Si on vous dit que les Sirènes existent, vous nous répondrez surement que ce n’est que dans les contes pour enfants ! Pourtant, du mythe à la réalité, il n’y a qu’un pas… La sirène alimente l’imaginaire collectif depuis des siècles, si bien qu’elle est devenue un être fabuleux que les enfants rêvent de rencontrer. Alors que se déguiser en sirène devient une activité touristique de plus en plus répandue de nos jours, Claudine Jego a été la première femme-sirène de Calédonie ! Alors qu’elle travaillait sur le Ponton il y a de ça une trentaine d’années, Claudine enfilait son costume de femme-poisson, confectionné par ses soins, pour plonger avec les touristes de passage. La rédac’ a voulu en savoir plus sur Claudine. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une sirène !

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Bonjour Claudine et bienvenue sur NeOcean. Peux-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ?

Bonjour NeOcean, c’est gentil d’avoir pensé à moi pour vos trois questions ! Je m’appelle Claudine, vous avez pu entendre parler de moi dans l’interview de ma fille, Tyffen Read. Je suis connue pour avoir été « sirène » sur le Ponton il y a une trentaine d’années. J’ai été maitre-nageuse pendant près de dix-sept ans en piscine par la suite et je suis passionnée de tourisme.

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Waou, « sirène » ? Ce n’est pas commun comme métier ! Tu veux bien nous raconter cette expérience ?

J’ai un parcours d’animatrice maitre-nageuse puisque j’ai travaillé pour le Club Med pendant plusieurs années et monitrice de plongée libre. J’ai été aux Maldives, à l’Ile Maurice, aux Bahamas, à La Réunion, en Israël. J’ai beaucoup voyagé et quand nous sommes arrivés sur le territoire, j’ai commencé par travailler pour le Mary D. Il n’y avait pas beaucoup de maitres-nageurs diplômés à l’époque et nous avions un côté un peu polyvalent dans nos missions. Après j’ai travaillé à Enfantasia en tant que responsable d’une prématernelle avant de me lancer dans l’aventure de la « S.A Lagon Loisirs », plus connu sous le nom du Ponton.

Photographie à l’ancienne, avant l’air du tout digital… © Claudine Jego

En effet, quand ils ont ouvert, ils cherchaient un maitre-nageur polyvalent, qui puisse faire hôtesse. Je m’occupais des buffets, des tournées en PMT et du démarchage auprès des comités d’entreprise mais aussi auprès des écoles que nous accueillions. Nous avions assez de matériel pour recevoir des scolaires ! Nous faisions des initiations avec eux. D’ailleurs, je trouve ça dommage qu’il n’y en ait plus vraiment avec les plus petits. Rares sont les enfants qui savent mettre un masque et qui vont sous l’eau découvrir le monde sous-marin. C’est la même chose pour certains adultes aussi…

L’idée de la sirène est venue avec mon côté « animation » et créatif. Je faisais un peu de couture et il m’arrivait très souvent de me fabriquer mon costume. Je suis allée acheter des coquilles Saint-Jacques et puis j’y ai ajouté des perles et des sequins. J’avais aussi une robe de poisson ! C’est un peu le style Club Med. Ma fille Tyffen était encore petite, et nous étions toutes les deux à fond dans le délire de la Petite Sirène. C’était une belle façon de lui faire découvrir et aimer le monde sous-marin. Le Ponton se prête très bien à ce type d’activité, il a des marches avec un observatoire sous-marin. Sans compter les touristes japonais, qui étaient comme des fous quand nous partions en plongée autour de la réserve.

C’était une période où il y avait vraiment un enthousiasme et de l’énergie dans le tourisme. Les fonds étaient majoritairement privés, grâce à des gens passionnés de tourisme et qui avaient des idées à revendre. La Nouvelle-Calédonie a tant à offrir au niveau du tourisme ! Les paysages, les fonds sous-marins… Quand j’habitais en Australie, je me suis rendue plusieurs fois dans des structures similaires, aux Whitesundays dans le Queensland notamment et je trouvais ça moins bien que nous…

Un des partenaires du Ponton était South Pacific Tours (SPT), un tour opérateur japonais, et Alizé plongée avec qui nous organisions des baptêmes. À cette époque-là, à Sèche Croissant, il y avait aussi une sorte de capsule / soucoupe volante sous l’eau où des Japonais se mariaient, en tenue de scaphandrier ! Nous étions pionniers dans ce type de tourisme et avec des infrastructures de qualité. Ce qui est toujours vrai ! Nous pensions que nous n’avions pas la capacité d’accueillir des touristes alors que c’était totalement le cas. Beaucoup ont investi de l’argent dans de nouvelles infrastructures alors qu’il en existait déjà tant de qualité, notamment le Ponton. Quand la SA du Ponton a fait faillite, la réserve a été ouverte et tout a dépéri… C’est tellement dommage.

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Quel est ton lien à l’univers marin ? Est-ce qu’il est toujours aussi fort aujourd’hui ?

À l’époque, tous les jours en rentrant de la barrière, nous nous arrêtions à l’îlot Maitre pour voir les tortues… Aujourd’hui encore, nous sommes tous les week-ends à la barrière ! Pourtant, même si j’adore le lagon, il y a beaucoup d’autres activités à faire et valoriser en Nouvelle-Calédonie, comme la marche, la randonnée ou l’équitation pour ne citer que ça. Toutes les personnes qui viennent ici passent les vacances de leur vie !

Carte postale… © Claudine Jego

Nous avons un côté « enfant gâté » : comme tout est facilement accessible, les gens estiment qu’ils devraient avoir la gratuité de tout, partout, tout le temps. Certains pensent pouvoir arriver dans un hôtel profiter de la piscine ou aller sur un ilot, utiliser les transats et des parasols sans payer… Ce n’est pas possible, il faut valoriser notre tourisme intérieur et extérieur ! Le Ponton, à l’époque, avait l’avantage de proposer des activités accessibles aux non-nageurs et à ceux qui n’avaient pas de bateau ou de matériel. C’était une expérience inoubliable, des gens m’en parlent encore et se souviennent de cette période !

Si j’ai bien appris quelque chose au fil des années, c’est que beaucoup de personnes ne se mettent pas vraiment dans l’eau. Ils ne connaissent pas bien le milieu aquatique. Je trouve ça regrettable parce que quand on connait, on préserve. Quand ils ne connaissent pas, ça leur est égal de jeter du plastique ou des cigarettes dans la mer… Si on les emmenait plus souvent assister à des ateliers de sensibilisation, ils se comporteraient peut-être de manière différente.

Il faut tester, se confronter au réel et à cet environnement quotidien ! C’est bien de faire découvrir le monde sous-marin via le virtuel mais je me demande si cela suffit. À Tahiti, les enfants sont dans l’eau avec leur instituteur et ils apprennent directement comme ça ! Il y a tant d’activités que nous pourrions faire dans le lagon pour mettre les gens dans l’eau.

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