ne s’arrête pas à la science, elle a aussi une mission de sensibilisation, en présentant ces avancées aux scolaires, habitants et visiteurs curieux. Les coraux deviendront ainsi les stars d’une pédagogie nouvelle génération, où l’on apprend à connaître (et à protéger) les récifs, masque sur le nez ou pieds dans le sable.
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Agir local, penser durable
Ce projet de ferme corallienne n’est pas qu’un laboratoire en plein lagon, c’est aussi un moteur pour l’économie locale. En impliquant le grand public dans la culture des coraux, en créant de l’emploi et en valorisant le patrimoine naturel des Îles Loyauté, il mise sur un modèle durable, collaboratif et ancré dans le territoire.
Un récif ne se reconstruit pas en un jour. Mais à Lifou, on prépare déjà l’avenir. Et l’Antea, en éclaireur des profondeurs, vient d’en tracer les premières lignes.
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