C’est dans l’un des antres de l’accastillage calédonien que nous avons rencontré François Papin, un des vendeurs-techniciens de Speed Marine. Accompagné de sa chienne Sira, François termine sa pause-café avec nous et nous raconte son parcours, son métier et ses projets.
En effet, à l’heure où vous lisez ses lignes, François s’est envolé vers les Caraïbes où il se prépare pour un long voyage. C’est avec beaucoup de sérénité qu’il partage ses plus beaux moments en mer et qu’il entre dans les détails de son futur périple. Quelque chose nous dit que vous entendrez bientôt parler de lui…
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Salut François, pas trop dans le « speed » pour tes derniers jours chez Speed Marine ?
Salut NeOcean. Un peu dans le « speed » oui ! Je dois traiter mes derniers dossiers pour ne pas laisser trop de choses aux collègues après mon départ.
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Peux-tu nous expliquer ton parcours et ton rôle chez Speed Marine ?
Cela fait treize ans que je suis en Nouvelle-Calédonie et neuf ans que je travaille chez Speed Marine. J’occupe un poste de technicien-vendeur : concrètement, j’interviens dans le magasin, je conseille les clients sur les produits, sur la manière de les utiliser, de les appliquer et tout autre geste technique… Je suis devenu vendeur en entrant dans l’entreprise mais je suis plutôt technicien de formation.
Je travaille dans le domaine nautique depuis très longtemps. J’ai obtenu un DUT mécanique et j’ai ensuite travaillé dans l’industrie pendant plus de six ans. Puis, j’ai suivi une formation de charpentier de marine pour me rapprocher de ma passion : le bateau. À la suite de ça, nous avons décidé de prendre le large avec ma (future) femme. Nous sommes partis de Bretagne, nous avons longé les côtes françaises, espagnoles, portugaises et africaines avant de nous lancer dans la traversée de l’Atlantique vers le Brésil. Nous sommes restés six mois au Brésil avant de remonter vers les Antilles. En tout, nous avons navigué pendant deux ans ! Une sorte de pré-retraite à 30 ans : sympa non ?
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Tu pars bientôt du territoire : est-ce que tu peux nous révéler ta destination et les raisons qui te poussent à t’exiler du plus beau lagon du monde ?
Dans la nuit du dimanche 5 mars au lundi 6 mars, je m’envole pour la Guadeloupe pour une nouvelle aventure ! Je vais chercher le bateau de mes parents pour le ramener en Nouvelle-Calédonie. Ils approchent aujourd’hui des 80 ans et comme ils ne voyagent plus dessus, ils se sont posés la question de revendre Gateway. Quand j’ai su que c’était une option, j’ai décidé de le reprendre. Ce bateau a une histoire, je veux qu’elle continue !
Mes parents ont ce bateau depuis vingt-cinq ans et ils ont fait le tour du monde avec de 1998 à 2011. Vous pouvez d’ailleurs encore suivre leur périple sur leur blog. Ils publiaient régulièrement photographies d’escales, anecdotes et mêmes recettes de cuisine, comme un vrai journal de bord ! Je suis heureux de savoir que ce bateau a encore de beaux jours de navigation devant lui.
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Fais rêver nos lecteurs : peux-tu partager les étapes de ton aventure ?
Mon frère et moi avons les étapes dans les grandes lignes ! Nous faisons la traversée ensemble avec une amie de métropole qui nous accompagne sur la première partie du voyage.
Nous allons hisser les voiles aux alentours du 15 avril, direction le Canal de Panama. A priori, et si la météo le permet, nous ne ferons pas d’escale. C’est à peu près deux semaines de navigation donc nous y serons pour fin avril. Le passage du Canal en lui-même va peut-être prendre du temps aussi, le voilier va passer en même temps que les gros porte-conteneurs dans les écluses. Dans tous les cas, nous espérons être dans l’océan Pacifique à la mi-mai.
À ce moment-là, nous nous retrouvons entre frères sur le bateau. Dans l’idéal, nous envisageons les Galapagos comme escale mais le visa étant très cher, c’est possible qu’on y renonce. En revanche, nous sommes certains de faire une étape aux Marquises. Dans l’éventualité où nous ne nous arrêterions pas aux Galapagos, il y a quarante jours de navigation : c’est la partie la plus longue de notre périple. Si tout se passe bien, nous y serons dans les derniers jours de juin. Ce sera sans doute une escale de quelques jours afin de nous reposer et réapprovisionner le bateau.
Puis, cap sur les îles Tuamotu. J’en rêve depuis mon premier voyage, c’est une sorte d’accomplissement pour moi d’y aller ! Même si nous ne ferons pas une longue escale, l’objectif est tout de même de s’arrêter sur quelques îles. Nous rejoignons ensuite la Polynésie française et l’île de Tahiti. Un de mes fils et ma femme m’y rejoignent au début du mois d’août. Dernier tronçon : Tahiti-Nouméa. Je ne sais pas encore si nous ferons des escales, cela dépendra surtout du temps disponible. Je dois reprendre mon poste chez Speed-Marine au début du mois d’octobre !
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Parle-nous de ton navire, Gateway : marque, modèle, année, taille… On veut tout savoir sur ta future maison flottante.
C’est un voilier monocoque en acier Atlantis 400, fabriqué en 1989, dans un chantier en Normandie. Il fait un peu plus de 12 mètres. C’est un bateau de voyage, plutôt confortable mais lourd, donc pas forcément le plus rapide. Mais il est taillé pour la haute mer.
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Comment se prépare-t-on à ce type de périple ? Est-ce qu’il faut un état d’esprit et des compétences particulières ?
Je dirais qu’il faut connaître le monde du bateau, que ce soit au niveau de l’accastillage ou au niveau de la navigation ! J’ai déjà rencontré des personnes qui n’étaient pas vraiment marins et qui se sont lancés quand même. Il n’y a donc rien de figé : tout le monde peut apprendre sur le tas. Il faut avoir les bons réflexes pendant les traversées puisque, quand on navigue en haute mer, il n’y a rien à des miles à la ronde…
Le tout est donc de bien se préparer. Avant de partir, il faut calculer son autonomie en eau, en énergie et en nourriture. Il y a aussi un volet « sécurité » qu’il faut avoir en tête. Naviguer en haute mer comporte aussi des risques, il faut se préparer à toute éventualité, notamment celle de quitter le bateau en cas de problème. Ça fait partie du jeu, mais ça en vaut la chandelle !
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Est-ce qu’il ne faut pas être maso pour entreprendre un si long voyage en mer ? Tu as déjà fait un aussi long trip ?
Je pense qu’il faut l’avoir vécu pour se rendre compte à quel point c’est merveilleux ! Le voyage que j’ai fait il y a 20 ans reste le grand « truc » de ma vie. Et je suis très heureux de recommencer ; c’est une sensation incroyable et l’excitation est à son maximum. Niveau caractère, il est clair qu’il faut avoir un caractère un peu contemplatif… En mer, tu peux ne croiser personne pendant des jours !
Quand on navigue, on se sent proche de la nature et en même temps tout petit. On se rend compte que l’homme ne représente pas grand-chose dans cette immensité et qu’il peut vite être mis dans des situations dangereuses. Je ne dis pas qu’il faut craindre la mer non plus, la plupart du temps tout se passe très bien ! La tempête est d’ailleurs la « peur » qui revient le plus souvent : il y a une sorte de « fantasme » qui sort des films et qui est finalement loin de la réalité.
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Quel est ton rapport à la mer et plus particulièrement à la navigation ?
J’ai toujours fait du bateau, notamment grâce à ma mère et mon beau-père. C’est naturel pour moi d’être sur l’eau. Celui qui m’a vraiment donné envie de voyager, c’est un marin connu qui a écrit plusieurs livres à propos de ses voyages en mer : Bernard Moitessier. Il est « LA » référence dans la communauté des marins et il a inspiré bon nombre de navigateurs à franchir le cap.
Je n’ai pas fait exception puisque c’est à la lecture d’un de ses livres que j’ai eu ma prise de conscience. J’ai commencé à me préparer moi aussi à un futur voyage. Il m’aura fallu sept ans pour économiser, acheter le bateau, prévoir mon trajet et partir…
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Un dernier mot avant de larguer les amarres ?
J’invite tous ceux qui pourront lire ces lignes à tenter ce genre d’aventures parce qu’on ne le regrette pas ! C’est très cool. Il y a des moments difficiles en mer mais les bons moments sont largement plus nombreux ! On rencontre des gens super sur le trajet, on se lie très fort d’amitié. Les marins forment une communauté : quand je suis arrivée en Nouvelle-Calédonie, j’ai retrouvé des gens que j’avais croisé en escale et les liens se recréent immédiatement. J’ai hâte de reprendre la mer !
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