Vous êtes-vous déjà posé des questions sur l’échouage des tortues ? Savez-vous qui s’occupe de les recenser et pourquoi ? En cette soirée du 16 mars 2024, une conférence sur cette triste thématique était organisée par le CNC. Durant près d’une heure, Tyffen Read, docteure et adjointe au service de prévention de proximité et d’accompagnement technique de la province Sud, a satisfait la curiosité du public en partageant quelques unes des actions phares mises en place sur le Caillou.
Si on vous dit « conférence » et que vous pensez à un chercheur soporifique avec un pantalon en velours et veste en tweed, c’est que vous ne connaissez pas Tyffen ! Dans une ambiance détendue et avec beaucoup de pédagogie, la scientifique a partagé ses connaissances et expériences locales avec un public aux aguets.
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Qui de l’œuf ou de la tortue ?
Pour savoir de quoi on parle, encore faut-il être tous sur le même pied d’égalité. En guise de mise en bouche, une remise à niveau général sur le cycle de vie des tortues. Après leur naissance, le cycle de vie des tortues se compose de trois phases bien définies. Pendant ses cinq à dix premières années de sa vie, l’animal Ninja se contente de se laisser porter par les courants. Même si on se doute que cette période leur vie n’est pas très palpitante – un peu comme un dimanche soir canapé –, les scientifiques disposent de peu d’éléments sur ces années « à vide ».
C’est à partir de l’adolescence qu’ils retrouvent plus facilement la trace de ces drôles d’animaux. Arrivée à leur « taille assiette », les tortues décident de s’activer : elles sortent des courants et partent à la recherche d’un domicile pour vivre et s’installer jusqu’à leur trentaine. Passé cet âge, elles arrivent à maturité sexuelle et rendent les clefs de leur habitat pour se lancer dans un périple qui les ramènera finalement là où tout a commencé. Après avoir trouvé plusieurs partenaires à leur goût, les tortues femelles sortent de l’eau pour pondre leurs œufs sur la plage où elles ont vu le jour. Poétique non ?
En Nouvelle-Calédonie, les tortues sont protégées par le code de l’environnement, permettant la préservation des sites de vie et de ponte des tortues. Trois espèces sont majoritairement présentes sur le Caillou : la tortue verte et la tortue grosse tête qui pondent sur nos plages, ainsi que les tortues imbriquées, qui habitent nos lagons.
Même si les tortues vertes sont communes en Nouvelle-Calédonie, ces trois espèces sont en danger d’extinction. Les facteurs sont multiples mais Tyffen a attiré notre attention sur les causes environnementales ; aujourd’hui, le réchauffement climatique a un réel impact sur le sexe des tortues, celui-ci étant déterminé par la température du nid. À ce jour, le Pacifique arrive presque à un ratio de 100% de tortues femelles. Et même si nous avons envie de chanter « who run the world ?», l’aménagement des sites de ponte devient nécessaire afin de rééquilibrer la balance avant d’arriver à un point de non-retour.
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Tortue à la dérive !
Vous l’aurez compris, le cycle de vie d’une tortue est très long et, pourtant, peu atteignent l’âge adulte. Protéger et soigner quand cela est possible, ou essayer de comprendre les causes de leur mort, deviennent alors deux options capitales dans la protection de ces espèces. Aussi, en 2019, une convention a été signée entre la Province Sud et le COSS NC – Centre de Coordination de Sauvetage Maritime de Nouvelle-Calédonie – afin de mettre en place des procédures lors de l’échouage d’animaux. Au départ créée pour les dugong, cette convention s’est étendue l’année suivante aux tortues. Les données d’échouages collectées ont alors permis d’identifier des causes, des périodicités… utilisées ensuite pour comprendre et analyser l’écosystème.
En moyenne, cinquante tortues par an s’échouent sur nos côtes ; de plus, des périodes liées aux courants marins ont pu être identifiées. Malheureusement, 50 % d’entre elles ne survivent pas à ce changement de cap. Des autopsies sont alors pratiquées pour identifier les causes du décès. Au-delà des morts naturelles, nos médecins légistes des mers ont mis en avant des facteurs corrélés aux changements environnementaux. Les responsables désignés sont, notamment, les maladies digestives liées au changement d’alimentation et la fibropapillomatose, une maladie de peau causée en partie par la pollution des océans.
Mais, haut les cœurs, grâce au travail des bénévoles et scientifique, ce triste chiffre n’est pas un fin en soi ! Ainsi, aujourd’hui, 35% des tortues récupérées sur nos plages sont sauvées et amenées à l’Aquarium des Lagons pour être soignées et relâchées. Depuis plusieurs années, institutions, associations et nations, essayent de travailler main dans la main dans l’espoir d’inverser la tendance, malgré des cadres juridiques différents.
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Un réseau d’échouage ? Quèsaco ?
Il faut le répéter, même à outrance : la prévention et la sensibilisation écologiques sont des piliers centraux dans bien des domaines. En 2023, le service de Tyffen a ainsi proposé la mise en place d’un réseau d’échouage dédié à l’ensemble des animaux marins.
L’objectif de ce réseau est de pouvoir démultiplier les forces vives sur le territoire afin de pouvoir agir rapidement lorsqu’un échouage est signalé au COSS NC. En 2023, 117 personnes ont été formées, pouvant ainsi aider et relayer le service de prévention de proximité et d’accompagnement technique de la province Sud. Trois niveaux de formations ont été proposés. Le premier, à destination des personnes engagées dans les associations environnementales, qui peuvent donc procéder aux premières mesures et identifications. Le second vise le secteur semi-professionnel, comme les pompiers ou les gardes-nature. Et le dernier s’adresse aux vétérinaires afin de constituer une dream team de médecins formés.
La prochaine session de formation aura lieu en 2025 mais, en attendant, si vous rencontrez un animal échoué appelez le 16 qui transmettra l’information pour mobiliser cette ligue de super-sauveteurs !
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