Ce n’est sûrement pas la première fois que vous entendez cette phrase : les coraux sont en danger. La préservation de cette forêt tropicale des mers et de son écosystème est un enjeu majeur pour l’environnement. Blanchissement, perte de biodiversité, maladie et actions humaines (…), les symptômes de cette dégradation pour les récifs coralliens sont multiples.

Aujourd’hui des organismes internationaux tels l'”Institut océanographique” ou encore “’Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens” (ICRI), ne prennent pas ce problème à la légère. Côté local, des recherches sont également menées dans les différents pays côtoyant les lagons, comme la mission ReCoVer lancée en juin dernier depuis le Caillou. Mais où en est-on du côté des recherches scientifiques ? Comment les données récoltées sont utilisées ? Entre expérimentations, innovations et sensibilisations, explorons certaines des initiatives mises en place pour redonner de la couleur à nos récifs.

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Une toile d’artiste ? Non, c’est la nature au… naturel !

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Prendre la nature à rebrousse-polypes

Et si créer des nuages pouvait sauver nos coraux ? C’est l’idée folle de scientifiques australiens… Si nous nous accordons sur notre responsabilité dans le déclin des coraux, peut-être que la solution se trouve dans la nature et sous nos yeux ! En 2020, le gouvernement australien a injecté près de 150 millions de dollars dans le cadre de son programme “Reef restauration & adaptation program” qui vise au développement des technologies pour la préservation et le sauvetage des coraux. Une des technologies proposées a pour objectif de refroidir l’eau en été sur la Grande barrière de corail.

S’il ne suffit pas de tourner un robinet, leur proposition n’en est pas moins innovante. L’objectif est de propulser dans l’air des embruns marins afin d’augmenter les particules salines pour rendre les nuages de basse couche plus réfléchissants. Ainsi, la quantité d’énergie absorbée par l’océan sera moins conséquente et limitera l’augmentation de sa température. Des expérimentations pour déployer ce “parasol naturel” ont été menées, notamment au large de Townsville, afin de tester les prototypes des turbines censées propulser l’embrun dans l’air. Les recherches se poursuivent avec un calendrier de développement du projet sur dix ans. De quoi nous tenir en haleine pendant quelques années !

initiatives coraux
Lanceur de nuage en vue ©Reef restauration & adaptation program

« Nous privilégions cette option par rapport à des initiatives dans lesquelles on cultive des coraux, par exemple, parce que celles-ci se concentrent seulement sur certains coraux, les plus résistants. Avec l’éclaircissement des nuages, on préserve tout l’écosystème du récif, les coraux jeunes ou anciens, mais aussi les anémones, les oiseaux, etc. »

Daniel Harrison, le directeur des recherches, lors d’un webinaire organisé par la C2G

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Mieux connaître les coraux pour mieux les comprendre

Quand certains améliorent des nuages, d’autres utilisent l’Intelligence Artificielle (IA) pour en faire un outil de prédiction autour de l’évolution des récifs. C’est le cas de “Reef Pulse” qui propose une solution mêlant acoustique et Intelligence Artificielle. Lauréate du “Grand prix i-Lab” – opéré par Bpifrance dans le cadre du plan France 2030 – cette entreprise française a développé un instrument permettant d’avoir un aperçu détaillé de la vie d’un récif et de sa santé sur une période donnée. 

Ce dispositif permettant d’enregistrer les sons est installé sur le récif pour récolter son « paysage sonore ». Grâce à l’intelligence artificielle, les données récoltées sur certaines espèces sélectionnées pourront être quantifiées et détectées afin d’avoir des informations précises sur la santé et l’écosystème du récif et d’anticiper son évolution.

Toujours en Europe, dans le cadre de son programme “Transnational Red Sea Center” un laboratoire de l’École polytechnique de Lausane (EPFL) a développé une IA capable de réaliser des cartographies 3D des fonds marins. Cette IA, baptisée sous le doux nom de “DeepReefMap“, multiplie les qualités. 

Si à ce jour la reconstitution d’un récif corallien était fastidieuse et nécessitait plusieurs prises de vues réalisées par un spécialiste, une qualité d’images, du matériel coûteux, “DeepReefMap” simplifie le processus. Cette IA n’a besoin de (presque) rien : elle se contente d’images pouvant être réalisées par n’importe quel plongeur avec une caméra basique et peut cartographier, en quelques minutes, plusieurs centaines de mètres de récifs ! Elle analyse et classe ensuite les coraux en fonction de différents critères, comme la couleur ou la forme, permettant ainsi de faire un premier diagnostic de santé. Une aubaine pour mesurer les changements et proposer des actions concrètes… 

initiatives coraux
C’est ce qu’on appelle multiplier les points de vue © 2024 Lukasz Warzecha © LWimages

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La sensibilisation, une des clés pour avancer ?

Les innovations technologiques pour la protection des récifs sont nombreuses et mobilisent différents champs de la recherche scientifique. Pourtant, les initiatives se retrouvent aussi dans les moyens mis en place par des associations et à destination du grand public. C’est le cas de “Coral Guardian“, une association créée en 2012, qui travaille autour de la restauration de zones de récifs endommagées. Elle développe notamment des programmes de “conservation marine participative“. En effet, l’association souligne l’importance d’impliquer des populations et des acteurs locaux pour leur permettre de mieux comprendre le fonctionnement des récifs et, ainsi, de mieux les protéger. Et même si les coraux ne sont pas vos voisins, vous pouvez contribuer à ces restaurations en… adoptant un corail ! Une idée qui n’est certes pas nouvelle, mais qui permet de s’impliquer en tant que « parent » …

En Nouvelle-Calédonie, le lagon a la chance d’abriter une diversité incroyable et d’avoir des gardiens attentifs qui veillent à ce que cela continue… En 2024, le “Document d’Orientation Stratégique” pour la résilience des “Récifs Coralliens et Écosystèmes Associés de Nouvelle-Calédonie” (RCEA) avait, entre autres, mis en avant la sensibilisation dans ses objectifs à long terme. Et des initiatives pour sensibiliser le grand public, le Caillou n’en manque pas !

C’est, par exemple, le cas de “Reef protect“. Cette association, fondée par des personnes investies dans la protection du lagon, a notamment pour mission la surveillance, la sensibilisation et la protection des récifs coralliens. Elle s’est d’ailleurs engagée sur un projet de création d’un récif artificiel à l’îlot Maître avec des “Reef Ball”. Si celui-ci permet de lutter contre l’érosion et participera à la création d’habitats sous-marins, il aura également comme objectif l’aménagement de sentiers pédagogiques sous-marins. Ces derniers permettront, entre autres, la mise en place d’actions de sensibilisation, le développement de projets participatifs ou encore la création de formations. Un bel exemple parmi tant d’autres d’un projet “couteau suisse” mêlant sciences, médiation et grand public.

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La science, l’innovation technologique et la société civile main dans la main pour protéger les coraux

Si l’innovation technologique a une importance majeure dans la mise en place de solutions techniques, la médiation scientifique et la sensibilisation permettent d’engager les individus dans des actions concrètes de conservation, de promouvoir des pratiques durables et de soutenir les initiatives de recherche et de gestion. En établissant des ponts entre la science et la société, elle contribue à mobiliser les efforts nécessaires pour sauvegarder les coraux et assurer leur survie pour les générations futures. Parce que finalement “savoir” c’est déjà “pouvoir”, non ?

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