Dans la salle des nuages d’OoTECH, mardi 11 juillet, s’est tenue la seconde Master Ocean 2023 de Nouméa. Pour rappel, ces rencontres ont pour objectif de donner la parole aux experts engagés dans les enjeux du Parc Naturel de la Mer de Corail. Le thème du jour ? La vision politique et financière du PNMC. Des sujets délicats qui provoquent souvent des désaccords mais ô combien importants pour la préservation de notre écosystème marin

Sur l’estrade, les co-présidents du comité de gestion du Parc : Jérémie Katidjo Monnier, membre du gouvernement en charge notamment du PNMC et Carine Farault, secrétaire générale adjointe du Haut-Commissariat, ont répondu aux questions de Charlotte Ullman. Pour la première fois en Nouvelle-Calédonie, en direct de Paris, le dessinateur Philippe-Élie Kassabi illustrait en temps réel les propos tenus par les intervenants.

« J’avais des appréhensions quant aux polémiques que les dessins pourraient susciter sachant que nous avions eu très peu de temps pour le préparer ! »

Christophe Chevillon, directeur de Pew Bertarelli Ocean Legacy, a présenté PEK avec humour
Un panel d’expert en la matière © NeOcean

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Une stratégie de préservation

Le Parc Naturel de la Mer de Corail est un des plus grands parcs marins au monde, s’étendant sur près d’1,3 million de kilomètres carrés. Bien qu’il soit inhabité, il joue un rôle essentiel en raison de son importance culturelle, scientifique et économique. C’est « un étendard de la Nouvelle-Calédonie en matière de biodiversité et de géo-diversité ». Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, avec l’appui de l’État, vise à faire du PNMC un sanctuaire calédonien dans l’océan Pacifique.

Jérémie Katidjo Monnier a souligné les avancées clés qui contribuent à la préservation de cet espace maritime immense. La première étape majeure a été la création du Parc en 2014, suivie de la mise en place d’un plan de gestion et du classement en réserves intégrales et naturelles des récifs éloignés en 2018. En 2021, l’élaboration d’un cadre juridique a permis d’encadrer la création d’aires maritimes dans le Parc et les activités qui y sont menées.

Une action en collaboration permanente © PEK

Toute cette action politique s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale qui vise à accroître la superficie des aires marines protégées avec un objectif de 30% en 2030, dont 10% en zone de protection forte. Avec le PNMC, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a largement dépassé cet objectif 30/30 puisque 100% de la ZEE est classé en parc marin depuis 2014. C’est la raison pour laquelle Jérémie Katidjo Monnier a décidé de classer au moins 10% de la superficie du Parc en zone de protection forte.

Carine Farault a également mentionné quelques actions conjointes de l’État et du Gouvernement qui contribuent à la préservation de la biodiversité locale : co-financement de l’opération de surveillance du Parc au titre du contrat de développement, modification du code de l’environnement national pour permettre aux officiers de la marine nationale de constater les infractions à la réglementation locale dans le parc, partage de l’information maritime avec le centre de fusion de l’information maritime (CFIM), la transformation du MRCC en COSS-NC pour officialiser les missions de surveillance en plus de celles liées à la sécurité maritime et au sauvetage en mer. 

Pas facile de trouver l’équilibre © PEK

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Un écosystème à financer, à explorer et à exploiter ?

La mise en œuvre de ces actions requiert plus que de la bonne volonté, les aspects financiers sont une préoccupation majeure. L’État apporte un soutien financier très significatif, au travers notamment du contrat de développement pour la surveillance du PNMC qu’il finance à 70%, au travers de la recherche scientifique et du navire océanographique Antea, de la flotte océanographique, grâce au COSS-NC, qui est mis à disposition de la Nouvelle-Calédonie et opère des missions de surveillance au profit du parc, etc… De son côté, la Nouvelle-Calédonie consacre aujourd’hui un budget d’environ 200 millions de francs CFP à la gestion du PNMC.

La Nouvelle-Calédonie est déterminée à aller chercher des financements en dehors du territoire pour renforcer encore la protection des écosystèmes remarquables du PNMC, et ce à travers différents programmes notamment ceux de l’État, tels que le fonds vert,  France 2030 avec Territoires d’Innovation… Localement, des discussions sont en cours pour créer un fonds dédié au PNMC, à l’image du fonds dédié à la Politique de l’eau partagée. L’idée est de pérenniser et financer à long terme la protection du Parc. 

Les innovations calédoniennes récompensées © PEK

Quelle aurait été l’ampleur de cette Mater Ocean sans l’évocation du moratoire ? Ce projet de loi, actuellement sur le bureau du Congrès, propose d’interdire pour dix ans – peut-être même plus longtemps – la prospection et l’exploitation des ressources minérales dans le Parc. Ce texte vise à développer la recherche scientifique dans les grands fonds marins afin de mieux comprendre cet écosystème encore largement méconnu. L’objectif, selon Jérémie Katidjo Monnier, c’est de faire de la Nouvelle-Calédonie un « hot spot de la recherche océanique dans le Pacifique ».

« Le moratoire est une nécessité éthique pour les générations futures. Comment pouvons-nous prélever et détruire des écosystèmes que nous ne connaissons pas ? Notre génération, celle d’aujourd’hui, a la responsabilité de prendre le temps de faire les choses correctement. L’objectif n’est pas d’interdire toute activité économique dans le parc. Mais de mieux connaître ses écosystèmes pour permettre à nos enfants de décider en toute connaissance de cause ce qu’il conviendra de faire dans cet espace aujourd’hui préservé. »

Jérémie Katidjo Monnier
10, 20, 25 ans… Le moratoire durera le temps qu’il faudra © PEK

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L’importance de la vision kanak

La question qui reste souvent en suspens est celle de la place de la culture kanak dans la gestion du Parc. En Nouvelle-Calédonie, la relation entre les hommes et la mer est identitaire et la dimension culturelle doit être pleinement prise en considération. Ainsi, en 2015, un comité consultatif de gestion du PNMC a été mis en place pour favoriser la collaboration et la concertation l’État, le Gouvernement et l’ensemble des parties prenantes. Ce comité, constitué de quatre collèges : institutions, associations environnementales, coutumiers et socio-professionnels, est consulté pour avis sur les projets du Parc. Les autorités coutumières sont donc pleinement associées à la gestion du PNMC. Elles ont d’ailleurs engagé, en collaboration avec le gouvernement, un important travail sur la vision culturelle kanak de l’océan et de sa protection : la vision d’un peuple autochtone de plus de trois-mille ans de civilisation et qui repose sur l’équilibre homme et océan. Les résultats sont très attendus.

Un comité consultatif et participatif © PEK

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