C’est en discutant avec Solène Devez, la juriste pêche côtière et aquaculture de la CPS, que le nom de Marie-Renée Pabouty a été évoqué. Habitant sur la côte Est, à Touho, nous avons profité de notre tour de la Grande Terre pour aller la rencontrer.
Marie-Renée est une pêcheuse professionnelle qui a fait le pari fou, il y a deux ans, de créer des parcs d’élevage d’holothuries. Holothu-quoi ? Plus connues sous le nom de concombre de mer, cette espèce d’invertébrés joue un rôle essentiel dans le lagon. C’est pour cela que Marie-Renée s’est lancée dans cette activité. Elle nous raconte son rapport à son environnement marin et son espoir de (re)créer des passions pour la pêche chez les jeunes.
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Bonjour Marie-Renée, bienvenue sur NeOcean. Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et expliquer ton métier de pêcheuse ?
Bonjour ! Je m’appelle Marie-Renée Pabouty, je viens de la tribu de Koé à Touho, sur la côte Est. Je suis pêcheuse professionnelle depuis plusieurs années. Mon père et mon grand-père étaient pêcheurs et je voulais perpétuer la tradition dans la famille. J’ai donc pris une patente en 2007 et j’ai eu ma carte professionnelle.
À la base, je suis pêcheuse lagunaire. J’ai grandi sur les bords de mer. Pour moi, la pêche des coquillages, des langoustes, des poissons ou des poulpes c’est quelque chose de naturel et de quotidien. Ce sont les anciens qui m’ont appris la pêche traditionnelle et « artisanale ».
Il y a deux ans maintenant, j’ai créé des parcs d’élevage d’holothuries. Aussi connues sous le nom de bêches ou encore de concombres de mer, les holothuries me fascinent car je sais qu’elles sont très importantes pour l’environnement marin. En effet, elles participent par exemple à la purification et à l’oxygénation du lagon.
Cependant, elles ont été beaucoup pêchées en Nouvelle-Calédonie et j’ai voulu réintroduire certaines espèces en créant un élevage. Les résultats sont plutôt bons car des herbiers sont réapparus, les platiers sont plus poissonneux et on a même aperçu un dugong dans la zone ! C’est bien la preuve des effets positifs de ces holothuries sur l’écosystème marin. En plus de l’aspect environnemental, l’élevage d’holothuries permet aussi de soutenir l’activité économique de la zone et de redonner l’envie aux jeunes de devenir pêcheurs professionnels !
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Pourquoi est-ce si important pour toi de développer le secteur de la pêche en Calédonie ?
Pour moi, la pêche est une activité vitale. C’est ce qui permet aux populations du Caillou de se nourrir et de préserver le lagon. C’est grâce aux anciens que j’ai compris et appris à respecter la faune et la flore. Il ne s’agit pas seulement de pêcher des poissons ou des coquillages, il faut respecter la nature et le cycle des saisons. En tant que pêcheuse lagunaire, il faut comprendre cet écosystème et son fonctionnement.
Je suis d’ailleurs membre de l’association « Hô-üt », à Touho, qui fait beaucoup de sensibilisation sur tous ces sujets. Ça m’a permis de continuer à apprendre plein de choses et à multiplier les actions auprès des jeunes. C’est aussi l’un de mes combats : faire (re)venir les jeunes vers le secteur maritime pour qu’ils en fassent leur métier. Il y a le secteur de la pêche bien sûr, mais il y a d’autres métiers tout aussi intéressants pour eux.
En plus de faire partie de l’association, j’ai adhéré à la Fédération des Pêcheurs du Nord qui agit pour la reconnaissance du métier. Jusqu’à peu, il était difficile d’être reconnu à part entière comme professionnel de la pêche. Maintenant, nous avons une carte et nous faisons officiellement partie de la Chambre d’Agriculture et de la Pêche. Il y a du progrès et quelques aides, c’est indéniable. Mais il y a encore du chemin à parcourir pour valoriser notre métier…
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Pour toi, pêche et protection de l’environnement sont indissociables. Quel est ton lien au lagon ?
Le métier de pêcheuse est un métier magnifique. Dur, mais encore une fois essentiel pour la Nouvelle-Calédonie. Le territoire dépend aussi de cette filière et de ce que nous offre la mer. Le lien entre pêche et protection du lagon est donc évident. Notre mission à tous est de prendre soin de nos récifs et des espèces qui s’y trouvent. Il ne faut pas y faire n’importe quoi et pêcher n’importe quand. Le rythme des saisons doit être respecté ! En tant que pêcheuse professionnelle, je fais attention à cet équilibre.
En tant que membre actif de l’association « Hô-üt », j’aide à sensibiliser les jeunes à ces questions environnementales. Les enfants doivent comprendre que la mer est leur avenir. L’association fait donc beaucoup d’interventions dans les écoles. De mon côté, j’essaie de participer à maintenir l’équilibre dans le lagon grâce à l’élevage d’holothuries. Les parcs jouent un rôle économique pour la région mais aussi écologique pour le lagon ! J’aime mon métier pour cet aspect environnemental.
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