Quand on parle de la Nouvelle-Calédonie, c’est souvent pour décrire ses plages, ses îlots et la richesse de ses coraux. Pourtant, si elle rayonne à l’international, c’est aussi pour certains de ses produits et particulièrement pour sa crevette bleue ! Elle se retrouve sur les plus grandes tables du monde et les chefs l’apprécient particulièrement pour sa chair. Pourtant, avant de finir dans nos assiettes, les crevettes bleues de Nouvelle-Calédonie suivent un long voyage sous la supervision bienveillante de la SOPAC.

Nous avons voulu en savoir plus sur l’établissement qui conditionne ces crevettes d’exception. Anne Guillaumin Gauthier, directrice de l’usine de conditionnement de la SOPAC, nous a accueillis dans ses installations de Koné pour nous parler des personnes qui s’engagent quotidiennement à faire de la crevette bleue calédonienne un produit reconnu à travers le monde. Pêche durable, tri manuel et processus de surgélation participent à la réputation des crevettes à nouzotres. Si tout ça ne vous donne pas envie d’un bon carpaccio…

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Bonjour Anne et bienvenue sur NeOcean ! Pour se lancer dans le vif du sujet, plutôt crevette bleue en tartare ou plutôt en curry ?

Bonjour NeOcean. Les deux sont très bons mais ma recette fétiche reste les crevettes bleues flambées au pastis ! Mes enfants se sont lancés ensemble dans la distillation et le commerce de cette liqueur, c’est une façon de mélanger nos domaines.

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Tu es donc la directrice de l’usine de conditionnement de la SOPAC à Koné. Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce qu’est la SOPAC et sa raison d’être sur le territoire ?

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Les crevettes bleues de Calédonie © SOPAC

La SOPAC est une entreprise qui conditionne, surgèle et commercialise les crevettes de Nouvelle-Calédonie. Ces crevettes proviennent de la filière aquacole calédonienne, particulièrement de treize fermes tout autour de la Grande Terre. Nous traitons nos crevettes avec beaucoup d’amour et de professionnalisme dans le but de les commercialiser sur le territoire et à l’international. En effet, elles sont exportées partout dans le monde ! Nous avons la réputation et la conviction de faire des produits très haut de gamme et de très bonne qualité.

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Comment devient-on directrice d’une usine de conditionnement ?

Je suis « issue » des produits de la mer ! Cela fait quarante ans que je travaille dans ce domaine. Et même plus si j’ose le dire… J’ai touché à tous les secteurs d’activité au fil de ma carrière, de la recherche à la commercialisation.

J’ai eu la chance de travailler partout dans le monde, sur tous les continents ! Il y a quelques années, l’opportunité de venir en Nouvelle-Calédonie s’est présentée. J’ai trouvé que le challenge de travailler en Province Nord, dans une unité qui employait surtout des femmes, était très stimulant. Cette année est ma cinquième saison au sein de l’usine de Koné et je suis très heureuse de travailler dans cet environnement.

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Quelles sont tes missions au sein de l’entreprise ?

J’ai pour fonction de coordonner toutes les activités qui se déroulent dans l’usine, que ce soit au niveau de la production, du suivi de la qualité, de la logistique, des investissements, des activités de maintenance ou de la gestion du personnel. Nous sommes environ deux cents personnes dans l’usine, ça fait du monde à gérer !

Je suis aussi en relation avec les différentes fermes de la SOPAC. Notre réseau est constitué de treize fermes de différentes tailles, dont trois se trouvent en Province Nord et les autres en Province Sud. Nous avons des liens très forts avec les aquaculteurs – ils font partie des actionnaires de la SOPAC – et toute la rémunération de la société leur revient. Parmi les autres actionnaires, nous comptons également la Province Sud via Promosud et la Province Nord, représentée par Nord Avenir.

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Concernant l’usine de la SOPAC : combien d’employés y travaillent et que font-ils quotidiennement ?

L’équipe de production est composée de deux équipes de quatre-vingt personnes environ. Elles travaillent en roulement « 2 x 8 », c’est-à-dire qu’elles se relayent sur une plage horaire de 16h. Pendant leurs horaires de travail, les équipes s’occupent principalement du conditionnement des crevettes. Il y a une première étape de sélection et de tri des crevettes qui est essentielle. Lors de ce tri, les produits sont traités avec beaucoup de délicatesse car nos clients locaux et étrangers sont très exigeants. L’équipe qualité et ses contrôleuses veillent au respect des cahiers des charges .

Par ailleurs, les techniciens de maintenance s’occupent du suivi des installations. Nous travaillons avec des machines de production de froid complexes, nous devons nous assurer qu’elles fonctionnent toujours correctement. Sans oublier la gestion de la station d’épuration ou encore de la production de glace. D’autres ouvriers gèrent les stocks de notre chambre froide à -30°C.

Enfin, il reste la partie relation avec les fournisseurs – à savoir les aquaculteurs – et avec les clients qui peuvent, de temps à autre, venir visiter l’usine. Nous suivons aussi de près les dossiers pour les certifications du suivi qualité. Tout cela demande des compétences très précises. La SOPAC est une grande famille ; nous avons à cœur d’avoir une équipe concernée et impliquée dans la société. C’est pourquoi nous formons et promouvons le personnel en interne. Ainsi, les différentes compétences acquises se pérennisent et restent au service de l’entreprise.

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C’est la saison des pêches : d’où viennent les crevettes de la SOPAC ? As-tu quelques chiffres à nous communiquer en termes de quantités produites et d’exportation ?

Nous sommes en effet en plein dans la saison des pêches qui se déroule de janvier à août. Nous produisons entre mille et mille cinq cents tonnes de crevettes par an. Néanmoins, ces dernières années, nous tournons plutôt sur une moyenne de mille deux cents tonnes.

Environ 40% de notre production reste sur le marché local calédonien ; cinq cents tonnes partent au Japon ; une centaine en métropole et autant aux États-Unis. Nous exportons aussi vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande mais en plus petite quantité.

La crevette bleue n’est élevée que dans deux pays du monde aujourd’hui : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française mais là encore en plus petites quantités. Ailleurs, comme en Équateur, d’autres espèces de crevettes sont produites. Et ce n’est pas un petit producteur… Si nous produisons mille cinq cents tonnes de crevettes par an, l’Équateur en produit deux millions ! En revanche, contrairement à celles d’Amérique du Sud qui pèsent environ 20 grammes, les nôtres pèsent presque le double ! C’est notre spécificité : nos crevettes bleues sont plus grandes et plus qualitatives.

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La crevette bleue, ce produit d’exception © SOPAC

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Pourrais-tu nous expliquer en quoi la crevette bleue est un produit d’exception à travers le monde ?

Son caractère exceptionnel tient d’abord à l’espèce en elle-même et à sa physiologie bien particulière. Elle a une chair remarquable que nous sublimons par notre processus de transformation. En effet, notre système de conservation commence dès sa sortie de bassin. Les crevettes sont plongées dans de la glace liquide et lorsqu’elles arrivent à l’usine de Koné, leurs muscles sont intacts. Nous gardons donc la qualité intrinsèque de la crevette depuis la ferme.

De plus, notre processus de surgélation est très rapide : après un tri manuel et le calibrage par taille, les crevettes sont surgelées par aspersion d’une saumure (mélange de sel et de sucre) à -18°C . Grâce à cela, il n’y a pas du tout d’altération de la chair et c’est pourquoi nos crevettes bleues se retrouvent sur les plus grandes tables du monde ! Particulièrement appréciées crues, elles se dégustent très bien cuites, agrémentées ou flambées par exemple…

Nous avons un processus de sélection et de tri des crevettes très rigoureux. Il se fait à l’œil et il y a des critères précis à respecter. Par exemple, les antennes ne doivent pas être cassées du tout, la crevette ne doit présenter aucune tâche, la tête ne doit pas être marron et la carapace ne doit pas être fendue. En somme, il est nécessaire que la crevette soit parfaitement complète et saine. Nous avons des travailleuses très appliquées dans cette tâche et, surtout, elles échangent beaucoup entre elles. Certaines sont là depuis plus d’une quinzaine d’années et elles partagent leur expérience avec les plus jeunes. C’est une émulation très positive !

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Vos fermes sont labélisées ASC (Aquaculture Stewardship Council) : qu’est-ce que cela signifie pour la production ?

L’ASC est une certification durable, ce qui signifie que nos crevettes et leur mode de production répondent aux trois piliers du développement durable : un pilier social, un pilier environnemental et un pilier économique.

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© ASC

L’obtention de la certification suit un cahier des charges très précis et rigoureux. Les fermes sont soumises à un audit chaque année et elles doivent remplir en parallèle des dossiers qui attestent de la prise en compte de tous ces aspects. Elles doivent fournir la preuve d’une rentabilité économique pérenne (pilier économique) mais aussi celle de la bonne rémunération des aquaculteurs et l’impact social bénéfique de la ferme sur son environnement proche (pilier social). Enfin, la ferme doit avoir un impact environnemental limité et remplir certains critères (alimentation animale, bonne santé des animaux, gestion des rejets, etc.).

Actuellement, quatre fermes sont certifiées et deux sont intéressées pour obtenir la certification. Nous espérons y arriver d’ici 2024. La SOPAC est là pour les accompagner et les aider à évoluer vers cette certification.

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Est-il important pour toi de t’engager pour une pêche plus responsable ? Quel est ton rapport à la mer et plus largement à l’environnement ?

J’ai toujours vécu au bord de la mer : j’ai eu des bureaux avec vue sur les plus belles baies du monde. Même si je suis née dans le Périgord, la mer a toujours été vitale pour moi. Je respecte beaucoup cet environnement, l’océan me tient vraiment à cœur.

Avant d’arriver en Nouvelle-Calédonie, j’étais en Bretagne. Là-bas, je me suis occupée d’un port de pêche. Nous souhaitions valoriser les produits de la pêche et j’ai d’ailleurs participé à l’élaboration du label « pêche durable » en France.

L’environnement marin et sa protection ont toujours été quelque chose de précieux pour moi. À la SOPAC, nous nous inscrivons aussi dans cette démarche de durabilité en diminuant notre impact sur l’environnement. Nous travaillons notamment sur notre consommation d’énergie et d’eau. Nous diffusons ces valeurs auprès de nos salariés pour en faire une fierté au niveau de l’entreprise. Collectivement, nous avons la responsabilité de nous diriger vers plus de durabilité ! L’océan, et plus globalement le respect de l’environnement, est notre avenir ; nous ne pouvons pas nous mettre des œillères… Cela fait partie de notre devoir citoyen, notamment en Province Nord.

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As-tu une dernière info ou une dernière actualité à partager avec nos lecteurs ?

Pas d’actualité mais je voudrais insister sur le plaisir que j’ai à travailler avec l’ensemble du personnel de la SOPAC, en particulier avec ces femmes qui ont vraiment une énergie incroyable. Elles ont la volonté de faire avancer les choses pour elles-mêmes et pour leur famille ; je les trouve fantastiques ! Je n’oublie pas non plus le personnel masculin très impliqué également.

C’est une grande satisfaction de travailler avec tous et de créer des liens. Nous avons réussi à obtenir dix-huit logements auprès de la mairie de Koné. Nous nous battons pour les garder mais ce n’est pas toujours simple… Nous sommes comme une grande famille à l’usine, nous essayons de prendre soin les uns des autres et c’est une fierté de faire partie de cet ensemble.

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