Vous ne vous êtes jamais demandé quelles étaient les histoires derrière ces hommes et ces femmes au marché au poisson de Nouméa ? Ces travailleurs acharnés, pour qui l’amour de la mer et de la pêche ne s’explique pas. Bien souvent, c’est un loisir voire une passion qui s’est transformée en métier. C’est l’histoire de Christophe Pierron.

Peut-être l’avez-vous déjà croisé sur le lagon ou au marché de Nouméa ? Son histoire avec la mer sonne comme une évidence. Voilà plus de 50 ans que ce Calédonien se dévoue corps et âme à la pêche, qu’il a découvert auprès de ses parents… alors qu’il n’était encore qu’une crevette. Nous avons rencontré Christophe, claquettes en éventail, autour d’un café, près de son port d’attache.

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Bercé par la houle

Chez les Pierron, dire que la pêche est une histoire de famille, est un euphémisme. Christophe et ses frères et sœur auraient pu naître sur un bateau – leur mère, même enceinte de sept mois, n’hésitait pas à tenir les lignes et remonter les filets de pêche avec son mari. A ce moment-là, l’avenir du petit Christophe semble déjà tout tracé. “Dès qu’on est né, on était dans les couffins et on était dans le bateau” raconte-t-il. Bref, Christophe est tombé dans la marmite de soupe – de poisson – quand il était petit.  

En grandissant, impossible de rester loin du littoral ; l’appel du large est trop fort pour le moussaillon. “Quand ma mère m’emmenait au collège Mariotti le matin, on passait à la baie des citrons et si on voyait un banc de maquereaux on faisait demi-tour” rigole Christophe. Des matinées d’école transformées en matinées de pêche, il y a plus dur quand on a 14 ans. “Et le vendredi soir, en sortant du collège, mon père venait me récupérer au Rocher à la voile avec un petit canot et on allait à la pêche.”

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Tel père, tel fils © NeOcean

Mais tout bascule en 1984. Après un accident qui fait disparaître le bateau familial au fond de l’eau, Sylvain, son père perd son outil de travail. Il essaye alors de dissuader son fils de faire ce métier de pêcheur. Christophe se reconcentre sur ses études, jusqu’au baccalauréat avant d’enchaîner différents boulots, de Nouméa en passant par Houaïlou… mais au final, ce marin calédonien n’a jamais voulu emprunter une autre voie que celle de la mer.

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Réveil aux aurores

En 2008, Christophe se lance même un pari fou : construire son propre bateau. Débrouillard et bricoleur, rien ne lui fait peur – découpe, soudure… il fait tout de A à Z ! Son nom ? Inch’allah 2, son porte-bonheur en mer – un hommage à sa maman aujourd’hui disparue. Désormais, chaque semaine, le Calédonien sillonne le lagon, une histoire d’amour qui dure, qui dure…  

Il est trois heures du matin, le réveil sonne, il faut se lever – ça pique les yeux ! Christophe troque son oreiller pour sa casquette avant de lever l’ancre. Cap sur le lagon sud pour quelques jours, pour espérer ramener du poisson frais pour les clients du marché. Depuis 2013, père et fils ont posé les glacières sur un stand de port Moselle. Rougetssaumonéesmulets… qui veut du poisson bien frais ? “On s’adapte à la demande des clients et on essaie de varier les espèces le plus possible” explique-t-il. Objectif : entre 200 et 300 kg par sortie. 

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Un petit café pour réchauffer le coeur ? © NeOcean

Christophe et son père sortent deux à trois fois par semaine et très souvent, ils restent deux jours en mer. Sur son bateau de sept mètres, Christophe a fait de la place dans sa cabine pour deux matelas, une sono et un petit réchaud de fortune… “son réchauffe cœur” comme il aime à l’appeler. Bref, de quoi camper simplement à la belle étoile et dormir, bercés au rythme des vagues. Christophe le sait, ce métier est difficile et pour lui, si on n’est pas passionné, c’est impossible. Du lundi au dimanche, hiver comme été, à dépendre de la météo et des marées … pêcher n’est pas un métier de tout repos et apparemment, les fils de Christophe l’ont bien compris : trois garçons et pas un seul qui l’accompagne sur le lagon ! 

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Mon beau lagon

Chaque spot, chaque creux de vague, chaque technique de pêche… il a tout appris sur le tas, auprès de son père. Comment attirer les maquereaux dans son filet, comment fabriquer un montage léger pour séduire les nageoires qui passeraient sous son bateau… la pêche n’a plus de secrets pour lui bien que parfois, il faut savoir conjuguer avec dame nature.

La réalité l’a frappé il y a quelques années maintenant, le lagon n’est plus le même. “Il faut aller de plus en plus loin, dans des spots moins fréquentés pour trouver du poisson explique-t-il. La faute à qui ? Difficile à dire. Et la mer ne serait pas la mer sans ses redoutables carnassiers : les requins. Christophe en voit de plus en plus, ce qui n’était pas le cas, il y a un peu moins de dix ans. “Il y en a de plus en plus. Ils mangent les poissons qui sont sur la ligne, et bien souvent, ils cassent le montage. Parfois, on ne remonte rien !” Bouledoguetigrepointe noire… ils sont impitoyables lorsqu’il s’agit de chair fraîche. 

Si Christophe aime son métier par-dessus tout, il reste néanmoins réaliste : d’ici dix ans, peut-être sera-t-il temps pour lui de ranger la canne à pêche et les appas, du moins pas pour le plaisir. Impossible pour ce marin de rester loin de la mer trop longtemps. Pêcheur un jour, pêcheur toujours. 

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Bande de maquereaux ! © NeOcean

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