La filière pêche se structure au niveau de la Nouvelle-Calédonie ! Et la province Nord est pro-active pour aider à la professionnalisation des pêcheurs. Nous sommes allés rencontrer Yvy Dombal, la chargée des filières pêches de la DDEE. Si la Calédonienne se destinait plutôt à travailler dans le milieu de la protection terrestre, les chemins de la vie l’ont plutôt mené vers notre beau lagon. À travers diverses opportunités et stages, Yvy a développé une fascination pour l’univers bleuté et les richesses qui s’y cachent. Aujourd’hui, elle s’engage auprès des pêcheurs pour les accompagner et développer la filière en province Nord. Gardienne des Îles, elle nous dit tout dans son interview… 

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Bonjour Yvy et bienvenue sur NeOcean ! On t’a croisé sur plusieurs activités : peux-tu commencer par te présenter à nos lecteurs ? 

Salut NeOcean et merci de votre visite. Je m’appelle Yvy Dombal, je suis chargée de filières pêches côtières à la province Nord. À côté de mon travail, je fais aussi partie de l’association Gardiens des Îles, en tant que Secrétaire. Elle est plutôt localisée à Païta puisque je suis originaire de là-bas.

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Qu’est-ce qui t’a amené à la province Nord ? Parle-nous de ton parcours… 

J’ai commencé par un Bac scientifique au lycée ANOVA de Païta. De là, je suis partie en métropole pour suivre un BTS production horticole. C’est un peu loin du milieu marin mais je me destinais plutôt à être botaniste ! En rentrant en Nouvelle-Calédonie, je me suis inscrite dans une licence d’agronomie, mention Développement Durable. Je suis partie à La Réunion. C’est là-bas que j’ai eu mon premier stage « découverte », dans lequel on nous imposait de prendre la discipline inverse de la nôtre. 

Je me suis retrouvée à travailler pour un GIE de l’île qui s’appelle MAREX, qui faisait du référencement de coraux. Je pense que c’est à cette occasion que je me suis dit que le monde marin était très intéressant. En revenant sur le territoire, j’ai intégré un Master « GSP », Gestion de l’Environnement, à l’université de Nouvelle-Calédonie. Pour mon stage de fin d’étude, j’ai intégré les équipes de l’IRD, auprès de Catherine Sabinot et nous avons travaillé sur les relations Hommes-requins. Enfin, pour mon dernier semestre, j’étais à distance avec le CRIOBE Moorea. Je n’y suis jamais allée encore mais j’ai bon espoir que ça arrivera un jour ! 

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Et alors, où les coraux sont-ils les plus beaux ? Qu’est-ce qui t’a fait aller des cnidaires aux squales ? 

C’est toujours difficile de donner une réponse sans nuance ! Je dirais que chez nous ils sont plus beaux et mieux conservés mais La Réunion a de beaux fonds marins aussi. Je n’ai pas pu les explorer assez car j’y étais pendant une période ou le risque requin était assez fort. 

D’ailleurs, à la base, je n’étais pas très motivée à travailler sur les requins parce qu’il existait toute cette polémique à leur propos. J’en ai beaucoup parlé avec Catherine et c’est finalement elle qui m’a orienté vers ce sujet. Mon terrain d’étude était la province Nord pour éviter de rentrer dans des considérations d’ordre politique et des « conflits ». En province Nord, le rapport à cet animal est totalement différent. 

Un des premiers résultats est d’ailleurs que le risque requin est mieux accepté dans le Nord que dans le Sud. Je pense que c’est une question de culture et d’attachement à la symbolique de l’animal. J’ai fait des entretiens jusqu’à Puebo et le requin est une espèce emblématique pour les Mélanésiens, c’est un totem. Ils ont des histoires, des légendes autour du requin mais aussi des tabous. 

Dans tous les cas, il y a un respect particulier vis-à-vis de cet animal. C’est un lien qu’on retrouve aussi chez des Calédoniens. Tout va dépendre de l’usage de la mer : si tu es un pêcheur, un surfeur ou un plongeur, tu ne vas pas du tout avoir la même approche du milieu. Dans le petit échantillon que j’ai pu avoir, qui est trop limité pour être vraiment représentatif d’une tendance, on se rend compte que les personnes qui pratiquent des sports nautiques vont avoir un peu plus peur que les autres. Pour autant, c’est un risque qu’ils ont intégré et quand j’ai pu parler avec des personnes qui ont subi des attaques lourdes, ils m’ont toujours dit que c’était peut-être eux qui avaient fait quelque chose de mal, qu’ils n’étaient pas chez eux… Bref, ne faisons pas de généralités mais l’acceptation semble meilleure dans le Nord. 

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Aujourd’hui tu travailles avec les pêcheurs professionnels. Peux-tu nous expliquer plus en détails tes missions quotidiennes ? 

Je suis chargée des filières pêches, ce qui signifie que je suis en charge de faire évoluer le Code de l’environnement sur la réglementation qui concerne les pêches. Nous avons fait un gros travail de renfort sur le développement économique, notamment au niveau des aides qui sont accordées aux pêcheurs professionnels. Nous avons aussi créé des nouveaux objectifs, concernant la professionnalisation de la filière et les débouchés pour les produits issus de cette activité. 

À côté de ça, notre service délivre aussi des autorisations de pêche professionnelle. Nous accompagnons les pêcheurs dans leur projet d’acquisition de navire ou du permis bateau. De plus, nous sommes en relation avec les partenaires de la filière, comme l’Observatoire des pêches côtières pour développer nos connaissances et les projets à une échelle plus large. 

Nous faisons de la gestion de la ressource, que ce soit auprès des professionnels ou non et nous avons un plus petit volet qui concerne l’application et le respect de la réglementation en place. Je suis sous la supervision d’Ambre Diazabakana, qui est ma cheffe de service milieux et ressources aquatiques

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Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?  

J’ai un profil de junior, je suis arrivée dans ce service à la sortie de mon Master. J’ai encore tout à apprendre et j’aime énormément cela. Je touche un peu à tout, j’ai la possibilité d’aller sur le terrain, de rencontrer des gens et des pêcheurs, de participer à des projets qui dépassent le cadre de mes missions. C’est assez impressionnant ! 

En ce moment, nous travaillons sur le prochain fonds européen qui devrait être une enveloppe conséquente pour aider au développement des projets en Nouvelle-Calédonie. Actuellement, la stratégie de la pêche côtière est portée par la CAP à travers un document de référence qui va nous permettre d’avancer avec un cap sur les dix prochaines années. 

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Quel est ton point de vue sur la pêche en Calédonie ? 

La pêche est essentielle pour les Calédoniens. La mer dans sa globalité est un écosystème complexe à protéger mais c’est aussi un garde-manger pour les populations. Je suis persuadée que si on empêche cette activité aux Calédoniens, il va y avoir du monde dans la rue ! 

D’apparence il peut exister un décalage entre cette importance culturelle et la visibilité de cette activité professionnelle. Je pense que ça peut venir du fait que nous sommes moins nombreux dans cette filière et moins bien structurée que l’agriculture par exemple. La filière n’a intégré la Chambre consulaire qu’il y a deux ans. Tout est encore à construire et les projets vont en ce sens. 


Dans tous les cas, professionnels ou non, la pêche est une activité « naturelle » en Calédonie. Donc les gens ne voient pas forcément le besoin et l’intérêt d’investir des politiques publics et des moyens dedans. Pour autant, si demain la personne veut vendre son poisson et vivre de cette activité, il faut être un professionnel déclaré. C’est hyper important aussi pour comprendre comment mieux gérer notre ressource. On ne connait que quinze pourcents de l’ensemble des prélèvements qui sont faits en mer… 

Cela pose question car avec le changement climatique, il y a des mutations à l’œuvre dans nos eaux. Nos pratiques vont évoluer aussi et si nous ne gérons pas bien ces enjeux, pourront apparaître des grosses difficultés. En incluant davantage la pêche dans nos politiques de gestion, nous tendons à limiter ces problématiques. 

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Tu es aussi engagée dans une association de superhéros des îlots calédoniens ! Raconte-nous la raison d’être de Gardiens de Îles.

Gardiens des îles est une association localisée à Païta dont je suis la Secrétaire. Nous n’avons pas vraiment de rôle prédéfini mais nous répondons à des appels à projet pour mener des actions sur les îlots autour de Païta. Nous avons été témoin de l’évolution des îlots et de dégradations du milieu marin aux alentours, du nombre de bateaux qui augmente, des chiens sur les îlots… Bref, des comportements qui venaient perturber les écosystèmes locaux.

En 2017, le Président à décider de créer l’association et de nous embarquer dans son projet avec plusieurs amis. Nous avions tous des compétences en botanique, environnement, ornithologie… Bref, des compétences assez solides pour mener à bien des actions concrètes sur le terrain : nettoyage, plantation, éradication des nuisibles ou espèces envahissantes…  

Certains disent que nous prenons le relai de la province Sud mais je ne pense pas que nous concurrencions qui que ce soit, nous avons plutôt des objectifs communs. Nous voulons sensibiliser les gens et le grand public à la beauté et l’intérêt de préserver ces espaces

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En tant que Calédonienne engagée dans la préservation des îlots et dans la structuration de la filière pêche tu as un lien fort à ton environnement extérieur. Est-ce qu’il en a toujours été ainsi ? 

C’est un peu par les hasards de la vie que j’en suis arrivée à m’orienter vers la mer et le lagon. Pour autant, l’environnement a toujours été un point central dans ma vie. J’habite proche de l’eau et au pied des montagnes, ce serait étrange de ne pas être curieuse de cette beauté. Petite, nous allions souvent nous promener et regarder ce qu’il se passait autour de chez nous. J’ai assez vite compris que notre environnement était la source de notre bien-être et de notre survie, tout simplement.  

Ma rencontre avec le lagon est arrivée plus tardivement. Le fait d’aller plus régulièrement sur en mer et en savoir plus sur les écosystèmes marins m’ont permis de développer un lien plus fort à cet environnement. C’est un peu comme ça que je me suis réorientée aussi vers ce milieu d’un point de vue professionnel. Dans tous les cas, la terre et la mer vont de pairs ! 

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Un dernier messages pour nos lecteurs ? 

J’ai envie de m’adresser aux jeunes et notamment à ceux qui s’intéressent à ces problématiques. N’hésitez pas à aller dans cette voie, à vous renseigner, à vous engager ! On a la chance en Nouvelle-Calédonie d’avoir des aides pour faire des études, j’en ai moi-même bénéficié. Il ne faut pas hésiter à s’engager pour notre île ! 

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