Non, il ne s’agira pas dans cet article des aventures du chien Pollux mais plutôt de lumière nocturne. Qui n’a jamais regardé la Lune en étant surpris de la lumière qu’elle produisait ? Qui n’a jamais été agacé par les lumières artificielles de la ville qui empêchent le rêveur de contempler ce ciel de nuit lumineux ? Si les lumières artificielles offrent une impression de modernité et de sécurité, elles jettent pourtant le voile sur l’obscurité naturelle, essentielle à l’équilibre des écosystèmes terrestres et marins.
Ce jeudi 24 août, l’Observatoire de l’environnement de Nouvelle-Calédonie (OEIL), à travers la voix d’Adrien Bertaud, a restitué son travail de recherche à propos de la pollution lumineuse en Nouvelle-Calédonie : POLLUX. Ainsi, cette étude permettait de rendre compte des pressions des lumières artificielles sur la biodiversité locale. Car au-delà de déranger les rêveurs nocturnes, ce sont tout un tas d’écosystèmes qui se trouvent en péril.
__
POLLUX : l’étoile du berger pour protéger la biodiversité
La Nouvelle-Calédonie, réputée pour ses paysages paradisiaques et sa biodiversité, fait face à un défi silencieux mais dommageable : la pollution lumineuse. Celle-ci désigne l’excès ou la mauvaise utilisation de l’éclairage artificiel dans les environnements nocturnes. Qui n’a jamais râlé de voir des devantures lumineuses allumées en pleine nuit alors que le magasin est fermé ? Ou ces bureaux qui laissent les lumières allumées toute la nuit. Ces nuisances participent toutes à créer une luminosité excessive et non nécessaire.
En Nouvelle-Calédonie, cette pollution est une pression environnementale très peu étudiée alors qu’elle est reconnue par la communauté scientifique internationale comme une source de perturbations pour les organismes vivants. En effet, la science a prouvé que les lumières artificielles venaient perturber les comportements, les cycles de reproductions, la croissance, le système hormonal ou encore les zones d’habitats des espèces. En tant que hotspot de la biodiversité mondiale, la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à ce constat.
Ainsi, l’OEIL a voulu quantifier ces nuisances à l’échelle de la Calédonie afin d’émettre des recommandations scientifiques pour sa prise en compte dans les politiques publiques. Bien installés dans nos fauteuils du CAPS, nous avons ainsi eu les premiers résultats de cette étude. Lauréat du programme européen BEST 2.0+, le projet Pollux NC a été lancé le 7 juillet 2021 pour une durée de 16 mois et s’est terminé en mars 2023. Grâce à des données satellitaires et à des capteurs au sol appelés NINOX, des cartes ont été produites sur tout le territoire afin de la quantifier. Spoiler alert, les villes et les sites miniers sont les principaux responsables de cette pollution lumineuse. La biodiversité alentour les premières victimes…
« La pollution lumineuse est un problème que l’on connaît bien à la Société Calédonienne d’Ornithologie par rapport à ses effets néfastes sur les populations d’oiseaux, en particulier les puffins et pétrels. Pour gérer cette problématique, il est indispensable de s’attaquer aux racines du problème, et c’est cela l’objectif du programme Pollux, porté par l’OEIL, et que notre association soutient et accompagne. »
David Ugolini, Préisident SCO, au lancement de l’étude.
__
C’est pas Versailles ici !
Ce sont d’ailleurs sur ces animaux ailés qu’Adrien a consacré une grande partie de sa présentation. En effet, la pollution lumineuse touche principalement trois espèces d’oiseaux : le puffin fouquet, le pétrel de Gould et le pétrel de Tahiti. Et il n’est plus à rappeler l’importance de ces oiseaux pour la conservation de notre belle diversité marine ! Car si ces animaux ne vivent pas dans l’eau, ils participent grandement à la résistance de nos coraux et au maintien de notre biodiversité marine.
Ainsi, la lumière artificielle en Nouvelle-Calédonie n’échappe pas aux tendances internationales : une utilisation trop conséquente de ces lumières dans la nuit crée de nombreux effets indésirés sur nos espèces. En effet, certaines vont éviter les zones lumineuses alors qu’elles sont leur lieu d’habitat naturel, les déplaçant ainsi dans des zones plus fragiles. Elles vont aussi avoir un impact sur les vols des oiseaux, ou encore leur zone de reproduction, leur zone d’alimentation, etc. Des conséquences qui peuvent créer des déséquilibres très importants sur certaines espèces et influencer leur survie.
« La lumière a un rôle structurant dans la vie de toutes les espèces. Dans un premier temps au niveau de leur vie « primaire » – photosynthèse – puis dans un deuxième temps sur leurs repères spatio-temporels : la lumière peut produire des zones d’éviction pour certains animaux ce qui peut entacher leur survie. »
Adrien Bertaud
__
Vers un ciel plus étoilé
La dernière partie de la restitution concernait les recommandations finales que l’OEIL a dressées, suite à cette étude. Celles-ci sont à destination de décideurs politiques afin que la pollution lumineuse soit prise en compte dans les politiques publiques. En effet, les initiatives existantes et citées par Adrien sont encore limitées et parfois peu appliquées.
De ce fait, le groupe de travail Pollux a proposé dix-huit actions prioritaires, réparties en quatre grands axes :
- Pleinement intégrer la pollution lumineuse dans les politiques publiques ;
- Étudier et suivre la pollution lumineuse, ses impacts et sa gestion à l’échelle du pays ;
- Adopter les bonnes pratiques de gestion des parcs d’éclairage public ;
- Sensibiliser en valorisant le ciel étoilé et la biodiversité nocturne comme un patrimoine.
Ce qui est sûr, c’est que la zone côtière en Nouvelle-Calédonie est la plus exposée aux pollutions lumineuses. La pollution lumineuse se situe au croisement d’intérêts écologiques, économiques, de transition énergétique et… de santé publique pour l’homme ! Travailler sur sa limitation est aussi un appel à l’action pour trouver un équilibre entre la nécessité de l’éclairage moderne et la préservation de la nature intacte.
__