Les volcans, fascinent autant qu’ils inquiètent, depuis des centaines d’années. Dans le Pacifique, on observe des volcans en activité – comme le Yasur, sur l’île de Tanna, au Vanuatu. Mais il y a aussi des volcans plus discrets, moins visibles, bien cachés au fond de l’océan : les monts sous-marins

Trois hommes se sont dévoués à les étudier, les observer et les comprendre. Michel Lardy, Bernard Pelletier et Philipson Bani – trois passionnés – qui nous ont partagé lors d’une conférence au musée maritime de Nouvelle-Calédonie, tous les secrets de ces mystères marins – mais aussi terrestres. Un évènement en partenariat avec l’IRD – l’Institut de recherches pour le développement. Nous avons voyagé dans le Pacifique, du Vanuatu jusqu’à Tonga, à la rencontre de volcans qui tentent de pointer le bout de leur cratère à la surface depuis de nombreuses années.  

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Au sommet des monts sous-marins 

Alors que se passe-t-il sous la surface de notre océan ? Une chose est sûre, il regorge d’énergie. Pas seulement grâce aux coups de nageoires des poissons mais surtout, grâce à des monts, autrement dit de petites montagnes qui s’élèvent depuis le fond de la mer sans atteindre la surface. Selon une étude récente43 000 monts sous-marins ont été recensés grâce à des données satellitaires et plus de la moitié – 27 000 – sont encore inexplorés. Mais dans la réalité, Bernard Pelletier, chercheur retraité de l’IRD, estime qu’il y en aurait plus de 60 000 à travers notre planète !

La formation de ces dômes est la conséquence du mouvement des plaques terrestres. Les chercheurs ont les yeux rivés sur le Pacifique Sud-Ouest car c’est là que deux grandes plaques s’affrontent. Elles se rapprochent l’une de l’autre à une vitesse assez rapide. Ces monts sous-marins peuvent mesurer jusqu’à 1000 mètres de hauteur ! La Nouvelle-Calédonie en cache aussi au fond du Parc naturel de la mer de Corail : les scientifiques en ont repéré 95. 

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Par monts et par vaux… © National Ocean Service


Au Vanuatu, le volcan est actif et aérien. Ça, c’est ce qu’on le voit mais à plusieurs mètres de profondeur, sous la mer, se trouve d’autres volcans, “probablement actifs mais qu’on ne connaît pas très bien” explique Bernard Pelletier. Au Nord de l’archipel, des monts sous-marins ont été cartographiés mais pour l’heure, personne ne sait s’ils sont actifs ou pas.

Ce que l’on sait c’est que l’un d’entre eux, au Sud du Vanuatu, répond au joli nom de Gemini et a été étudié avec attention. En février 1996, tout a basculé : Gemini a décidé de se réveiller, il est entré en éruption à 80 mètres de profondeur. Pour la petite histoire : si ce volcan avait émergé, il aurait modifié la limite de la ZEE – Zone économique exclusive- entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu. 

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Big Bang aux îles Tonga

Les volcans sont malins : il s’amuse à jouer à cache-cache. Parfois, situés non loin de la surface de l’eau, ils peuvent émerger puis souvent disparaître pour réapparaître et finir quelquefois par former une île. C’est ce qui s’est passé à Tonga, à 2000 km à l’Est du Caillou. En 2015, deux îles – Hunga Tonga et Hunga Ha’apai se retrouvent reliées, à la suite de l’explosion du volcan sous-marin juste en dessous. Jusqu’en 2022, de multiples petites éruptions viennent modifier le relief lorsque tout bascule le 15 janvier 2022. La colère du volcan s’intensifie et provoque une explosion dont tout le monde se souvient encore. Pendant plusieurs jours, le monde entier a eu les yeux rivés sur l’archipel de Tonga. Aux alentours de 4h30 du matin, ce 15 janvier, le volcan entre éruption et relâche un gigantesque panache de fumée dans l’atmosphère… l’équivalent, selon le volcanologue de l’IRD Philipson Bani, de la puissance de deux millions de Dodge Ram éjectés dans les airs… par seconde ! L’explosion ayant duré 40 minutes… on vous laisse faire le calcul, ça en fait du 4×4 dans le ciel. 

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Baboum ! © Tonga Geological Services

Une telle intensité n’est pas sans conséquences : l’explosion a créé une onde qui a traversé notre planète Terre… trois fois ! C’est l’une des plus importantes enregistrées avec les techniques modernes. Le son de l’explosion a été entendu jusqu’en Nouvelle-Zélande et même jusqu’en Alaska – de quoi secouer un peu nos amis les esquimaux. Plus de 400 000 éclairs, tsunamis en cascade… le volcan n’a pas ménagé sa colère. C’est l’éruption la plus importante de ces trente dernières années. Presque deux ans plus tard, les spécialistes tentent encore de comprendre et d’identifier les conséquences à long terme sur le climat, provoquées par Hunga Tonga Hunga Ha’apai

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Les bubules, les bubules ! © Georges Bargibant / IRD

Les sautes d’humeur de Karua, mont sous-marin au Vanuatu 

Les éruptions volcaniques remontent parfois à des centaines d’années… 1450 par exemple. C’est là que Michel Lardy, chercheurs retraités de l’IRD, nous a emmené, dans son sous-marin à remonter le temps. Direction le Vanuatu. Sur l’île, les volcans sont source d’histoires et de légendes, qui racontent comme la colère des esprits a fait jaillir les volcans de cette partie de l’océan Pacifique, une mine d’or pour les volcanologues, qui bien souvent, ne se peuvent se baser que sur les récits des populations pour débuter leurs recherches. Ils doivent associer les sources du merveilleux aux observations du terrain. 

Il y a 500, une des plus importantes éruptions des dix derniers millénaires a pulvérisé le volcan et l’île avec. Aujourd’hui, sous les eaux de l’archipel du Vanuatu, un volcan sommeil toujours. Depuis les années 50, un cône volcanique est sorti de l’eau et depuis cette période, n’a cessé d’apparaître et de disparaître. 

A la fin des années 1990, Michel Lardy, géophysicien et à l’époque responsable du programme international de surveillance des volcans du Vanuatu, s’est rendu sur l’île de Tongoa, pour étudier le volcan sous-marin en activité baptisé Karua. Aujourd’hui encore, l’activité de Karua est bien visible : en plongeant à une douzaine de mètres de profondeur, on peut y voir des chapelets de bulles de gaz sulfurés qui s’élèvent du fond de la mer – comme si quelqu’un sommeillait juste en dessous. Il a également fait des mesures sur une falaise tabou, d’où s’élevaient des fumeroles, “des poussées de fièvre provoquées par les remontées du magma dans les fractures du manteau terrestres” selon Michel Lardy. Un phénomène naturel qui ne cesse de fasciner les spécialistes à travers le monde.

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Philipson Bani et Michel Lardy à la barre © Musée maritime NC

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