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© Fondation de la Mer

Le saviez-vous : il y a plus de personnes qui sont allées sur la Lune, qui se situe à 300 000 kilomètres de la Terre, que dans la fosse marine la plus profonde qui se trouve à 11 000 mètres sous l’eau ! En effet, la fosse des Mariannes, la plus profonde connue à ce jour, n’a été explorée que par 3 personnes, tandis que la Lune a été visitée par 12 hommes. Cela laisse imaginer la méconnaissance humaine des fonds marins…

… d’autant plus que les océans et mers recouvrent 71% de la surface du globe. La planète « Terre » devrait plutôt s’appeler la planète « Mer »… Et les grands fonds marins y représentent 88% de cette superficie. Cependant, ces grands fonds possèdent des contours flous et restent encore mystérieux et largement inconnus car inexplorés. Depuis peu, ils sont au cœur d’enjeux écologiques importants et suscitent ainsi un intérêt croissance de la part de la communauté internationale. Entre profondeurs inconnues à explorer et milieux fragiles à protéger, le “profond” suscite des débats autour de son exploration, notamment en Nouvelle-Calédonie.

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Les grands fonds marins, fantasmes d’un monde figé ?

« Les grands fonds marins sont la nouvelle frontière de l’humanité, une frontière riche d’une vie insoupçonnée, à la différence des confins de l’espace ».

Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer.
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Quand on parle de l’océan, il est souvent difficile de se représenter son immensité et sa profondeur. La plupart des scientifiques s’accordent pourtant sur la définition de plusieurs zones du “profond”. Les grands fonds marins commencent à 1000 mètres sous la surface de l’eau et plongent jusqu’à environ 12 000 mètres, seuil de la fosse des Mariannes, la plus profonde connue à ce jour. Selon la Fondation de la Mer, ce grand “profond” représente 62% de la planète ! Toujours persuadés que c’est la planète « Terre » ?  

Dans ces profondeurs abyssales se trouvent des environnements et des écosystèmes très spécifiques et encore très peu connus. Seules 10% des espèces qui y vivent ont été répertoriées. Les températures y sont froides – entre 1 et 4 degrés -, la pression extrême, tant et si bien que les animaux qui s’y trouvent sont taillés (étrangement) pour résister. En plus de ces conditions extrêmes, les rayons du soleil ne pénètrent pas à une telle profondeur rendant l’étendue d’eau complètement noire et opaque.

Outre cette vie marine, les fonds marins concentrent aussi (et surtout pour certains…) des minerais en grande quantité. Il est question notamment de métaux rares, dits stratégiques puisqu’utilisés pour la fabrication, entre autres, de voiture électriques, d’éoliennes, de drones ou de panneaux solaires… Pourtant, leur concentration réelle en ressources minérales reste à évaluer, de même que la rentabilité d’une éventuelle exploitation minière. À cela s’ajoute une question éthique centrale : comment protéger ce patrimoine marin ?  C’est une question qui a une résonance toute particulière en Nouvelle-Calédonie où le gouvernement planche justement sur l’interdiction de l’exploration et l’exploitation des ressources profondes dans notre vaste espace maritime et ce, pour une durée de dix ans.

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La Nouvelle-Calédonie, vers un moratoire de 10 ans ?

Le Caillou possède une large zone océanique sur laquelle elle est souveraine. C’est ce qu’on appelle la Zone Économique Exclusive, la fameuse “ZEE”. Cette dernière représente environ 1,5 millions de kilomètres carrés ! A titre de comparaison, c’est trois fois la zone maritime métropolitaine et à peu près la moitié de la superficie de la Méditerranée et donc… presque autant de fonds marins encore inexplorés…

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Une ZEE aussi grande qu’une moitié de Méditerranée… © Fondation de la Mer

En effet, en 2020, seulement 0,08% des fonds marins de Calédonie ont fait l’objet d’une exploration totale et 11,4% d’une exploration partielle. Pourtant, de plus en plus de scientifiques s’accordent à dire qu’une meilleure connaissance de ces espaces et de ces espèces serait bénéfique pour l’Homme. Ainsi, depuis quelques mois, les abysses bénéficient d’une attention particulière : Emmanuel Macron a annoncé que la France soutenait l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins. Une promesse que la Nouvelle-Calédonie doit traiter : le gouvernement est en train d’examiner un avant-projet de loi du Pays pour adopter un moratoire de dix ans.

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Explorer ou ne pas explorer, telle est la question… © Fondation de la Mer

Ce moratoire vise à empêcher l’exploration ou encore la possibilité de mener des expérimentations de nature industrielle dans les profondeurs calédoniennes. Ainsi, pendant dix ans, le Gouvernement envisage d’interdire l’exploration ou l’exploitation des ressources dans le Parc Naturel de la Mer de Corail. Exception faite cependant de certaines méthodes d’explorations douces, jugées « non invasives » pour l’environnement.

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Quelles perspectives pour le profond du Caillou ?

Les avis divergent sur ce moratoire, notamment au niveau de la définition des termes de la loi et sur sa durée. D’un côté, il apparaît comme l’aboutissement d’un long travail de sensibilisation et de protection ; de l’autre, c’est un frein à l’exploration scientifique des fonds marins, nécessaire pour une meilleure compréhension de nos écosystèmes

Si les avis sont partagés, cela ouvre toutefois un débat autour de la connaissance de nos fonds marins. Alors qu’ils ont été les grands oubliés de la préservation de l’environnement, ils entrent aujourd’hui dans les problématiques de premiers plans. Le fragile équilibre entre protection, exploration et exploitation est à trouver. Ce qui est sûr, c’est que l’avenir des fonds marins calédoniens se jouera en 2023. Alors, on y va… ou pas ?

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