Si on vous demande quel est l’animal marin le plus emblématique de Nouvelle-Calédonie, vous répondez… la tortue ? Le dugong ? Pas de jaloux, puisqu’aujourd’hui ce sont les deux personnes qui travaillent activement pour leur protection que nous rencontrons : Karim Chkioua et Valentine Vis

Arrivés en début d’année à l’Agence Neo-Calédonienne de la Biodiversité, ils sont Monsieur et Madame Plan d’Action, tortues pour Karim et dugongs pour Valentine. Ces deux espèces sont menacées dans le monde et leur nombre chute drastiquement. De ce fait, des mesures sont mises en place sur le territoire afin d’assurer leur défense et leur survie. Paroles d’experts !

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Bonjour Valentine, bonjour Karim et bienvenus à vous sur NeOcean ! Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter à nos lecteurs ? 

3 questions croisées à Valentine Vis et Karim Chkioua, en charge des plans d’actions tortues et dugong à l’ANCB
© Valentine Vis

Valentine : Bonjour NeOcean, bienvenue à Koné. Je m’appelle Valentine, j’ai 27 ans et je suis chargée de mission du plan d’action Dugong au sein de l’Agence Néo-Calédonienne de la Biodiversité. Je suis arrivée en janvier, le même jour que Karim d’ailleurs, donc c’est assez récent. Je ne connaissais pas la Nouvelle-Calédonie mais je suis déjà sous le charme ! 

À l’origine, je viens des sciences sociales, j’ai fait un master de recherche en Histoire puis un second master de Relations Internationales à Science Po Strasbourg. Pour autant, j’avais déjà un fort intérêt pour les questions de coopération environnementale ou encore pour les enjeux de patrimonialisation des espaces naturels. À la fin de mes études, j’ai travaillé pendant dix-huit mois dans une association à Paris spécialisée dans les coopérations transfrontalières. Ensuite, j’ai voulu changer de cadre professionnel et de vie. Je me suis envolée vers Mayotte où j’ai travaillé dans une association environnementale. Et me voilà en Nouvelle-Calédonie aujourd’hui ! 

Karim : Bonjour NeOcean, moi c’est Karim, je suis sur le Plan d’Action Tortues, arrivé en janvier, le même jour que Valentine ! Je connaissais déjà bien la Calédonie puisque j’y ai déjà vécu et travaillé pendant un an, en 2018. Avec un ami de Wallis, nous avons créé une association sur les eaux douces dans le Sud. C’est comme ça que je suis arrivé ici il y a six ans, et que j’ai commencé à faire la connaissance du milieu marin. 

À la base, je suis écologue, spécialisé en éco-ingénierie des zones humides. Mon domaine c’est donc à l’origine les eaux douces. Après mon expérience sur le Caillou, j’ai continué à travailler sur le milieu marin, avec une première expérience sur les tortues en Grèce, puis en Guyane, au sein de l’équipe de coordination du Plan National d’Actions Tortues Marines. J’ai aussi enseigné l’écologie et la biologie. 

3 questions croisées à Valentine Vis et Karim Chkioua, en charge des plans d’actions tortues et dugong à l’ANCB
© Karim Chkioua

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Plan d’action tortues (PAT) pour l’un et plan d’action dugong (PAD) pour l’autre ! Avez-vous les mêmes missions ? Quelles sont-elles au quotidien ? 

Karim : Le plan d’actions est un document d’objectifs. C’est un cadre logique, avec des actions définies et hiérarchisées. Chacune d’entre elles est réalisée par un ou plusieurs acteurs pour aboutir à ses objectifs. Mon rôle au quotidien est de coordonner les actions de tous ces acteurs en Nouvelle-Calédonie, que ce soit les collectivités, les coutumiers, les associations, le monde de la recherche, les acteurs socio-économiques ou encore le grand public qui souhaitent s’impliquer dans des actions en faveur de la conservation des tortues marines et de leurs habitats.

Lorsque le plan d’action a été rédigé en 2017 il y avait 86 actions à mener à l’échelle pays et mon but est d’aider à toutes les réaliser ! C’est ambitieux et nous avions cinq ans pour mener à bien ces missions. Elles se décomposent en cinq pôles : un pôle connaissances, un pôle maitrise des menaces sur les habitats, un pôle maitrise des menaces sur les espèces, un pôle sensibilisation, et un pôle gouvernance. En Nouvelle-Calédonie, nous avons un vrai rôle à jouer pour la conservation des tortues ! Ce sont des espèces emblématiques du Caillou qui arrivent, si l’on en croit ce qui ressort de certaines enquêtes, avant le Cagou dans les représentations des populations locales, ! Ces animaux ont une vraie importance d’un point de vue culturel et pour l’équilibre de nos écosystèmes marins. C’est très important pour moi de participer à leur protection. 

Plutôt tortue ou dugong ?

Valentine : Pour le PAD, c’est globalement la même chose. Le plan d’action existe depuis 2010 et il rassemble plusieurs acteurs qui travaillent conjointement : la Province Sud, la Province Nord, le WWF, Opération Cétacés, l’IRD, la DAFE, l’OFB, l’Aquarium des Lagons et le CIE. Mon rôle, en tant que coordinatrice du plan d’actions, c’est de favoriser les échanges entre tous ces acteurs et de faire émerger des projets de conservation des dugongs à l’échelle pays. 

Ici, en Calédonie, cet animal a une forte valeur symbolique. Pour autant, il subit aussi énormément de menaces, dont la première est le braconnage. Notre plan d’action a vocation à lutter contre toutes les menaces qui pèsent sur cette espèce : captures accidentelles, collisions, pollution et dégradation de son habitat et de ses sites de nourrissage… La priorité étant vraiment le braconnage. L’une de nos missions est d’aller au contact des populations et de faire de la sensibilisation très ciblée, afin de faire évoluer les comportements. Les communautés locales sont habituées à chasser le dugong depuis des décennies, voire des siècles. C’est donc un travail très long, mais indispensable si on souhaite préserver l’espèce !

En 2023, le statut du dugong sur la liste rouge de l’UICN a été modifié, passant de vulnérable à espèce en danger d’extinction. On estime à environ 400 le nombre d’individus en Nouvelle-Calédonie. Cette situation est révélatrice de la nécessité de protéger et sensibiliser toutes les populations. D’ailleurs, les coutumierssont souvent les premiers à vouloir nous aider à préserver ce patrimoine naturel, notamment les tribus qui sont en bord de mer. 

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Deux espèces qui sont en danger et qu’il faut donc protéger ! Si vous étiez un animal, seriez-vous l’un d’entre eux ? Quel est votre lien à l’environnement marin ?  

Valentine : Peut-être que je serais un dugong, je n’y ai jamais vraiment réfléchi sous cet angle ! Ce dont je suis certaine, en revanche, c’est qu’il est un animal fascinant, finalement assez mystérieux parce qu’on ne connait pas encore tout de lui. Il y a beaucoup d’études en cours et je trouve que c’est un animal mal connu, aussi bien du public que du monde de la recherche.

En vivant à Mayotte, mon lien à la mer et à l’océan s’est renforcé. J’ai commencé à beaucoup plonger, j’aime être dans l’eau, sous l’eau et travailler sur cet environnement magnifique. J’aime comprendre comment tous ces écosystèmes fonctionnent et participer à la conservation de cette belle biodiversité. Hâte de rencontrer le dugong de Thio ! 

tortues marines
Campagne choc de la © Province Sud !
méduses
Un ballet envoûtant !

Karim : je ne pense pas que j’aurais choisi d’être une tortue mais plutôt une méduse ! Je trouve qu’elles sont fabuleuses ! Elles peuvent paraître modestes mais c’est un animal incroyable, qui n’est constitué presque que d’eau et qui pourtant, possède l’équivalent d’un système nerveux. Il y a beaucoup d’espèces différentes aux caractéristiques extraordinaires. Certaines ont de telles capacités de régénération qu’elles ouvriraient des pistes de recherche permettant de combattre Alzheimer… 

Globalement, j’ai un lien fort à l’eau. Je suis né dans une région baignée par l’eau. Je viens d’une formation sur les eaux douces et j’ai toujours eu à cœur d’être en contact avec l’eau. C’est le hasard de la vie qui m’a amené vers le milieu marin mais cela n’empêche que ma vie se compose aujourd’hui d’action tournées vers cet élément. L’eau est importante. Le lagon certes mais selon moi, tous les milieux se valent ! 

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