Comment s’adapter aux impacts du changement climatique sur le littoral ? C’est la grande question qui a animé la conférence donnée à la CPS, ce 23 novembre. Elle était animée par Virginie Duvat, professeure de géographie à La Rochelle Université, membre sénior de l’Institut Universitaire de France et autrice principale du sixième rapport du GIEC

Spécialiste du changement climatique sur les littoraux tropicaux, elle est venue apporter un éclairage sur cette nouvelle donne. Un sujet vaste et complexe mais qu’il est bon de mettre en évidence pour alerter les populations et les politiques.

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Changement climatique : la température grimpe

“On bascule dans une nouvelle ère, l’ère de la crise climatique.” Voilà 25 ans que Virginie Duvat travaille sur ce fléau, dans les îles tropicales. Après avoir vécu dix ans dans l’océan Indien, elle s’est ensuite concentrée dans le Pacifique, en Polynésie française et plus récemment en Nouvelle-Calédonie

Avant toute chose, elle a rappelé la situation dans laquelle se trouve notre chère planète Terre. Récemment, à l’été 2020, c’est la première fois que l’on a pu observer dans le monde des phénomènes exceptionnels tels que des inondations extrêmement fortes en Europe ou des incendies ravageurs au Canada et en Australie. Des évènements qui ont “secoué tout le monde”, le signal que l’on est entré dans une nouvelle dimension “où le climat et l’océan s’emballent.”

Pour Virginie Duvat, “le début de l’histoire c’est que le changement climatique est dû aux activités humaines qui libèrent de l’effet de serre.” Conséquence : la planète se réchauffe, l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite qu’avant, les continents se réchauffent plus vite que les océans… bref, le thermomètre commence sévèrement à rougir. Au cours des cinquante dernières années, selon les rapports du GIEC, le Caillou a connu un réchauffement de plus d’1,3 °C ; c’est bien plus que la moyenne mondiale qui est de 0,8 °C.

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La goutte d’eau qui fait déborder…. l’océan 

Dans cette crise mondiale, l’élévation du niveau de la mer est aussi un enjeu majeur pour nos littoraux. Selon le dernier rapport du GIEC, les estimations à Nouméa décrivent une augmentation de plus de 3 mm par an depuis 1993 soit près de 10 cm en 30 ans. “L’élévation se poursuivrait même si on arrêtait les émissions de gaz à effet de serre. C’est un phénomène qui va se poursuivre pendant des millénaires.”

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L’assemblée semble préoccupée… © NeOcean

Quelques projections pour la Nouvelle-Calédonie ? Températures atmosphériques qui montent, augmentation des pluies et de la sécheresse, diminution des cyclones…. Tout cela a bien évidemment un impact sur les écosystèmes, à commencer par les coraux

D’ici à 2100, on perdra 70 à 90% des coraux à l’échelle de la planète. Les herbiers marins sont également également menacés. La contribution de ces écosystèmes au bien-être de l’humanité est aujourd’hui remis en cause. 

Virginie Duvat, superwomen du changement climatique

En Nouvelle-Calédonie, les pressions viennent souvent des cyclones. En 2003, Erica avait dévasté les récifs de la côte Ouest qui ont mis plus de dix ans à s’en remettre. La bonne nouvelle, c’est que sur le Caillou, 75% des récifs sont en bon à très bon état et seulement 25% sont dans un état moyen à mauvais. L’histoire n’est pas la même du côté de la Réunion, de Mayotte et des Antilles où 62% des récifs sont en mauvais voire très mauvais état.

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Prends ça dans tes côtes ! 

Impossible aujourd’hui de parler de changement climatique sans parler d’érosion. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, d’après Viriginie Duvat, environ 250 millions de personnes subissent chaque année une submersion marine. Avec le temps qui passe, l’érosion côtière est un phénomène qui va augmenter et ça se manifeste par un recul du trait de côte, vers l’intérieur des terres.” La bonne nouvelle, c’est qu’il ne recule pas partout et là où c’est le cas, il n’est pas continu car l’érosion n’est pas un phénomène linéaire. A l’Île des Pins par exemple, dans la baie de Kanuméra, on a perdu 23 mètres en 64 ans, soit moins d’un mètre par an. Alors comment et jusqu’à quel point peut-on réduire les risques côtiers ? Quelles solutions pour s’adapter au changement climatique ? 

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Petit palétuvier deviendra grand © Association Hô-üt

Jusqu’à présent, partout à l’échelle du globe, les pays semblent avoir privilégiés le recours à des solutions d’ingénierie technique comme la construction de murs, de digues ou de cordons d’enrochement soit des ouvrages lourds. Depuis cinq ans, les spécialistes se rendent compte que cette mesure renforce le risque au lieu de le réduire. L’érosion démantèle les ouvrages, car ils peuvent être mal construits ou mal entretenus par exemple. “Ces ouvrages ont tendance à faire disparaître les plages, avec des conséquences sur les tortues marines par exemple” a fait remarquer Virgine Duvat. 

Parmi les autres solutions, on peut également citer la construction d’habitations adaptées aux littoraux, avec des maisons à étages par exemple ou du mobilier qui se déplace. En Nouvelle-Calédonie, certaines associations ont misé sur des solutions basées sur la nature et les écosystèmes. A Touho par exemple, sur la côte Est, l’association Hô-üt réhabilite la mangrove et à Bourail, l’association Bwärä Tortues Marines a entrepris des actions de restauration de la végétation du littoral, notamment pour protéger les sites de pontes des tortues. 

Mais aujourd’hui, comment on fait pour écrire la suite de l’histoire ? “Il faut réfléchir collectivement à un futur désirable, à des combinaisons de solutions spécifiques aux territoires qui sont évolutives dans le temps et en fonction du réchauffement climatique.” A bon entendeur…

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