Ce n’est pas sur un de ses bateaux mais dans son QG que nous a reçu Frédéric Dallo, le gérant de la compagnie de charter Dal’Ocean. Personnage à “cent à l’heure”, bavard comme pas deux et passionné par son métier, Frédéric a eu la gentillesse de nous parler de son activité. Bien installés dans nos fauteuils, nous voilà partis pour plus d’une heure de discussion retraçant son parcours de skipper et d’amoureux des baleines. Un lien qui s’est créé avec le temps et qui le pousse aujourd’hui à participer à la protection du lagon et de ces magnifiques créatures. Embarquez sur le charter Dal’O à la découverte de cette activité et de son gérant.

Rencontre avec Frédéric Dallo, gérant de Dal’Océan © NeOcean

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Bonjour Frédéric et bienvenu sur NeOcean  ! Pour débuter notre échange, peux-tu te présenter à nos lecteurs et leur résumer ton parcours ? 

Bonjour NeOcean, je suis Frédéric Dallo, gérant de la société de charter Dal’Ocean, située à Nouméa. Nous l’avons créée avec mon frère en 2007. Pendant 10 ans, nous avons “skippé” sur nos catamarans respectifs. Puis, nous avons commencé à recruter des skippers pour faire grossir notre flotte de bateaux. Aujourd’hui, elle est composée de huit navires : quatre catamarans à voile, deux à moteur et deux taxi-boats. 

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Quelles sont les différentes facettes de ton activité  professionnelle avec Dal’Océan ? 

Avec mon frère, nous nous sommes répartis les tâches : je suis plutôt sur l’administratif, avec la gestion des mails, des réservations, des plannings et des skippers. Mon frère a un diplôme de mécanicien réparateur en “marine plaisance”. C’est donc lui qui s’occupe de toute la mécanique des bateaux. Et il a de quoi faire ! A savoir, nous skippons tous les deux les taxi boats et les catamarans.

Sur notre offre de service, nous proposons un large panel d’activités : du taxi-boat en direction des îlots autour de Nouméa, des croisières en catamaran, et même de la location de catamaran pour faire des soirées entre amis ! En plus de ça, nous proposons des sorties à la journée pendant la saison des baleines.

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Un des taxi-boat de Dal’Ocean © Dal’Ocean

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Quel est ton lien au lagon et à l’océan et pourquoi avoir choisi cette activité ?  

Depuis tout petit, je suis sur l’eau : j’ai commencé l’optimiste vers 6 ans, je me suis mis à la planche à voile vers 10 ans. Je suis entré professionnellement dans le monde du charter par la force des choses. 

Tout est arrivé grâce à mon père. Il y a vingt ans, il a acheté un bateau en gestion-location. À cette époque, je suivais des études pour devenir professeur d’EPS. Rien à voir ! J’effectuais des remplacements dans le Nord de la Grande Terre. Comme j’avais souvent du temps entre deux remplacements, j’ai proposé mon aide pour l’entretien du bateau au « padre ». C’est ce qui m’a décidé à devenir skipper professionnel : j’ai passé le diplôme « capitaine 200 » et une fois en poche, j’ai commencé à skipper. 

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Le diplôme en poche et c’est parti pour naviguer © Dal’Ocean

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Au-delà de tes activités de location et de transport, tu organises également des sorties autour de l’observation des baleines : quel est ton lien avec ces magnifiques cétacés  ? Une anecdote à partager avec nos lecteurs  ?  

Aujourd’hui, j’ai un lien assez fort avec elles mais il n’a pas été inné. Quand j’ai commencé à skipper, c’était surtout une activité professionnelle. De juin à la mi-septembre, le tourisme de croisière est relativement calme parce que c’est l’hiver. J’ai donc commencé à proposer des excursions à la journée pour ne pas rester inactif. 

Le lien avec les cétacés s’est fait au fur et à mesure des saisons. Je suis tombé sous leur charme ! D’ailleurs, je ne connais aucun skipper qui n’est pas tombé amoureux de ces animaux ! En plus de leur beauté, il y a une sorte d’excitation de partir à leur recherche. Ça peut durer plusieurs heures et l’adrénaline de les voir enfin exacerbe nos émotions, particulièrement quand elles entrent en interaction avec le bateau.

Je me souviens d’une sortie, avant la mise en place de la règlementation, durant laquelle nous avions rencontré un groupe de cinq baleines. Elles ont joué avec nous pendant un long moment. Puis nous avons arrêté de les suivre pour déjeuner à la dérive. Pendant la sieste, j’ai entendu un souffle à travers mon hublot. Le groupe de cinq baleines était revenu : elles ont tourné pendant près d’une heure autour du bateau. C’était magique ! 

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Et une dorsale, une ! © Dal’Ocean

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On a parfois tendance à penser que ces observations peuvent nuire à la tranquillité et à l’équilibre de ces animaux ; quel est ton avis sur cette question  ?  

Il y a un impact qui est indéniable. Des études calédoniennes d’Opération Cétacé et de la biologiste marine Aline Schaffar ont montré que le comportement des mammifères changeait quand il y avait des bateaux à proximité. Dans 80 % des cas, il y a une modification vis-à-vis de la durée des apnées, de la direction de nage ou de la vitesse de déplacement.

Mais les interactions ne sont pas impossibles, notamment si les bateaux gardent une bonne distance avec elles. Le but n’est pas de stresser l’animal mais d’essayer de l’observer de loin, dans son milieu naturel. Plus souvent qu’on ne le pense, la baleine va aussi vouloir interagir avec nous : ce sont des animaux curieux et joueurs. Il faut trouver le juste équilibre pour ne pas stresser la baleine tout en offrant ce fabuleux spectacle aux gens qui le souhaitent. 

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L’écologie est au cœur des problématiques de la Nouvelle-Calédonie et, à ce sujet, tu as signé une charte de l’environnement de la Province Sud : quels sont les engagements de cette charte et pourquoi l’avoir signée  ?  

Avant la création de la charte, les “sorties baleines” n’étaient pas vraiment codifiées. En semaine, la fréquentation était presque nulle tandis que le week-end, le lagon se remplissait de dizaine de bateaux à la recherche de baleines. Franchement, c’était un peu la folie… Un week-end du 15 août, j’ai compté jusqu’à cinquante bateaux derrière une seule baleine ! La charte a eu le mérite de mettre un terme à ça. Maintenant, quatre bateaux maximum peuvent suivre une baleineElle a été créée en 2008 et elle est inscrite dans le Code de l’Environnement depuis 2019

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Les charters se sont regroupés dans une structure associative « Nouvelle-Calédonie Charter » dont tu es le trésorier. Quelques mots sur cette association et sa raison d’être  ?  

Quand j’ai commencé à faire les “sorties baleines“, chaque compagnie de charter travaillait de son côté. Ton voisin était ton concurrent : la coopération et solidarité n’existait pas vraiment. Personne ne se donnait les informations quand un bateau croisait une baleine et ça démultipliait les allers-retours autour des groupes de cétacés et provoquait donc un stress constant pour les animaux

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Des baleines accompagnées de dauphins © TripAdvisor

L’association a été créée en 2010 avec l’idée de coller au plus près à la charte d’observation de la Province Sud et au respect du lagon. Nous voulions créer des synergies entre les professionnels du charter. Nous nous sommes donc réunis dans une structure associative qui nous a permis de mettre en place un système d’astreinte. Nous rassemblions nos clients sur un seul bateau pendant la semaine ; en plus de respecter la charte, nous créions un modèle économique plus rentable pour nos entreprises et plus respectueux de l’environnement.

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Ton rapport à l’environnement semble particulièrement fort… A ton avis, est-il réellement possible d’allier «  tourisme maritime  » et «  protection de l’environnement  »  ?  

L’océan est un environnement très important pour moi. Notre lagon est précieux et il me tient à cœur de le préserver. De plus, mon activité professionnelle exige de moi que je prenne soin de cette nature : quand j’emmène un groupe de touristes sur un îlot, il est de mon devoir qu’ils respectent les règles et qu’ils se comportent correctement. Il est hors de question qu’ils laissent leurs déchets sur la plage, qu’ils touchent aux espèces marines ou qu’ils montent sur les coraux !

C’est de notre devoir de sensibiliser les touristes à l’écologie et à la préservation du lagon. Je mets un point d’honneur à ce que le personnel de Dal’Ocean soit irréprochable de ce point de vue-là. Ils ne sont pas des surveillants de baignade ou de simple « taxi », ils expliquent le bon comportement à adopter avant de débarquer et s’assurent le respect de ces règles. 

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Dernière question pour clore notre échange : quel est ton meilleur souvenir en tant qui skipper  ? 

Le plus beau souvenir reste un voyage entre skippers que nous avons fait vers Prony. Nous avions décidé de partir à plusieurs bateaux pendant quelques jours sur la route des baleines. Un soir de pleine lune, nous avons rencontré tout un groupe. Il n’y avait pas de lumière et pourtant nous pouvions les voir distinctement grâce au halo de la Lune. Les observer pendant leurs parades est un souvenir qui restera gravé dans ma mémoire ! Je me sens chanceux de les avoir vues de cette manière : c’était un moment hors du temps…

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