ÉPISODE #18 – Le voilier-cargo qui veut faire danser le vent

Barque, plate, cargo, gabare, vedette, catamaran, péniche, nef, chaloupe, yacht, escobarderie… Autant de synonymes pour décrire un moyen de transport bien connu des Calédoniens : le bateau. Quelle que soit leur forme, leur taille, leur mode de navigation, on dit que chaque embarcation possède une âme. Dans cette série d’articles, nous vous présenterons les concepts et navires les plus originaux du monde, à mi-chemin entre féerie, innovation et folie humaine : chers lecteurs, bienvenue dans notre série « Maman, les p’tits bateaux qui vont sur l’eau… » !

Après avoir vogué dans les profondeurs à bord du RV Flip, on se retrouve dans ce nouvel épisode pour vous faire découvrir un cargo qui ne se contente pas de pousser de la marchandise d’un port à l’autre, mais qui le fait presque en dansant avec le vent. Voici le Neoliner Origin, né le lundi 13 octobre 2025 à Nantes, pour une odyssée transatlantique et un pari durable.

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Le rugissement du silence

D’ordinaire, les cargos ne font pas dans la discrétion. Le Neoliner Origin, lui, avance en silence. Long de 136 mètres pour 24 mètres de large, ce mastodonte des mers n’a rien d’un petit voilier de plaisance avec ses deux mâts en carbone qu’il hisse fièrement. Ces ailes d’aluminium et de fibre composite se dressent comme des géants mécaniques capables de pivoter et de s’incliner pour passer sous les ponts, passant d’un grand garçon de près de 90 mètres à un petit bonhomme de moins de 42 mètres.

Neoliner Origin
Le Neoliner Origin fait sa révérence © Sebastien Salom-Gomis

Sous le pont, trois cales monumentales, prêtes à entreposer jusqu’à 5 300 tonnes de marchandises (véhicules, matériel industriel, conteneurs) grâce à des garages hauts de sept à neuf mètres. Et côté vitesse, on est sur environ onze nœuds, un rythme tranquille, certes, mais considérablement économe.

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Le vent comme moteur

Le transport maritime, c’est 90% du commerce mondial et près de 3% des émissions de CO₂ globales. Autant dire que faire évoluer ce secteur, c’est tout sauf simple. Le Neoliner Origin mise donc sur la puissance du vent pour réduire sa consommation de carburant de 60 à 80% selon les trajets. Son secret se cache dans une propulsion hybride où la voile fait le gros du travail, tandis qu’un moteur diesel-électrique prend le relais quand Éole boude. Grâce à un système de routage météorologique, le navire choisit ses trajectoires en fonction des vents dominants. Les voiles s’orientent automatiquement, les plans anti-dérive s’ajustent, et tout l’équipage surveille la performance en temps réel.

Derrière ce défi technologique, se cache aussi une ambition symbolique, celle de prouver qu’un cargo à voile peut rivaliser avec les mastodontes au fioul. Un pari que les partenaires (Manitou, Renault, Clarins, Longchamp, Hennessy ou encore Bénéteau) ont choisi de soutenir. 

Neoliner Origin
L’ambitieux Neo © Gerard Bottino

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Sur mer et sur scène

Le lundi 13 octobre 2025, sur les quais de Saint-Nazaire, les curieux se pressaient pour assister à la mise à flot officielle de ce tout premier grand voilier-cargo moderne. Le Neoliner Origin faisait son entrée dans la grande famille des navires mythiques. Parti quelques semaines plus tôt du chantier turc où il a été construit, le navire a rejoint son port d’attache via la Méditerranée, avant de remonter jusqu’à Nantes. 

Au-delà du spectacle, cette inauguration marque une étape charnière, celle d’un retour du vent comme énergie principale pour le fret. On n’avait pas vu ça depuis des siècles ! Sauf que cette fois, le sextant a laissé place à la data, et le vent a trouvé sa place dans l’industrie 4.0.

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Vent d’espoir ou tempête à venir ?

Le Neoliner Origin, c’est bien plus qu’un simple navire, c’est un trait d’union entre la tradition du vent et la modernité industrielle. Il incarne l’espoir que le transport maritime, souvent déprécié pour ses émissions, puisse changer de cap sans perdre sa capacité logistique.

Bien sûr, le pari n’est pas gagné. L’exploitation, la fiabilité, le coût, les aléas météorologiques, les temps de voyage plus longs, et tout cela va bientôt être mis à l’épreuve sur les vagues de l’Atlantique. Mais si ses promesses sont tenues, le Neoliner pourrait bien être le précurseur d’une flotte de demain, plus respectueuse de notre planète.

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