Ne vous semblerait-il pas que les fonds marins soient au centre des discussions cette année ? Il faut dire qu’entre la journée internationale de l’Océan, le moratoire récemment adopté par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la conférence qui a lieu en ce moment même au Château Royal, il y a de quoi papoter… Aussi, mardi 13 juin et mercredi 14 juin, se tiennent, au Château Royal à Nouméa, deux journées entièrement dédiées aux problématiques concernant les fonds marins.

Le comité France Territoires du Pacifique du PECC (FPTPEC) est à l’initiative de la tenue de ce séminaire international organisé dans le but de dresser un état des lieux de la connaissance des fonds marins et de leurs potentialités au-delà des seuls aspects miniers. La première journée a réussi à mettre autour de la table experts, scientifiques, politiciens et juristes issus de tout le Pacifique afin de discuter gouvernance, technologies, biologie marine, culture et, bien sûr, de protection des écosystèmes marins. Peu de débats mais beaucoup de problématiques soulevées à travers ces quatre thématiques. Retour sur cette première journée forte en apports scientifiques.

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Gouvernance des fonds marins 

La journée fut lancée par le discours de plusieurs officiels, guidés par Geneiève Pons. Au pupitre, Pascal Lamy, directeur français du FPTPEC, suivi des deux co-directeurs Richard Cantor (États-Unis) et Yongxin Zhan (Chine) a pris la parole, bientôt suivi par Jérémie Katidjo Monnier, membre du Gouvernement en charge du Parc Naturel de la Mer de Corail, ainsi que de Louis Lefranc, Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

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Jérémie réaffirme sa position sur le moratoire © NeOcean

Si tous ont rappelé l’importance d’une meilleure connaissance des fonds marins, les premières dissonances se sont rapidement faites entendre. D’un côté, des pays comme la France, ont affirmé la nécessité d’un moratoire et d’une interdiction d’une quelconque exploitation minière ; de l’autre, des pays pour qui les fonds marins sont surtout des espaces à exploiter, car riches en ressources minières. D’acc ou pas d’acc ?

« Peut-on mettre tout le monde d’accord » ? Telle est la question – éminemment politique – sous-jacente. En premier lieu, ce sont des juristes qui ont pris la parole. Leur intervention avait pour but d’apporter des éclaircissements vis-à-vis des lois existantes et de leur champ d’application. Ça commençait « costaud » d’aussi bon matin ! Il faut dire que la question était particulièrement épineuse… Pourtant, les juristes et Olivier Poivre d’Arvor, Ambassadeur français en charge des questions maritimes, semblaient tous au fait que la décision appartient au politique qui doit ainsi prendre position.

« Les politiques doivent prendre leurs responsabilités pour fédérer les Nations du monde entier ».

Olivier Poivre d’Arvor, Ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes chez Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Reste à savoir si cela est réalisable : la question est restée en suspens et le restera sûrement encore quelque temps…

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Culture des Océaniens : une position commune sur les grands fonds ?

Alors que la pause café se termine, une nouvelle conférence débute. Les trois intervenants pour cette session ? Jean-Yves Poedi, du Sénat Coutumier, Josine Tiavouane de Conservation International et Alex Herman, Commissaire à la Seabed Minerals Authority des Îles Cook. Si la question des fonds marins est souvent abordée de façon purement technique, ces trois experts ont mis l’accent sur l’aspect culturel de l’océan et le rapport des peuples océaniens à cet environnement. Un peu de douceur dans ce monde de débats économiques…

Lors de leur prise de parole, chacun a rappelé la symbiose de leur peuple respectif avec l’océan, tant d’un point de vue naturel que culturel. Ils ont également parlé de leur rapport sacré à la mer et de la construction sociale de leur histoire vis-à-vis de l’océan. Pourtant, leur avis différait sur la manière dont ils pourraient protéger l’océan sur le long terme. Si les deux premiers intervenants Kanaks ont défendu le récent moratoire actuellement dans les mains du Congrès, Alex Herman, quant à elle, a fait part d’une vision plus pragmatique : à ses yeux, il paraît évident que les fonds marins sont des environnements à protéger mais exiger un moratoire de la part de toutes les Nations mondiales ne serait pas forcément la solution à prioriser. Comme quoi, malgré une culture ancestrale commune, les avis divergents persistent… La question reste, à nouveau, en suspens…

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Vingt-mille vies sous les mers 

Après cette pause-dej’ forte en discussions politiques avec les « officiels » et un troisième café pour résister au coup de barre de la digestion, Lionel Loubersac, en animateur-chronométreur de discours – ironique ? – a lancé la troisième session : qu’y a-t-il dans nos fonds marins ? Que sait-on des ressources biologiques qui s’y trouvent et pourquoi est-ce important d’explorer et de connaître ? Attention, partie technique !

Des scientifiques de tous bords ont ensuite pris la parole lors de cette troisième session : Lauren Mullineaux, Kim Picard, Kevin Mackay, John Parianos et Karine Olu se sont ainsi partagé la scène pour éclairer les participants sur les richesses biologiques des grands fonds. À base de powerpoints et de présentations millimétrées, les intervenants ont présenté les résultats de leurs travaux. L’infiniment petit est bien présent au fond de l’océan et constitue sa vitalité. Mais, au-delà des noms techniques et des microparticules essentielles à l’équilibre marin, ce que nous avons retenu se trouve dans la diversité des études menées : géologie, topographie sous-marine, biologie, océanographie… Tous ces résultats confirment que ces équilibres sont fragiles et constituent les maillons d’une chaîne bien plus grande, nécessaire à l’équilibre de notre climat et, par conséquent, à notre propre survie. À bon entendeur !

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« Nous réaffirmons que le changement climatique reste la plus grande menace aux moyens de subsistance, à la sécurité et au bien-être des populations du Pacifique et notre engagement à faire progresser la mise en œuvre de l’accord de Paris. »

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Et la technologie dans tout ça ?

Quatrième session, quatrième café de la journée et nous voilà partis dans l’univers merveilleux de la technologie ! Car, comme le dit si bien Jérôme Aucan, l’un des intervenants, pour comprendre tous les mécanismes et découvrir les fonds sous-marins, il a bien fallu y plonger de la technologie… Et pas qu’un peu d’ailleurs ! Si la surface de la Lune est plus connue que le sol de la fosse océanique la plus profonde découverte à ce jour, on peut légitimement croire qu’il y a encore beaucoup d’innovations et de technologies à immerger pour mieux comprendre.

Au programme de cette dernière session ? La parole d’experts qui développent, au travers de leur métier, des technologies pour faire avancer la recherche et les connaissances. À deux voix tout d’abord, Antoine Queval et Laurent Mingoual (OPT) nous ont expliqué le fonctionnement de leurs câbles sous-marins « SMART », capables de récolter des données pour comprendre les mouvements marins et ainsi prédire les tsunamis – entre autres -… Relativement essentiel quand on pense aux derniers événements en date dans le Pacifique

Puis, Jérôme Aucan est venu présenter les enjeux concernant la captation du CO2 par les océans. Régulateur essentiel du climat, il ne faut cependant pas oublier que l’océan ne supprime pas pour autant le CO2 d’un coup de baguette magique ! Présentation particulièrement vulgarisée, cette prise de parole a suscité plusieurs questions et un intérêt tout particulier de l’audience. Enfin, Jean-Marc Sorlin, directeur d’Abyssa, a terminé les sessions de la journée en présentant les différents moyens technologiques pour partir explorer les fonds les plus profonds ; AUV, drones, satellites : de quoi plaire à nos techniciens locaux !  

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Quelle place pour les Océaniens à l’international ?

Alors qu’il faisait déjà nuit, la journée s’est terminée avec un comité plus restreint, autour de la présentation de la Conférence de Nations Unies qui se tiendra à Nice en 2025. Cette conférence de l’ONU est présentée comme une opportunité de mobiliser la communauté internationale autour des enjeux de l’océan sur le territoire français et ainsi, de faire rayonner les actions de l’Hexagone au niveau mondial.

« UNOC doit être à l’océan ce que la COP21 a été au climat : un moment pour prendre des décisions politiques importantes en faveur de la préservation de l’océan. L’Océan mérite son propre rendez-vous ! ».

Olivier Poivre d’Arvor

Alors certes, les conférences ont eu toutes à cœur de mettre l’océan, et particulièrement les fonds marins, au cœur des enjeux de demain, mais il reste encore un long travail de vulgarisation et de sensibilisation auprès du grand public. En effet, ces initiatives sont nécessaires ; les sphères politiques, scientifiques, économiques, juridiques doivent se rencontrer, se confronter et avancer ensemble vers des décisions communes… sans se laisser pour autant enfermer dans des discussions trop complexes et sans issues.  

La société civile reste un acteur phare dans les décisions de demain et l’inclure dans ces éclaircissements semble un peu plus urgent de jour en jour. Ces enjeux « capitaux » autour des fonds marins et d’une meilleure gestion mondiale doivent être rendus plus audibles afin que chacun puisse se saisir de ces questions et agir en faveur de ce patrimoine commun. Ainsi, ces conférences, aussi intéressantes soient-elles, sont un premier pas qu’il faut prolonger dans la sphère publique… Rien n’est gagné, rien n’est joué : suite au prochain épisode !

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Quelques avantages à finir tard… © NeOcean

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