À 19 ans, Aline Schaffar se retrouve à Londres, dans la salle où se décide l’avenir des baleines ; la Commission Baleinière Internationale. Elle représente une association investie dans la protection des mammifères marins. Sauf qu’il y a un détail, aux dernières nouvelles, les baleines ça ne court pas les montagnes en Alsace…
« Je n’avais jamais vu une baleine de ma vie. » – Aline, troquant chaussures de rando pour paire de palmes
C’est bien dans les montagnes alsaciennes qu’Aline a grandi, à faire de la randonnée, bien loin de l’océan et des alizés. Pourtant, l’appel de la mer s’est invité sans prévenir dans sa vie. Un peu comme un cheveu au milieu de la soupe, elle n’a jamais trop compris comment ça lui était tombé dessus, mais à l’adolescence elle s’est dit « Je veux étudier les mammifères marins. ». Depuis, l’océan ne l’a plus lâchée.
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De l’Alsace aux alizés, l’appel inattendu
« Inattendu », c’est le mot qu’elle choisit pour décrire son parcours. Bac littéraire en poche, elle se heurte vite au verdict, on lui dit qu’elle ne peut pas faire de biologie marine. Alors, elle contourne, bifurque, s’accroche. Elle étudie l’éthologie (le comportement animal) avant de partir en Nouvelle-Zélande, le seul endroit où ses diplômes ont été reconnus, pour basculer enfin vers la biologie marine.
L’aventure calédonienne commence en 2004, lors d’une première saison d’observation des baleines. Les années suivantes, elle jongle entre la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie, s’implique dans le suivi des dugongs, et finit par poser ses valises sur le Caillou.
« J’ai vraiment dû écrire ma propre histoire et mon propre parcours pour arriver là où j’en suis aujourd’hui. » – Aline, autobiographe


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La passeuse entre science et action
Pendant dix ans, Aline se consacre à la recherche scientifique et un projet phare marque cette période, l’étude comportementale des baleines face aux bateaux de whale watching. Les résultats ont permis la mise en place d’une charte d’observation, intégrée au code de l’environnement, et d’un programme de formation des opérateurs. Ce travail en partenariat avec la province Sud lui offre la possibilité de faire la passerelle entre le milieu scientifique et la décision politique. Un impact concret aux yeux d’Aline, qui a la volonté de faire bouger les choses.
En 2014, elle rejoint Pew Bertarelli Ocean Legacy, alors fraîchement implanté en Nouvelle-Calédonie, pour travailler sur le Parc naturel de la mer de Corail et l’objectif “30 by 30”, 30 % d’aires marines hautement protégées d’ici 2030. Les débuts ne sont pas simples, il faut prouver la légitimité de l’équipe, faire connaître Pew localement. Mais aujourd’hui, elle savoure le chemin parcouru.
« Aujourd’hui je suis fière de voir qu’on n’est plus seuls à porter cet objectif. Ce n’est pas pour sauver la planète, c’est pour nous sauver nous ! » – Aline, sauveteuse de notre vie


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Les projets qui reboostent
Si l’océan est son fil rouge, Aline aime changer de couleur de palmes. En 2023, elle cofonde Sea You Later, un projet né lors de l’Ocean Hackathon qui consiste à modéliser en 3D l’impact du changement climatique, en prenant l’îlot Amédée comme terrain d’expérimentation. Un lieu à forte valeur patrimoniale, cher au cœur des calédoniens et sur lequel il y a un véritable enjeu en termes d’usage, d’aménagement et d’environnement, notamment avec la population de sterne néréis, une espèce d’oiseau marin en danger d’extinction.
En 2025, à la veille de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC 3), elle embarque dans l’Odyssée des Possibles. Cinq jours de navigation en Méditerranée avec d’autres femmes engagées pour l’océan. Une espèce d’incubateur flottant, leur offrant cinq jours intenses, avec un super encadrement, et surtout une connexion instantanée entre des supers nanas ! Elle en revient reboostée, la tête pleine de nouvelles idées ; diversifier ses engagements, soutenir les femmes qui protègent la mer, et pourquoi pas, reproduire ce genre d’initiative en Calédonie.


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Bouteille à la mer !
Si elle devait en glisser un pour les générations futures, ce serait : « Bon courage ! Mais you can do it, tout est possible. ». Un mélange d’alerte et d’encouragement, qui lui ressemble bien. Elle laisse également un petit mot pour celles et ceux qui veulent agir :
« Étape par étape. Trouvez ce qui a du sens pour vous. On ne peut pas tout faire, et ce n’est pas grave. » – Aline, qui a trouvé ce qui a du sens pour elle
Onze ans qu’elle navigue au poste de cheffe de projet Pew, et toujours la même conviction, celui que l’océan sera, pour toujours, son port d’attache. Mais comme dans chacune de ses “mille vies”, il y aura d’autres escales, d’autres aventures. Parce qu’Aline ne s’est jamais contenté de simplement suivre le courant, elle préfère tracer sa propre route.
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