L’océan Pacifique, en plus d’être l’océan le plus vaste du monde, est aussi un joyau océanique aux eaux limpides. Souvent perçu comme une vaste étendue de sérénité et de beauté naturelle, il recèle en réalité la profonde cicatrice d’un passé tumultueux. Au fil des décennies, le Pacifique a été le témoin silencieux de certains conflits, notamment celui de la Seconde guerre mondiale. Les ravages de cette guerre ont laissé derrière eux des vestiges sous-marins et quelques pollutions.

En effet, si ces derniers racontent des histoires passionnantes, ils sont aussi la marque d’une pollution invisible à l’œil nu. En effet, beaucoup des épaves de la « 2WW » sont considérées comme polluantes ou en voie de l’être. La Nouvelle-Calédonie a d’ailleurs largement conscience de cette problématique. Ainsi, les vestiges sous-marins soulèvent aussi la question de leur impact sur les écosystèmes marins et de leur préservation… 

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Plongée entre attraction touristique et bombe écologique

Les épaves sont des legs et des témoins essentiels pour notre histoire. Elles font aussi le bonheur des plongeurs à travers le globe. On ne compte plus les épaves célèbres qui deviennent des hauts lieux touristiques. SS Yongala en Australie, USS Susan B Anthony en Normandie ou encore USS Cuba en Californie… Chez nos voisins du Vanuatu, c’est le SS President Coolidge qui continue à faire le show. Paquebot de luxe américain coulé le 26 octobre 1942 après avoir heurté deux mines, il repose désormais à 20 mètres de profondeur. Englouti sous les flots depuis près de 80 ans, il n’a rien perdu de sa superbe ! Son épave est en effet remarquablement bien conservée, ce qui explique sa renommée mondiale. Le visiter nécessite d’être accompagné par des moniteurs, ce qui ne décourage pas quelques 20 000 curieux de s’y aventurer chaque année pour un moment hors du temps.

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Plongée au cœur du navire SS President Coolidge au Vanuatu © World Adventure Divers

Au-delà de la curiosité et de la fascination qu’elles suscitent, les épaves font naitre chez d’autres de l’inquiétude : la pollution qu’elle engendre. Cette inquiétude est malheureusement plus que fondée et elle n’en est qu’à ses débuts. En 2004 une étude est officiellement demandée à la biologiste de renom Dagmar Schmidt Etkin, spécialiste en marée noire. Elle a estimé qu’environ 8 500 épaves jugées à risque gisent au fond de nos mers à travers le monde, dont ¾ seraient liés à la Seconde Guerre mondiale. Ces dernières renfermeraient quinze millions de tonnes d’hydrocarbure, qui risquent donc à terme de devenir des marées noires. La corrosion des épaves, lente mais certaine, laisse s’écouler peu à peu l’hydrocarbure que ces bombes à retardement renferment et qui dégrade la faune et la flore.

Partie de ce triste constat, Raphaëlle Danis, océanologue et passionnée de l’environnement, a participé – et remporté ! – l’Océan Hackathon Nouvelle-Calédonie 2022. Elle a travaillé sur ces fameuses épaves sous-marines. Pour certaines d’entre elles, le risque de déversement de produits toxiques dans non eaux est plus qu’imminent. Consciente de cette réalité plus qu’urgente, elle a décidé de créer une cartographie interactive pour localiser ces épaves et ainsi mener des actions de dépollution. Une nécessité si on ne veut pas que l’Océan Pacifique se transforme en gigantesque marée noire… 

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Marée noir en perspective ? © Arte « Épaves et pollution »

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La Blue Tech à la manœuvre pour la gestion de ces reliques sous-marines

Afin également d’agir pour préserver notre lagon, d’autres initiatives locales et « Blue Tech » voient le jour. C’est le cas d’Island Robotics qui explore le lagon à la recherche d’épaves ou débris historiques en tout genre, qui restent pour beaucoup non localisés. Que ce soit dans un but de mieux connaitre notre passé ou de dépolluer nos baies, ces actions demandent un travail très précis.

© Abyssa

Au-delà du danger représenté par la pollution de ces nautilus en tout genre, lorsque ces épaves sont retrouvées, elles doivent pour certaines être démantelées. Sur le territoire, l’entreprise Royal Recy Boat est notamment spécialisée dans le démantèlement de bateaux hors d’usage et le recyclage de déchets issus de la fibre de verre. Le traitement de ces reliques océaniques est en plus réalisé localement, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Une économie circulaire et vertueuse qu’on ne peut qu’encourager !

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Mission à haut risque pour ce plongeur-démineur © Archives Défense FANC

Parfois, ce démantèlement doit s’accompagner d’une manœuvre supplémentaire et périlleuse, le déminage. Il est fréquent sur le territoire que des opérations de ce genre aient lieu, encore aujourd’hui. En juillet 2022, des scaphandriersplongeurs ont dû identifier et analyser 1 600 « cibles magnétiques » situées dans le Port autonome, toutes datant de la Seconde Guerre mondiale. Mortiers, obus ou encore mines… autant d’engins potentiellement encore explosifs qu’il est important de neutraliser, pour la sécurité des usagers du lagon. En 2021 c’était un obus de 105 mm, situé à proximité directe de l’îlot Larégnère à seulement 2 mètres de profondeur qui avait été détruit. Ce type d’opérations est non sans risque, que ce soit pour nos écosystèmes marins ou pour nos populations. Cette problématique des épaves sous-marines est ainsi plus que jamais vive…

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