Pour bien commencer la semaine, nous avions rendez-vous ce lundi 29 avril, à 11h, au centre administratif la province Sud, pour une conférence de presse un peu particulière. En effet, le sujet de cette réunion portait sur les requins bouledogues et tigres et leur avenir en province Sud. Un débat qui déclenche les passions depuis plusieurs années dans un contexte d’interactions croissantes – et mortelles – avec ces espèces.  

Ainsi, Gil Brial, le deuxième vice-président de l’assemblée de la province Sud, a co-signé avec France Bailly, la représentante de l’IRD en Nouvelle-Calédonie, le lancement d’une étude sur l’écologie de ces grands requins en province Sud. Explications et plan d’action pour cette étude hautement sensible. 

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Paroles d’experts © NeOcean

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Le sujet qui déchaîne les passions 

Il est 11h du matin quand Gil Brial commence la conférence de presse face à une dizaine de journalistes impatients. L’ambiance est chaleureuse malgré un sujet d’actualité sensible : les requins bouledogue et tigre. En effet, dans un contexte de crainte croissante pour la sécurité des Calédoniens suite à plusieurs attaques de ces grands squales autour de Nouméa, la province Sud avait décidé d’adopter une position claire : interdire la baignade pendant plusieurs mois, retirer ces squales de la liste des espèces protégées et faire des prélèvements réguliers de ces deux espèces

« C’était un choix politique de la ville et de la province Sud pris dans l’urgence de la situation. La logique était assez simple : moins de requins, moins de risques. Nous avions fait le choix de prendre le prisme de la sécurité des Calédoniens et non de l’animal. Entre l’homme et le requin, nous avons choisi l’Homme. »

Gil Brial, décision sécuritaire

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Plus de neuf mois d’interdiction de baignade et près de 250 requins prélevés… © NeOcean

Cette décision, prise dans « l’urgence », avait fait grand débat, notamment en raison de son manque de fondement sur des études scientifiques. De ce fait, l’État, la commune de Nouméa, le Port Autonome et la province Sud ont décidé de s’associer à l’IRD pour réaliser une étude scientifique sur l’écologie des requins mis en cause dans ces attaques. L’objectif annoncé est de mieux connaître l’abondance de ces individus mais également de comprendre leurs déplacements afin de proposer des actions concrètes pour préserver les zones de baignades et assurer la sécurité des utilisateurs du lagon.

Si une étude similaire avait déjà été lancée en 2018 afin de connaître les déplacements de ces requins, cette nouvelle mouture s’étendra sur une durée supérieure, sur une zone plus large, avec plus de moyens et surtout, grâce à l’utilisation de technologies innovantes. Il s’agit ainsi d’une recherche étendue sur quatre ans, vouée à récolter une grande quantité de données. Coût de cet investissement ? Deux cents millions de francs. Aux grands maux, les grands moyens… Gil Brial, France Bailly et Grégory Lecru, commissaire délégué de la République en province Sud, ont tous les trois rappelé l’importance d’utiliser des études scientifiques pour sortir des « légendes urbaines » et « dépassionner les débats ». 

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Mettre fin aux passions grâce à la science 

Dans ce contexte, France Bailly a pris le temps de prononcer quelques mots avant de laisser la parole à Laurent Vigliola, docteur en Océanographie Biologique et interlocuteur en charge de l’étude. 

« Si l’IRD est impliqué, c’est pour fournir des données concrètes et les analyses qui vont avec. Une fois cette étude terminée, nous les mettrons à disposition des politiciens pour qu’ils puissent prendre les décisions les plus éclairées possibles. Au-delà d’être un outil pour eux, cette étude est aussi un moyen d’en savoir plus sur les comportements et habitudes de ces espèces afin de mieux réagir pour leur protection et pour celle des Calédoniens. » 

France Bailly, la sagesse de la science 

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Reconnaissable avec ses rayures, voici un requin tigre…

Ainsi, Laurent Vigliola a pu préciser les objectifs et le déroulement de cette étude : recueillir de la donnée pour permettre aux collectivités d’élaborer des plans de gestion du « risque requin » afin de maximiser la sécurité des usagers nautiques, tout en modérant les impacts environnementaux à travers des mesures de protection, de sécurisation et de surveillance. Cette étude s’appuiera sur trois technologies : de la vidéo pour mesurer l’abondance de ces espèces, du marquage acoustique d’animaux couplé à un déploiement d’un réseau d’hydrophones sur sept sites du Sud afin de pouvoir les suivre et enfin, l’utilisation de l’ADN environnemental pour anticiper la présence des requins dans certaines zones et créer des alertes en cas d’anomalie.

Dans tous les cas, cette étude sur le long terme est un premier pas vers une meilleure connaissance de l’écologie des requins bouledogues et tigres et donc une meilleure protection de l’animal… et de l’Homme ! Ce travail de « longue haleine » aura le mérite de créer des données fiables et concrètes sur les comportements de ces squales qui n’existent pas pour le moment. Quels qu’en soient les résultats, il va falloir faire preuve de patience. Bien que le lancement des recherches soit imminent, la communication des premiers résultats ne se fera pas avant l’année prochaine…

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