Ce matin-là, notre rendez-vous du jour nous a menés sur les bords la piste de décollage de l’aérodrome de Poé. Alors que nous venions de tester un vol en ULM avec Air Paradise, nous avons atterris avec l’envie d’en savoir plus sur le pilote qui nous a conduits dans de paradis bleu. Olivier Paul, gérant de la société d’hydravions, est une boule d’énergie dont l’accent du sud – de la métropole – a résisté aux nombreuses années sur le Caillou.
Entre deux vols safari, il nous a raconté son arrivée en Nouvelle-Calédonie et sa vie professionnelle, guidée par la passion. Du pilotage de motos à celui d’hydravions, Olivier nous partage son émerveillement quotidien à travers son activité. En dehors des vols touristiques qu’il propose, il participe aussi à des missions scientifiques. Domaine qu’il veut développer, il se livre à propos de son amour pour le lagon, pour les animaux marins et son engagement pour prévenir, sensibiliser et participer à leur protection. Rencontre avec un passionné, aussi généreux qu’engagé.
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Bonjour Olivier et bienvenue sur NeOcean ! C’est parti pour le Paradis alors ?
Salut NeOcean, et bienvenue à vous dans mon paradis ! Vous avez testé l’ULM avec moi, vous avez pu le voir de vos propres yeux ! Langue de sable blanc au milieu du Pacifique, temps idéal toute l’année et températures plus qu’agréables… Comment ne pas se considérer au paradis ? Et le microclimat qui règne sur Poé nous offre des conditions de vol optimales ! Vivre de sa passion est une raison de plus de dire que c’est le paradis.
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Peux-tu raconter à nos lecteurs ton histoire et celle d’Air Paradise ?
À l’origine, je me destinais au professorat. Il y a plus de trente ans maintenant, j’ai été professeur de sport. J’ai démissionné au bout de six mois ; le métier ne correspondait pas à ma vision et à mes espérances…
J’ai toujours agi en fonction de mes passions. Comme je suis un fan de deux roues et de pilotage, j’ai décidé de fonder des centres pour apprendre à conduire des motos tout terrain dans la région de Toulouse et de Grenoble. Nous proposions aussi l’hébergement et la restauration. Le principe était celui d’un centre de vacances centré autour de la moto. Soixante-quinze employés, six cents personnes par jour. Je vivais pour la moto et j’ai même pu réaliser un de mes rêves : celui de faire le Paris-Dakar en bécane. Une fois que je l’ai fait, j’ai voulu passer à autre chose.
J’ai vendu l’entreprise pour trouver un autre projet. Et là, tu te demandes ce que tu vas faire… Quand j’étais gosse, je rêvais de piloter des avions ! Je m’y suis mis, je me suis formé, j’ai kiffé le truc et je suis devenu pilote d’hélico, puis instructeur… Bref, je suis (re)devenu pilote mais dans les airs cette fois !
Mon installation en Calédonie s’est faite grâce à ces deux passions : je suis arrivé sur le Caillou pour donner des cours de pilotage de moto. Je suis tombé amoureux de ce territoire magnifique. Je savais que c’était là que je voulais poser mes bagages ! J’ai donc pensé aux solutions professionnelles pour y arriver. C’est comme ça que je me suis tourné vers le tourisme et particulièrement les hydravions. J’ai fait mon premier vol en 2018 avec Air Paradise. Depuis, j’ai recruté Simon, il a pris des parts dans un des hydravions et voilà, ça fait cinq ans que la vie s’écoule paisiblement !
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Tu proposes plusieurs types de vols : quelle différence entre chacun d’eux ? Lequel préfèrent tes clients en général ?
Nous faisons découvrir le lagon d’une autre manière à qui veut bien le voir ! Le premier vol proposé est un vol panoramique d’une durée de vingt minutes à haute altitude qui offre un panorama magnifique. Pendant le vol, nous expliquons la formation des passes, les formations coralliennes, nous regardons les animaux de là-haut et c’est déjà l’heure de rentrer.
D’autres vols sont proposés, notamment celui de safari de quarante-cinq minutes. Nous atteignons les cinq cents pieds de hauteur, ce qui permet d’avoir une superbe visibilité. L’idée du vol est d’aider les clients à observer la vie marine et de réussir à identifier les animaux du lagon. J’assure à tout le monde de voir au moins un dugong avant de rentrer.
Les passagers ont la possibilité de prendre l’option vidéo et même l’option pilotage au retour pour plus de sensations et de souvenirs inoubliables. Généralement, ils préfèrent l’option safari, pendant quarante-cinq minutes car ils peuvent observer davantage les détails du paysage avec un temps de vol plus long.
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Tu fais aussi des missions de surveillance. Mais que surveilles-tu de là-haut ?
J’ai été sollicité il y a quelques années lors d’une des premières crises requin. Au départ, je n’avais pas la notion de ce qu’il se passait véritablement sous mon hydravion. Bien sûr, je pouvais le voir et observer ce qu’il s’y passait, mais j’ai commencé à prendre conscience du rôle de l’observation régulière.
J’ai alors commencé à travailler avec des scientifiques en Australie, avec l’IRD qui m’a d’ailleurs aussi permis de travailler avec d’autres organismes. Notamment avec l’Aquarium de Monaco et le Prince, qui a des budgets pour ces questions. Il a d’ailleurs aidé une doctorante pour l’observation de la mégafaune. Elle est venue ici pendant six mois et nous avons travaillé ensemble : vol avec caméras HD, mise au point d’un logiciel basé sur l’intelligence artificielle… Nous quadrillions le lagon et opérions plusieurs passages. Ainsi, grâce à un algorithme et de l’intelligence artificielle, les populations de dugong et autres animaux marins ont pu être quantifiées.
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Pourquoi est-ce une activité que tu développes ? Quel est ton lien à l’environnement ?
J’ai l’habitude de dire que « le lagon ne triche pas ». Même avec trois mille heures de vol à mon actif, je reste toujours ébahi devant la richesse extraordinaire de notre lagon. Nous assistons à des évènements hors du commun. J’ai déjà observé la naissance d’un bébé dauphin. Le placenta était sorti et un requin-tigre se tenait tout proche pour attaquer la mère et le nourrisson. Mais le clan de dauphins protégeait le petit. Ça en dit long sur l’organisation sociale de ces mammifères… J’ai vu toutes sortes d’animaux extraordinaires comme des baleines, des cachalots, des requins-baleines. Je conserve l’émerveillement d’un enfant parce que toutes ces scènes me touchent profondément.
Nous avons la chance en Calédo que cette diversité marine existe encore ! À ma manière, je veux participer à la protection de ces trésors inestimables. J’essaie donc de faire circuler les informations que je recueille, sans pour autant me substituer à la police ou aux scientifiques. Je suis un soutien : nous devons mutualiser les efforts et utiliser les ressources fonctionnelles à disposition. Un exemple très simple : il y a quelques années, des cachalots morts se sont échoués sur la plage, ce qui a attiré inévitablement des requins. Pourtant, avant de dépêcher des bateaux pour tracter les carcasses au large, l’information devait remonter aux autorités compétentes. C’est là que j’interviens et que je me place comme un maillon de cette chaîne.
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Ton lien avec la faune et la flore marines se fait dans les airs : comment arrive-t-on à connecter avec cet environnement quand on vole au-dessus de lui ?
Je ne trouve pas que le lien soit limité et je ne trouve pas du tout ça frustrant d’être à distance. Tout simplement parce que je vois plus de choses que les gens qui sont dans l’eau, j’ai une vue d’ensemble. Si on m’appelle pour repérer telle ou telle espèce, j’indique aux équipes la zone exacte où elle se trouve. Sans cette étape de repérage essentielle par le ciel, les personnes passeraient des jours en mer avant de trouver les animaux. Je préfère être dans le ciel car j’ai une vision complète du lagon.
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Quelle est ta plus belle rencontre dans les airs et ton meilleur souvenir ?
J’ai du mal à choisir un seul souvenir. Tous les jours, je vois des choses merveilleuses ! Et j’adore le partager avec mes clients car les réactions sont si intenses parfois. Ils peuvent passer du rire aux larmes. Un jour lors d’une virée, nous avons vu un animal dans les vagues. Il s’agissait d’un calamar géant ! C’était incroyable, une expérience unique car nous sommes les seuls à voir ce genre d’animal.
Une autre fois, nous avons volé au-dessus d’un des requins les plus grands du monde : le requin-pèlerin ! Totalement inoffensif pour l’homme, c’était assez incroyable de le voir le long de la barrière. Mon client l’a même confondu avec un bateau. Combien de personnes à travers le monde ont la chance de pouvoir en observer un ? Même de là-haut, on pouvait dire qu’il était énorme ! Ce sont des moments vrais, uniques. À chaque fois que je vole, je me demande toujours ce qui m’attend. La nature me touche tous les jours.
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Un dernier mot pour nos lecteurs ou une dernière actu ?
J’aimerais partager davantage ce que je vis. Je sais qu’il existe de nombreuses vidéos montant le lagon… Mais ce n’est pas suffisant pour appréhender la beauté de cet univers marin. Vraiment, c’est incroyable et qui l’a fait, le sait ! Il faut voler pour concevoir la richesse inestimable de notre lagon.
Je peux et je voudrais partager mon quotidien avec des passionnés, des scientifiques, des photographes afin d’avoir encore plus d’interactions avec ceux qui protègent l’océan et qui désirent en apprendre plus. Je souhaiterais développer des actions pour la préservation du lagon, en plus de mes activités touristiques. Donc n’hésitez pas à me contacter, je suis là et équipé, je ne demande qu’à aider !
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