Papoter avec Olivier Dezael, c’est tout d’abord partager ses passions pour l’électronique, la robotique et, bien sûr, l’océan sous toutes ses formes. Cet ancien gérant de club de plongée est tombé éperdument amoureux du Caillou pendant son service militaire et est donc revenu s’y installer, il y a un peu moins de dix ans… Aujourd’hui entrepreneur, il a fondé la société Pacific Underwater Systems pour concilier ses passions et explorer les fonds marins grâce à son ROV. Interview à 20 000 lieues sous les mers…

Olivier, dompteur de robots sous-marins… © NeOcean

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Salut Olivier et bienvenu sur NeOcean ! Alors comme ça, tu as gardé ton âme d’enfant ? Il se dit que tu aimes t’amuser avec des machines un peu spéciales : des petits robots sous-marins. Parle-nous un peu de tes « jouets » préférés ? 

Bonjour NeOcean ! Dans mon enfance, je voulais m’orienter vers la Formule 1 et ces petits robots m’ont mis sur la voie maritime : 

« Ce sont de véritables F1 de la mer ! » 

L’enfant trouve toujours un chemin de traverse pour réaliser ses rêves…

A vrai dire, j’ai toujours rêvé d’être mécanicien de F1 mais la vie m’a amené à la pratique de la plongée sous-marine et j’ai donc fait le lien entre cette passion et la technique : les robots sous-marins. 

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Parlons un peu de toi… raconte-nous ta petite histoire à travers les grandes dates clé de ton parcours. 

A 20 ans, j’ai découvert la plongée sous-marine puis j’ai fondé mon propre centre de plongée avant de former des moniteurs et des élèves en métropole, vers Saint-Cyr-sur-Mer. Quelques années plus tard, une fois mon centre de plongée vendu, j’ai basculé sur la robotique sous-marine. J’ai donc effectué une formation spécialisée à Fort William, en Angleterre qui m’a offert des débouchés professionnels. J’ai ensuite dû gravir les échelons en accumulant de l’expérience grâce aux missions réalisées. 

Je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie en 2016 ; à l’époque, en 1988, j’y avais suivi mon service militaire et je suis ainsi revenu sur le Caillou pour poser mes valises définitivement. Il y a environ six mois, j’ai créé mon entreprise autour d’un projet mûrement réfléchi qui a toutefois nécessité de trouver des financements et des moyens. C’est ainsi qu’est née « Pacific Underwater Systems » (PUWS).

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Quel est ton rapport à l’océan et, plus globalement, aux environnements maritimes ? 

Dès que j’ai mis la tête sous l’eau, j’ai été émerveillé ! Et cette passion pour la nature et ce mouvement, bien différent du nôtre, dure encore aujourd’hui… J’ai donc passé mon temps à pratiquer ces activités et j’ai rapidement eu envie de lier ma carrière professionnelle à cette passion. Je ne regrette rien : les bateaux, la plongée ou les robots sous-marins, tout est lié avec la mer et m’apporte un plaisir chaque jour, que ce soit en immersion avec mon corps ou avec les machines. 

Et la plongée en Nouvelle-Calédonie… C’est bien différent de la Méditerranée qui est magnifique mais l’océan Pacifique… c’est encore un autre monde : mon ressenti, c’est que le Caillou est LE spot numéro un en matière de plongée. 

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Tu as créé la société « Pacific Underwater Systems » : présente-nous un peu ton bébé et ses différentes activités ? 

Vous l’aurez compris, nous travaillons dans la robotique sous-marine ; pour ce faire, nous avons investi dans un robot qui est capable de plonger jusqu’à 300 mètres de profondeur. Ce sont des machines puissantes, quoi que coûteuses, qui peuvent résister à tous les courants des passes et de l’extérieur. Aujourd’hui, nous travaillons avec un ROV mais demain, il est possible que nous investissions dans d’autres machines qui nous permettront de descendre à 1000, 2000, 3000 mètres… pour faire d’autres travaux, plus spécifiques. 

Pacific
Un robot filoguidé et une console de contrôle = le ROV © PUWS

Grâce à ces technologies, nous proposons par exemple des mesures d’épaisseurs, des images en temps réel pour que nos clients puissent aller voir les spécifiés d’un spot avant d’engager des travaux et toutes autres sortes de mesures diverses et variées. On peut également récupérer des sédiments pour les analyser ou utiliser la pince du robot qui peut soulever jusqu’à 35 kilos. On peut également fixer un karcher pour nettoyer des chaînes anticycloniques, notamment dans les stations minéralières qui ont toujours besoin de vérifications. La machine embarque également un sonar très performant qui permet de détecter et d’identifier de nombreux objets sous l’eau. 

Ces services s’adressent aux bureaux d’études, commanditées ou non par les institutions, qui réalisent des plans d’action. Par exemple, le warf de Tiga s’est écroulé et a besoin d’être reconstruit : le robot permet d’aller voir au lieu d’envoyer des plongeurs. Nous collaborons également avec les sociétés minières, ou encore l’OPT pour leurs câbles sous-marins… 

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Comment devient-on pilote de ROV et qu’est-ce qui te passionne particulièrement dans ces technologies ? 

Je suis passionné par l’électricité, l’étanchéité, la physique et l’électronique et toutes les données qu’on peut récupérer me fascinent : le robot réunit toutes ces disciplines et savoir-faire… 

Pour rentrer dans ce milieu, il faut avoir des connaissances mécaniques, hydrauliques et électroniques. Il faut ensuite être capable de se former, en anglais, à tout ce qui est schématique et mesures : c’est le rôle de Fort William, une formation qui dure entre 8 et 16 semaines selon la spécificité qu’on souhaite obtenir. Ce brevet est validé « IMCA », une association qui réunit toutes les organisations pétrolières ou autres qui cotisent pour y adhérer et bénéficier des services adéquats. Ensuite, il n’y a « plus qu’à » entrer sur le marché… 

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Quelles sont les principales missions que « Pacific Underwater Systems » poursuit en Nouvelle-Calédonie ? 

De manière générale, je suis en collaboration avec des sociétés comme Island Robotics – créée par Michael Field -, Abyssa ou encore Action Hydro Topo. Nous sommes sur des projets qui pourraient nous réunir très prochainement.

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En quoi ces technologies sont-elles essentielles pour la connaissance et donc la sauvegarde de notre patrimoine naturel ? 

Il faut bien comprendre la distinction entre un AUV et un ROV, un drone sous-marin ; le premier est un robot autonome sous l’eau alors que le second est « filoguidé » grâce à l’ombilical et donc toujours « attaché » à l’embarcation. L’AUV peut se perdre, faire une erreur de route, manquer d’alimentation et le ROV peut donc prendre le relai et, potentiellement, aller chercher la machine autonome qui coûte un certain prix… 

Les missions scientifiques sont captivantes ! Nous allons d’ailleurs collaborer avec l’IRD prochainement et nos robots sont utiles à bien des égards ; on ne met pas d’homme sous l’eau donc pas de compressions et on peut effectuer des prélèvements sur demande, récolter des quantités astronomiques de datas et ensuite échanger avec les scientifiques qui analysent ces données. Dans ce contexte, ces technologies sont très utiles à la préservation et, surtout, à la compréhension des écosystèmes et donc du fonctionnement de notre planète. 

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Peux-tu partager avec nos lecteurs une anecdote liée à l’utilisation ou au pilotage de ces drones sous-marins ? Une rencontre spéciale, un cas d’urgence, une panne… ? 

Avec plaisir ! Récemment, on faisait des repérages de sédiments et d’algues dans la baie de Numbo pour un bureau d’études et, soudain, un beau squale de 4,50 mètres est venu se balader devant nous, face à la caméra : c’était un gros requin taureau curieux qui a poussé un peu le robot avant de repartir à ses affaires… 

Coucou toi ! © PUWS

On fait également quelques rencontres avec des animaux étranges, lors des descentes à des profondeurs plus grandes… Ils sont généralement assez lents et se promènent avec peu d’aisance : c’est toujours impressionnant de croiser ces animaux qui vivent dans le noir puisqu’à partir de – 200 mètres, il n’y a plus de lumière… 

Une autre fois, en posant du câble sous-marin, nous avons perdu le robot sous l’eau : il n’y avait plus rien au bout de l’ombilical ! C’étaient des robots qui faisaient entre 12 et 13 tonnes à l’époque et je peux vous dire que ça fait bizarre de remonter… du vide ! C’était drôle sur le moment mais vu le coût de telles machines… nous avons utilisé les balises de localisation et avons fini par remonter le ROV. Une expérience flippante ! 

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Un dernier mot ou une dernière actualité pour nos chers lecteurs ? 

Bien sûr ! Un projet de câble de liaison avec le Vanuatu est en cours de réalisation et nous allons partir faire des relevés sur place avec toute une équipe de spécialistes. Une mission intéressante ! 

L’écosystème liés au robot sous-marin est vraiment sympa en Calédo : les gens sont sympas, ouverts d’esprit, curieux et souhaitent vraiment collaborer. On échange plein d’idées ensemble et ça nous permet de créer des projets passionnants localement mais pas que ! Un super écosystème ! 

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